Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/401-410

Fascicules du tome 1
pages 391 à 400

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 401 à 410

pages 411 à 420



Judith, III. 14. Apamia, Apamene. Il étoit dans la Cœlésyrie.

Bochard, Phaleg. Liv. II. ch. 2, remarque que presque toutes les Apamées sont entourées d’eau, & il en tire une preuve pour l’étymologie de ce nom, qu’il fait venir de l’hébreu אפף, entourer, & מים, eau ; Jonas II, 6. אפפבוני מים, Circumdederunt me aquæ. Il est plus probable que c’est un nom de femme donné à ces villes, comme nous l’avons dit.

Pamiers, ville de France en Languedoc, s’appelle aussi Apamée, en latin, Apamia ou Apamiæ.

APANAGE, autrefois APENNAGE. s. m. Terres que les Souverains donnent à leurs puînés pour leur partage, lesquels sont réversibles à la Couronne, faute d’enfans mâles dans la branche à laquelle ces terres ont été données, &c. Usuaria bonorum attributio ; Fructuaria prædii assignatio ; e regiá stirpe natis assignatæ in usum terræ, ne regnum dividatur ; vulgò apanagium. Sous les Rois de la première & de la seconde race, le droit d’aînesse, ni les apanages, n’étoient point connus. Clovis partagea ses états entre ses quatre enfans ; & Louis le Débonnaire fit la même chose sous la seconde race. Mais on reconnut bientôt l’inconvénient de ces partages, & l’on s’attacha au droit d’aînesse, qui donne la préférence à l’aîné seul pour la succession à la Couronne. Les cadets eurent, pour leur partage ou des duchés, ou quelque portion du royaume en souveraineté ; à la réserve de la foi & hommage, & à condition de la réversion au défaut d’enfans mâles. Cela est arrivé à l’égard de la première & de la seconde branche royale des Ducs de Bourgogne. Enfin, pour ne point démembrer le royaume, & pour abaisser les cadets, l’on s’est contenté de leur donner des apanages ; c’est-à-dire, le domaine utile, & le revenu annuel ; la souveraineté demeurant toujours au Roi. Le Duché d’Orléans est l’apanage des seconds fils de France. Les terres données en apanage sont réversibles à la Couronne à perpétuité au défaut d’enfans mâles, au moins depuis Philippe Auguste ; car jusqu’à lui les filles avoient succédé aux apanages.

Nicod & Ménage dérivent ce mot de panis, qui se prend souvent pour toute sorte d’alimens & de subsistance, vû que plusieurs se sont servis de panagium, pour dire, apanage. Du Cange dit qu’il vient de apanare, apanamentum & apanagium, mots de la basse latinité, qui signifient une pension ou un revenu annuel qu’on donne à des cadets, pour leur entretien & pour leurs alimens, au lieu de la portion qu’ils ont en une Seigneurie qui ne se doit point partager. Cette étymologie retombe dans la première ; car apparemment apanare, apanamentum & apanagium, ont été faits de panis. D’autres, comme Hofman & Monet, le dérivent d’un vieux mot celtique ou allemand, qui veut dire, exclure, forclore de quelque droit : ce qui arrive à ceux qui ont des apanages, qui sont exclus de la succession paternelle. Antoine Loisel, cité par Ménage, croit que apanager vouloit dire autrefois, donner des pennes ou plumes, & des moyens aux jeunes Seigneurs qu’on chassoit du lit & de la maison de leurs peres, pour aller faire fortune ailleurs, soit par guerre, soit par mariage. Paul Emile remarque que les apanages n’ont été connus en France que depuis les voyages d’outremer.

Quoiqu’il en soit de l’origine des apanages, les rois de France ont toujours donné à leurs freres des fonds pour leur entretien, & ces fonds se sont nommés dans la suite apanages. D’abord ils les donnoient pour les héritiers mâles & femelles. Le Roi Jean commença à ne les donner que pour les mâles. Philippe III règla les apanages à dix mille livres ; Philippe IV à vingt mille ; Charles IX les fit monter jusqu’à cent mille ; & le Roi Louis XIII commença par cent mille livres, & fit une augmentation de cent autres mille livres. Le Roi a mis celui de Monsieur à deux cent mille livres, sans les grosses pensions qu’il lui donnoit pour l’entretien de sa maison. Charles IX donna à ses freres, pour leur vie seulement, pouvoir de nommer à tous les offices des Présidiaux, des Aides, &c. Louis XIII & Louis XIV ont donné à leurs freres le pouvoir de nommer à tous les bénéfices consistoriaux, excepté les évêchés. L’Abbé de Dangeau. L’apanage de feu M. le Duc de Berri avoit été réglé comme celui de feu Monsieur, frere du Roi, Voyez Chopin, de Domanio, Conférence des Ordonnances, tit. 2, liv. 12. Déclaration du mois de Mars 1661, pour l’augmentation de l’apanage de Monsieur, frere unique du Roi, Journal des Audiences, T. I, liv. 3, ch. 73. Dupuis, Traité des Droits du Roi, p. 294. Factums de M. Husson, Avocat.

Apanage, signifie en quelques coutumes la portion qui est donnée à un des enfans pour tout patrimoine, pour toute prétention à la succession.

Apanage, se dit aussi figurément des choses qui sont des suites & des dépendances d’une autre. Appendix. Les infirmités sont des apanages de la vieillesse.

N’oublions jamais, mon cher frere,
Que la douleur & la misère,
Du corps mortel que nous avons,
Et de la terre où nous vivons,
Sont l’appanage nécessaire. M. Descart.

Quelques-uns écrivent appanage ; & d’autres écrivoient, il y a 60 ans ou davantage, appennage. Achilles de Harlai de Chanvalon a mis sous le portrait de la Reine-Mere, au commencement de sa traduction de Tacite.

Ce que l’Espagne a de beauté
Se rassemble dans ce visage :
Anne l’eut pour son appanage,
Aussi-bien que la chasteté.

APANAGER. v. a. Donner en apanage, Attributo usuario fundo, jure hæreditatis arcere ; e regiá stirpe natis assignare in usum terras ; fundum fruendum dare, ne regnum dividatur. Un Prince a été apanagé d’une telle seigneurie. Dans les coutumes on appelle aussi, apanager une fille, ou un fils, quand on les établit par mariage, en leur donnant certains héritages ou sommes de deniers, moyennant quoi ils renoncent à toutes successions paternelles & maternelles. Mais ce mot est dit abusivement ; car pour parler correctement il faut dire apanager. Dans quelques coutumes on trouve apaner pour apanager.

Apanager, plus ordinairement apanagiste. s. m. Prince qui jouit d’un apanage. Princeps cui assignatæ sunt in usum terræ, adempto jure dividendi regni. Les Apanagistes jouissent de tous les droits honorifiques, à meilleur titre que les Engagistes.

APANTA. Province de la terre-ferme, dans l’Amérique méridionale. Apanta. Elle est entre le lac de Parima, & la rivière des Amazones.

APANTHROPIE. s. f. Aversion pour la société & la compagnie des hommes ; c’est un symptôme de la mélancholie. Ce mot est grec, ἀπανθρωπία ; il vient du verbe ἀπάγω, je détourne, & de ἄνθρωπος, ’homme. Col. de Villars.

APARAGER. v. a. Comparer. Conserte, comparare. On ne s’en sert plus. Voyez Apanager.

☞ Toujours de l’humeur ou de la mauvaise foi chez les Auteurs du grand Vocabulaire. Voyez l’erreur du Dictionnaire de Trévoux, disent-ils, qui, après avoir dit que ce verbe signifie comparer, ce qui est assez analogue à son vrai sens, ajoute, qu’on ne s’en sert plus, & renvoie à apanager, comme si ce dernier verbe devoit suppléer l’autre. Oui sans doute, ce verbe doit suppléer l’autre, non pas dans le sens qu’on explique, mais dans celui dont on parle au mot apanager, & pour lequel on renvoie à cet article.

Aparager, Emparager, signifie encore, marier quelqu’un noblement & sans dérogeance. Voyez au mot parage, les différentes acceptions qu’on lui donne.

APARENTÉ, ÉE. adj. Voyez Apparenté.

APARIA. Nom propre d’une province de l’Amérique méridionale. Aparia. C’est une partie du pays des Amazones, entre la rivière de ce nom & celle de Potomayo, à l’orient du pays de Canela.

APARISSABLEMENT. adv. C’est un vieux mot, qui vouloit dire Manifestement. Borel.

APARITOIRE. s. f. Parietaria. Herbe qu’on appelle plus communément Pariétaire.

APARLIER. Autrefois on disoit aparlier, pour apareiller. Borel.

A-PARTE. s. m. Seorsim. Terme emprunté du latin, affecté à la Poësie Dramatique. Il se dit de ce qu’un Acteur dit à part, & comme avec soi-même, pour l’instruction de ses auditeurs, en découvrant quelques circonstances essentielles, lorsqu’il feint de n’être point entendu des autres Acteurs. Il y a des critiques sévères qui condamnent tous les a-parte. En effet ils pèchent contre l’exacte vraisemblance. Néanmoins ils sont excusables, pourvu qu’ils soient courts, par la nécessité qu’on a d’en user, pour instruire le spectateur de certaines choses qu’il ne peut autrement connoître. Il ne prend point d’s au pluriel.

APARTEMENT. Voyez Appartement.

APAS. s. m. C’est ainsi que Wicquefort appelle le pain des Perses, dans sa Traduction de l’Ambassade de D. Garcias de Silva Figueroa. Panis Persarum, ou Persicus. Il y avoit à l’entrée de la même cour quelques autres alceves destinées pour quelques regrattiers, qui vendoient leur apas, c’est à-dire, leur pain ordinaire. Wicquefort.

APATHIE. s. f. Terme de Philosophie. Impassibilité, imperturbabilité, insensibilité morale, constance, fermeté d’ame, qui empêche qu’on ne sente les mouvemens & le tumulte des passions, état de l’ame qui n’est troublée par aucune passion. Apathia, affectuum vacatio, vacuitas. Les Stoïciens se piquoient d’une entière apathie, jusqu’à n’être point sensibles à la douleur. Ils vouloient que l’ame de leur Sage fût dans une assiette calme & paisible, & toujours au-dessus des disgraces humaines. Qui ne sait que l’apathie des Stoïciens étoit l’abolition & le retranchement de toute passion ? L’impeccance des Pélagiens est, selon Saint Jérôme, l’apathie des Stoïciens. Dans les premiers siècles de l’Eglise les Chrétiens se servirent aussi de ce mot apathie, pour exprimer le mépris des choses humaines, & la mortification parfaite des passions que l’Evangile enseigne. C’est pour cela que ce mot est très-commun chez les Spirituels d’entre les Grecs ; & S. Clément d’Alexandrie le mit fort en vogue, afin d’attirer les Philosophes qui aspiroient à cette sublime vertu. Cassien appelle l’apathie des parfaits contemplatifs, leur immobile & continuelle tranquillité. Le Quiétisme est une espèce d’apathie masquée des apparences de la dévotion.

APATHIQUE. adj. Qui est insensible sur tout, qui n’aime rien, que rien ne peut toucher ni émouvoir. Humanorum affectuum expers.

Ce mot, & celui qui le précède, viennent du grec, c’est-à-dire, de ἀπάθεια, formé de l’α privatif, & de πάσχω, je souffre, dont l’aoriste second est ἔπαθον, d’où se fait πάθος passion : ils ne sont d’usage dans la langue françoise que lorsqu’il s’agit de la morale, & que l’on traite dogmatiquement des passions.

APATICHER. Ce mot, selon Borel, signifioit autrefois aller manger. Et délibéra de soi apaticher à la garnison plus prochaine. Juvenal des Ursins. Il n’est plus dans la langue.

APATURIES. s. f. pl. Fête que les Athéniens célébroient à l’honneur de Bacchus. Apaturia. Il vient du mot grec ἀπάτη, fraude. On raconte qu’elle fut instituée en mémoire d’une victoire frauduleuse, que Melanthus, Roi d’Athènes remporta sur Xanthus, Roi de Béotie, dans un combat singulier dont ils étoient convenus, sur un différent pour les limites de leurs états. C’est pour cela que Budée traduit & appelle cette fête, Festum deceptionis, la Fête de la tromperie. C’est le Scholiaste d’Aristophane qui en rapporte l’origine dans ses notes sur la comédie des Acharniennes, & sur celle de la paix. Suidas, qui le copie, ajoute que la fête duroit quatre jours ; & Harpocration le confirme. Hérodote, Liv. I, parle aussi des Apaturies. Le premier jour des Apaturies, ceux de la même tribu se traitoient, & cela s’appeloit Δόρπια. Le second jour qui s’appeloit Ἀνάρροσις, on faisoit des sacrifices à Jupiter & à Minerve. Le troisième, qui se nommoit Κουριῶτις, on recevoit dans les tribus les jeunes garçons & les jeunes filles qui étoient en âge. Le quatrième se nommoit Ἐπίϐδα. L’Auteur de l’Etymologique donne à cette fête une autre étymologie que celle qu’on a rapportée ci-dessus. Il dit que le troisième jour les jeunes Athéniens n’étoient reçûs dans les tribus qu’après que leurs peres avoient juré qu’ils étoient véritablement leurs enfans. Ainsi parce que jusque-là, ils étoient en quelque sorte censés être sans peres, ἀπάτορε, Apatores, c’est de-là que cette fête, selon cet Auteur, fut appelée Apaturies. Xénophon au contraire, Hellen, L. I. dit que les parens & les alliés s’assembloient pour cette cérémonie, & se joignoient aux peres des jeunes gens qu’on recevoit dans les tribus ; que c’est de cette assemblée que la fête a pris son nom ; que dans Ἀπατούρια, Apaturies, l’α loin d’être privatif, est conjonctif, & signifie la même chose que ὁμοῦ, ensemble ; comme dans ἄλοχος, qui signifie ὁμόλεϰτρος, & ἄϰοιτις, qui est la même chose que ὁμόϰοιτις, lecti consors.

On prétend qu’il y avoit aussi des Apaturies à l’honneur de Jupiter & de Pallas. C’est une erreur fondée sur les sacrifices qui se faisoient le second jour, comme nous l’avons dit, & qui n’étoient qu’une partie de la fête dont nous venons de parler, & non pas d’autres Apaturies différentes.

Strabon parle d’un temple consacré à Venus Apaturienne, c’est-à-dire, trompeuse, parce qu’elle avoit usé d’adresse pour tuer des géans. Elle avoit un temple qui lui étoit consacré sous ce nom dans un lieu nommé, à cause de cela, apaturus, dans la presqu’île de Corocondama, entre le Pont Euxin & le Palus Méotide.

Outre les Auteurs que j’ai cités, voyez encore. Natal. Com. Liv. 5, chap. 12. Franc. Rossæi Archæologiæ Atticæ. Livre 5, chap. 12. & Meurs. de Fer. Græc. p. 33.

APE.

APÉCHÉME. s. m. Terme de Chirurgie. Fracture du crâne dans la partie opposée au coup, ou hors de sa portée. C’est un mot grec : Ἀπήχημα, en latin resonantia, en françois contrecoup. Voyez ce mot. Col de Villars.

APÉDEUTE. s. m. Ignorant par défaut d’instruction, Ignarus. Ce mot, formé du grec ἀπαίδευτος, a été mis en françois par Rabelais, qui parle de l’île des Apédestes. Hors le style de Rabelais il n’est pas permis de se servir de ces sortes de termes. On dit aujourd’hui apédeute. Quiconque a aujourd’hui un peu de goût pour la lecture, a aisément l’esprit enrichi de plusieurs belles connoissances ; au lieu qu’auparavant ce n’étoit que par une étude pénible, & par un travail dégoûtant, qu’on pouvoit parvenir à n’être pas tout-à-fait illettré. De-là vient qu’autant qu’on se faisoit gloire autrefois de n’avoir aucunes lettres, autant il est honteux aujourd’hui d’être tout-à-fait apédeute : parce qu’il est très aisé d’acquérir quelque savoir, & que l’ignorance marque nécessairement, ou un entendement lourd & paresseux, ou un esprit léger, ou une éducation négligée,… Observation sur les écrits modernes. Il se forme une cabale d’apédeutes, qui ne pouvant se résoudre à une étude assidue de plusieurs années, ont entrepris de se faire un mérite de leur incapacité, de ridiculiser l’érudition, & de traiter la science de pédanterie… Huetiana. De l’α privatif, & de παιδεύω, erudio.

APÉDEUTISME. s. m. Ignorance des lettres, qui vient du défaut d’instruction. Faut-il donc priver le public des nouvelles lumières que l’on aura acquises par une pénétration singulière ? Non, ce seroit introduire l’apédeutisme dans le monde lettré ; & il n’y est déjà que trop introduit. Mém. de Trév. Mars 1735. Le mystère de Sainte Barbe, dont on voit la représentation dans l’histoire de la Comédie, fait voir l’apédeutisme presque incroyable de nos bons peres du XV siècle. Ibid. Mars 1736.

APELLÉE. s. m. Nom d’un mois des anciens Grecs. Apellæus. Chez les Macédoniens le mois Apellée étoit le dernier mois de l’Automne. Chez les Syro-Macédoniens c’étoit le premier mois d’hiver, & chez les Tyriens le second. Voyez Fabricius dans son Menologium, & les Auteurs qu’il cite. Le quatorze de Décembre, ou Apellée, on prit dans Césarée des fidèles qui alloient en Cilicie, pour secourir les Confesseurs condamnés aux mines. Fleury.

APELLITE. s. m. Apellitæ. Nom de secte. Les Apellites étoient des hérétiques disciples d’un Apelle, qui l’avoit été lui-même de Marcion, & qui s’éleva vers l’an 145 ou 146 : voyez S. Epiphane, Hær. 44. S. Augustin Hær. 23. Tertul. de Præscrip. ch. 30 & 31. Euseb. Hist. Eccl. Liv. V, ch. 13. Baron. à l’an 146. Voyez Marcionites.

APENBOURG. Gros bourg de la vieille Marche de Brandebourg en Allemagne. Apenburgum. Il est entre la ville de Gardeleben & celle de Soltvedel. ☞ Les meilleures cartes n’en font qu’une petite bourgade.

APENDRE. v. n. Vieux mot. Dépendre.

☞ APENÉ. s. m. Char attelé de deux ou quatre mulets, mis en usage dans les Jeux Olympiques par les Eléens, qui s’en dégoûtèrent bientôt.

APENNIN. s. m. Apenninus. C’est une des plus célèbres montagnes de l’Europe. On peut regarder l’apennin comme une branche des Alpes. Il s’en sépare aux confins du comté de Nice, & des terres de Gènes, traverse & partage en deux toute l’Italie jusqu’aux confins de la Basilicate, où il se divise en deux branches, qui aboutissent toutes deux à la mer Ionienne ; la branche septentrionale, en traversant les provinces de Barri & d’Otrante ; & la méridionale, en passant par la Basilicate & les deux Calabres. Dans son cours il prend différens noms en différens endroits, mais trop peu célèbres pour les rapporter ici. Strabon divise le mont Apennin en deux branches ; mais la seconde est le mont nommé vultur, qui ne s’étend pas loin. L’endroit où l’Apennin touche les Alpes maritimes est près de Savone.

En ce lieu l’Apennin au-dessus des nuages
Va porter son orgueil & braver les orages,
Elève jusqu’au Ciel le front de ses rochers ;
Voit toute l’Hespérie, & commande aux deux mers ;
De ses flancs spacieux il enfante des ondes,
Qui font au gré des Cieux les campagnes fécondes,
Qui traînent l’abondance, & qui font en tous lieux
L’ornement de la terre & le charme des yeux. Bréb .

L’Apennin n’est pas cependant si haut que les Alpes.

Jadis cette montagne alongeant ses confins
Unissoit la Sicile avecque les Latins :
Puis des flots conjurés les cruelles approches,
S’ouvrirent an passage au travers de ses roches,
Et le Sicilien détaché du Latin,
Pelore garde encor le reste d’Apennin. Brébeuf.

Isidore, Orig. Liv. 14, ch. 8. Servius sur le X Livre de l’Enéide, v. 13, & Paul Diacre, dans l’Histoire des Lombards, Liv. 2, ch. 18, tirent le nom Apennin de Alpes Pæninæ, Alpes Carthaginoises, & prétendent que ces montagnes ont été ainsi appelées, parce que c’est par-là qu’Annibal & les Carthaginois entrèrent en Italie. Mais il faut selon la remarque de Cluvier, ne connoître point l’Italie, & n’avoir point lû l’Histoire romaine, pour parler ainsi. Les Alpes carthaginoises, Pæninæ Alpes, ainsi appelées parce que ce fut par-là qu’Annibal s’ouvrit un passage en Italie, sont celles qu’on appelle aujourd’hui le Mont Saint-Bernard, comme nous l’avons dit au mot ALPES. On pourroit dériver le mot Apennin du mot celtique Pen, qui signifie le sommet d’une montagne, & qui avec l’article Ha, Π, se prononceroit Hapen, d’où se seroit fait apenninus. On trouve dans la vie de S. Calocet Alpes Tusciæ, les Alpes de Toscane, Acta SS. April. T. II, p. 526 & 527. Si la leçon est bonne, & qu’il ne faille pas dire Alpes Cottiæ, comme porte une autre vie du même Saint, il faut dire que c’est l’Apennin qu’on appelle ainsi.

APENRADE. Ville du Duché de Sleswick, dans la Jutlantde. Apenroa. Elle a un bon port sur la mer Baltique, entre la ville de Fleusbourg & celle de Haderschleben.

APENS. adj. m. Cædes ex comparatis insidiis facto. Vieux mot, qui ne se dit qu’en cette phrase : c’est un guet apens ; pour dire, un assassinat concerté & délibéré, fait en guettant son ennemi, en choisissant le temps & le lieu favorables pour le surprendre. Voy. Appenser.

Un amoureux dit aussi, en se plaignant des yeux d’une belle, qu’elle l’a assassiné, & que c’est un guet apens. style des précieuses ridicules. Les ignorans écrivent guet à pend.

APEPSIE. s. f. Digestion abolie. Ce mot est grec ἀπεψία, composé d’α priv. & de ἀπέψις coction, digestion. Col de Villars.

APERCEVABLE. adj. m. & f. Qui peut être apperçu. Quod observari, quod animadverti potest. Les petites parties des corps naturels ne sont apercevables qu’avec le microscope.

APERCEVOIR. v. a. J’aperçoi, ou j’aperçois, j’aperçûs, j’ai aperçu, j’apercevrai. Découvrir de loin. Commencer à voir. Animadvertere, observare. Les pilotes redoublent leurs soins, quand ils aperçoivent la terre. Je vous ai aperçu & distingué dans la foule. Les Barbares l’apercevant n’oserent approcher. Ablanc. On aperçoit, on découvre tous les jours de nouveaux astres dans le ciel avec les lunettes. Ménage dérive ce mot du latin percipere, ou adpercipere.

Apercevoir signifie aussi, remarquer quelque chose par le moyen de quelque attention, réflexion ou examen, & se dit souvent avec le pronom personnel. Advertere, deprehendere. On s’aperçoit d’une erreur de calcul, quand on compte une seconde fois. On ne s’aperçoit pas d’abord qu’un argument est captieux. L’amour-propre empêche qu’on ne s’aperçoive de ses défauts. Combien de gens meurent sans s’apercevoir de leur ridicule ? Bell. Cette pente est insensible, on ne s’aperçoit pas qu’on descend.

Apercevoir & voir, considérés dans une signification synonime. Les objets qui ont quelque durée, ou qui se montrent, sont vûs, dit M. l’Abbé Girard. Ceux qui fuient, ou qui se cachent, sont aperçus. On voit dans un visage la régularité des traits, & l’on y aperçoit les mouvemens de l’ame.

☞ Une complaisance vue de tout le monde en explique quelquefois moins qu’un coup d’œil aperçû.

☞ L’amour qui se fait voir tombe dans le ridicule aux yeux du spectateur : celui qui se laisse seulement apercevoir, fait sur le théâtre du monde une scène amusante pour ceux à qui plait le jeu des passions.

☞ Les novices & les sottes en amour ignorent, les avantages du mystère, & font voir ce qu’elles ont intérêt de cacher. Les plus fines, quelqu’attention qu’elles aient, ont bien de la peine à empêcher qu’on ne s’aperçoive de ce qui se passe au fond de leur cœur.

APERÇU, UE, part. Animadversus, observatus. Il a les significations de son verbe.

APERCHER. v. a. Terme d’Oiseleur. Remarquer l’endroit où un oiseau se retire pour y passer la nuit. On dit, j’ai aperché un merle.

APÉRITIF, IVE. adj. Terme de Médecine, qui se dit des remèdes qui ouvrent les pores, & ôtent l’obstruction des passages des humeurs. Aperiens, aperitivus, obstructos corporis meatus aperiendi vim habens. Clystère apéritif & laxatif. Les cinq racines apéritives qu’on ordonne souvent, sont celles d’ache, d’asperges, de persil, de fenouil, de bruscus, & celles de capres, d’arrête-bœuf, d’iringion.

☞ Ce terme est aussi employé substantivement. On fait usage des apéritifs dans les cas les obstructions sont la cause ou l’effet de la maladie.

Ce mot vient du verbe aperire, ouvrir.

APERT. v. impersonnel. Patet, constat, liquet. Terme de Palais, qui n’est en usage qu’en cette phrase : c’est un fait dont il apert par telle pièce. Dans les lettres de Chancellerie le Roi dit toujours, s’il vous apert.

APERTEMENT. Vieux adv. Clairement. Apertè, clarè, manifestè. On voit apertement qu’un tel effet vient d’une telle cause. Ce mot ne feroit pas un bel effet dans un discours poli. Il doit s’écrire avec un seul p, venant du latin apertè, qui signifie la même chose. Mais Marot l’écrit avec deux p.

APERTISE. s. f. Ce mot est en usage en basse-Normandie, où l’on dit, pour se mocquer d’un conseil ridicule, ou d’une imagination sotte : voilà une belle apertise. D’adperitia, fait de peritus. Ménage. Il étoit françois du temps de Louis XI, lorsqu’on publia les cent Nouvelles nouvelles, dans la dernière desquelles se voit l’exemple suivant : les peres & les meres prenoient grand plaisir à voir leurs enfans jouer & faire souplesses & apertises..... Les vieux Dictionnaires expliquent apertises par agilité.

☞ APÉTALE. adj. de t. g. Terme de Botanique, qui se dit des fleurs qui sont sans pétales. Apetalus. Voy. aux mots Fleur & Pétale.

APETISSEMENT. s. m. Diminution. Diminutio, imminutio. L’apetissement qui paroît dans les objets éloignés, est une espèce de phénomène. Perr. Ce mot se trouve dans une déclaration de François I, du 27 Décembre 1541, pour signifier quelque espèce de tribut. Car il dit que ses prédécesseurs ont affranchi les Secrétaires du Roi, de toutes entrées, issues, barrages, choquets, apetissemens, & autres subsides, tributs, & impositions quelconques. Tessereau.

APETISSER. v. a. Rendre plus petit. Minuere, imminuere. ☞ Apetisser un manteau ; c’est le rendre plus court, rapetisser vaudroit mieux. Apetisser un tas de blé ; mauvaise façon de parler des Vocabulistes, c’est le diminuer.

Apetisser, est aussi neutre. Les jours apetissent, deviennent plus courts. Decrescunt dies.

☞ Il est aussi réciproque. Cette étoffe s’apetisse à l’eau.

APETISSÉ, ÉE. part. Minutus, imminutus.

APÉTOU. s. m. & f. Peuple de l’Amérique méridionale. Apetuba. Les Apétous sont dans le Brésil, près du gouvernement de Porto Séguro.

A-PEU-PRÈS. adv. Presque tout. Penè, fermè totum. Je vous rapporte à-peu-près la substance de la harangue. Vaug.

A-peu-près. adv. Presque. Ferè, penè, fermè. Me voilà à-peu-près aussi incertain que j’étois.

☞ APEX. s. m. Bonnet à l’usage des Flamines & des Saliens. Pour qu’il tînt bien sur leur tête, ils l’attachoient sous leur menton avec deux cordons.

APH.

☞ APHACE. Aphaca, lieu dans la Palestine, entre Byblos & Heliopolis, où il y avoit un temple de Vénus Aphacitides, en l’honneur de laquelle tous ceux qui y alloient, s’abandonnoient à toutes sortes de lascivetés, parce que Vénus y avoit embrassé Adonis. Cette infâme superstition vient peut-être de ce que le mot aphaca dans la langue Syriaque, & conséquemment dans celle des Phéniciens, signifie embrassement.

APHACITE. adj. f. Surnom de Vénus. Voyez l’article précédent. Près du temple de cette Déesse, étoit un lac semblable à une citerne. Ceux qui venoient consulter l’oracle de Vénus Aphacite, jettoient dans le lac leurs présens ; il n’importoit de quelle espèce ils fussent : s’ils étoient agréables à la Déesse, ils alloient au fond, si elle les rejettoit, ils surnageoient, fût-ce de l’or ou de l’argent.

APHARA. Ville de la Tribu de Benjamin, dans la Terre-Sainte. Aphara. Adrichomius la place près d’Almath, vers le nord.

APHEA. s. f. Terme de Mythologie. Divinité adorée par Eginètes & par les Crétois. Pindate a fait une Ode en l’honneur de cette Déesse, qui avoit un temple dans l’île de Créte. C’est la même que Diane.

APHEC. Ville de la Tribu d’Aser, dans la Galilée, province de la Terre-Sainte. Aphec.

Aphec, est aussi le nom d’une ville de la Tribu d’Issachar. Aphec. Sous les Chananéens, elle étoit capitale d’un royaume. Elle se nomme aussi Apheca, fém.

APHECA, est encore le nom d’une ville de la Tribu de Juda. Apheca. On dit qu’elle se nommoit aussi Aseca.

APHÉLIE. s. m. Terme d’Astronomie. ☞ C’est le point de l’orbite d’une planète où elle se trouve dans sa plus grande distance du soleil, le point diamétralement opposé au périhélie. Aphelium summa absis.

☞ Les astres qui tournent autour du soleil, ne sont pas toujours également éloignés de lui. Ils sont dans leur aphélie, lorsqu’ils sont dans leur plus grande distance ; ils sont dans leur périhélie, lorsqu’ils sont dans leur plus petite distance du soleil ; & ils sont dans leur distance moyenne, lorsqu’ils sont aussi éloignés de leur aphélie, que de leur périhélie.

☞ M. Halloi a donné une méthode géométrique pour trouver les aphélies des planètes.

☞ Suivant les observations, la plus grande distance de la terre au soleil est de 20976 rayons terrestres.

☞ Sa plus petite distance de 20275 .

☞ Et sa distance moyenne de 20626.

☞ Un rayon terrestre contient environ 1433 lieues.

Aphélie, est aussi adj. de t. g. La terre est aphélie, lorsqu’elle est dans le point de son orbite le plus éloigné du soleil. Mars aphélie.

Ce mot vient de ἀπʹ, & de ἕλιος, soleil.

APHÉRÈSE. s. f. Aphæresis, abscissio. Terme de Grammaire. Retranchement, figure par laquelle on retranche quelque chose au commencement d’un mot : comme conia, pour ciconia ; temnere, pour contemnere. L’on a dit au commencement du mot ; car si le retranchement se faisoit au milieu, ou à la fin, ce ne seroit plus une aphérèse, mais une syncope, ou une apocope.

APHÉSIENS. s. m. pl. ou adj. pris substantivement. Terme de Mythologie. Surnom qu’on donnoit quelquefois à Castor & Pollux, qu’on croyoit présider aux barrières, d’où l’on partoit dans les jeux publics. D’ἀφήμι, emitto.

APHÈTE. Terme d’Astrologie. Aphète est la planète qui donne la vie.

☞ APHIOM CARASAR. Ville de la Natolie, dans la province de Germian, près de la rivière du Mindre ; on croit que c’est l’ancienne Hiérapolis, près du Méandre.

APHONIE. s. f. Terme de Médecine. Extinction de voix qui arrive aux malades par le vice des organes destinés à cette fonction. Ce mot est grec, ἀφωνία, composé d’α privatif, & de φωνή, voix. Col de Villars.

APHORISME. s. m. Maxime, ou règle générale, principe d’une science, proposition qui renferme en peu de mots une maxime générale. Aphorismus. Il ne se dit guère qu’en Médecine & en Jurisprudence. Les aphorismes d’Hippocrate. Des aphorismes politiques. Des aphorismes de Droit.

Aphorisme, se dit quelquefois figurément de ce qu’on regarde comme un principe certain. Je tiens cela pour un aphorisme.

Ce mot vient du grec ἀφορισμὸς, qui signifie la même chose, d’ἀφορίζω, separo, feligo, je sépare, je choisis ; c’est-à-dire, Sentences choisies, séparées.

APHORISTIQUE. adj. m. & f. Terme de Médecine, Aphoristicus, a, um. Qui appartient à l’Aphorisme, qui a la forme d’aphorisme. On auroit été au-devant de ces abus, si l’on avoit retenu en Médecine la manière d’écrire d’Hippocrate, dont le style aphoristique, simple & concis, n’a rien de superflu. Journ. des S.

APHOSIATIN. Port de la Romélie, dans la Turquie d’Europe. Ephæsiorum portus. Il est sur la côte de la Mer-Noire, à quelques lieues au nord de Constantinople.

☞ APHRACTE. s. m. Aphractus. Nom Grec que les Anciens donnoient à une espèce de barque ou de brigantin, sans pont, & sans tillac.

APHRODISÉE. Voyez Apodosia.

APHRODISIADE. s. f. Aphrodisias. Nom d’un temple de Vénus, d’une île qui paroît avoir été la même que l’Aphrodisie de la mer persique, & de plusieurs villes. Etienne compte jusqu’à douze aphrodisiades. La ville de Carie qu’on nomme aujourd’hui par corruption, Apodisia, ou, selon d’autres, Abodisia, se nommoit autrefois Aphrodisias. Elle est au 58e d. 40 m. de longitude, & au 38e. d. 10 m. de latitude, & a eu un Evêque.

APHRODISIE. Aphrodisia. Île de la mer persique.

Aphrodisie. Aphrodisium. Ville d’Afrique, proche d’Adrumète ; & d’une autre de Chypre au nord, à neuf milles de Salamine ; & d’une ville d’Espagne, qui donnoit aussi son nom au promontoire sur lequel elle étoit située.

APHRODISIES. s. f. pl. Fêtes de Venus établies dans la plupart des villes grecques. Ἀφροδίσια. Aphrodisia. Les plus célébres se faisoient dans l’île de Chypre. Le Scholiaste de Pindare (Pyth. Od. 2) dit qu’elles y avoient été instituées par Cinyras, dans la famille duquel on choisissoit les prêtres de la Déesse qui en portoit le nom de Κινυραδαι. C’étoit durant cette fête, que l’on pouvoit se faire initier aux mystères de Vénus. Ceux que l’on y admettoit, offroient une pièce de monnoie à Vénus Courtisane, qui pour les récompenser, leur rendait une mesure de sel, & une figure impudique, appelée Phalle. S. Clément d’Alexandrie, in Protreptico. Arnobe, l. 5.

A Amathonte, ville de Chypre, on faisoit à Vénus des sacrifices solemnels, que, selon Hésychius, on appeloit Καρπώσεις, du mot Καρπός, fruit, peut-être à cause que cette Déesse présidoit à la génération.

Selon Strabon, l. 14, ces fêtes étoient célébrées par les habitans de l’ancienne & de la nouvelle Paphos, qui étoient éloignées de soixante stades.

Athénée, liv. 13, nous apprend qu’à Corinthe les honnêtes femmes & les Courtisanes célébroient séparement les aphrodisies. Erasme dans ses Adages, remarque que Corinthe abondoit en filles de joie, & que le verbe Κορινθιάζειν, signifioit proverbialement, se livrer à la débauche. Le Scholiaste d’Aristophane, ad Plutum, parle, de six fameuses courtisanes de cette ville : Laïs, Cyrènen, Leœna, Sinope, Pyrrhine & Sicyone. Vénus y avoit un temple magnifique, où l’on venoit de tous côtés apporter des offrandes.

APHRODITE. s. f. Aphrodite, Venus. Nom de Vénus. Il est pur grec, & vient de ἀφρός, écume ; parce que les Poëtes, & entre autres Hésiode, dans sa Théogonie, v. 19 & 198, feignent qu’elle naquit du sang qui découla de la plaie que Jupiter fît à Saturne, mêlé avec l’écume de la mer. Ce mot ne se dit guère dans les autres langues, & point du tout en françois.

C’étoit aussi le nom d’une danse chez les Anciens, dans laquelle on représentoit Vénus.

APHRODITE. Aphrodites. Ville d’Afrique vers l’Ethiopie.

APHRODITIE. Aphroditia. Petite région de la Laconie.

☞ APHRON. Espèce de pavot sauvage, dont Pline fait mention.

APHRONILLE. s. f. Plante. Elle pousse des feuilles dès sa racine ; elles sont plus longues, & plus étroites que celles du poireau. Ses racines sont piquantes & amères : quand on les prend en breuvage, elles provoquent l’urine.

APHRONITRE. s. m. Aphronitrum. Ecume de nitre, c’est-à-dire, ce que le nitre a de plus subtil, & de plus léger. L’aphronitre n’entroit point dans la Médecine du temps de Galien. Il étoit seulement à l’usage des baigneurs, qui l’employoient à frotter le corps des personnes qui prenoient le bain. Selon Pline, il s’apportoit d’Asie à Rome, & il se formoit dans des cavernes ; une partie se ramassoit encore attachée aux parois, & l’autre déjà tombée en bas.

Gauthier Christophe Schelhammer, dans un Traité qu’il a fait du nitre, parle de l’aphronitre au c. III, & taxe d’une grande ignorance ceux qui ne distinguent point ἀφρόνιτρον, l’aphronitre, ou le nitre écumeux, de l’ἀφρὸς νίτρου, l’écume de nitre. Ignorance néanmoins qui leur est commune avec les Médecins Arabes, avec Pline & Martial ; mais Dioscoride, Sallien, Ætius, Eginète les distinguent.

APHTHARTOCITE. s. m. & f. Aphthartocita. Nom d’hérétiques. Les Aphthartocites, ennemis jurés du Concile de Chalcédoine, sortis des Eutychiens, parurent vers l’an 535. Ce nom vient du grec ἄφθαρτος incorruptible, & δοϰέω, je juge, il me paroît ; & il leur fut donné parce qu’il leur paroissoit que le corps de Jésus-Christ étoit incorruptible & impassible, & qu’ils ne concevoient pas qu’il eût pu mourir, Voyez Sandérus, hér. 109, & Baronius à l’an 535. Les Jésuites d’Anvers, Act. Sanct. April. Tom. I, p. 559, prétendent que c’est une faute de dire aphthardocite, & qu’il faut dire aphtartodocite. Et en effet, Eustathius, Auteur de la vie de S. Eutychius P. C. là même p. 558, B. dit aphtartodocitas ; & l’on reprend Lipoman & Surius d’avoir imprimé aphthardocitas.

APHTE. s. m. Aphta, Lactucimen. Terme de Médecine. Les aphtes sont certains ulcères qui naissent dans la surface intérieure de la bouche, & qui ont quelque chose de chaud. Les aphtes ne sont pas des ulcères profonds : ils se forment en quelque partie que ce soit de la bouche, dans le palais, aux gencives, aux côtés, à la racine de la langue. Les enfans, sur-tout ceux qui sont à la mammelle, sont fort sujets aux aphtes, lorsque le lait de la nourrice est corrompu, ou que l’estomac de l’enfant ne le peut digérer ; alors les vapeurs âcres du lait aigri & corrompu, qui s’élevent, exulcèrent facilement les parties molles & délicates. Quand les aphtes viennent dans un âge parfait, ils sont causés par des humeurs tenues, féreuses, & âcres, qui regorgent dans tout le corps, & qui sont portées à la bouche. Il y a des apthes blancs ; il y en a aussi de rouges, de livides & de noirâtres : les blancs & les rouges sont les moins dangéreux & les plus faciles à guérir ; les livides & les noirâtres sont souvent mortels. Un liniment de miel rosat, & d’huile de vitriol mêlés ensemble, est un bon remède pour les aphtes. Voyez Jéel, sect. 7, l. 2. Lazare Rivière, observ. Jean Hartmanus, Forestus, Degori.

☞ APHYE. s. f. Aphya. C’est le nom que les anciens donnoient à un petit poisson blanc, fort commun. C’est pour cela que Cicéron pour exprimer la populace, le menu peuple, se sert du mot aphya populi.

API.

API. Sorte de pomme. Malum apiolum. Elle est petite, & colorée d’un rouge assez vif. On la conserve long-temps. Elle commence d’être bonne du moment qu’elle n’a plus rien de verd, ni auprès de la queue, ni auprès de l’œil, ce qui arrive assez souvent dès le mois de Décembre. ☞ On la mange avec sa peau qui est très-fine. Sa chair est délicate & parfumée : elle vient sur un arbre qui charge beaucoup & donne son fruit par bouquets. Il faut à ce pommier une terre grasse sans humidité.

On dit d’un homme qui a les joues rouges, que c’est un visage de pomme d’Api.

Api est aussi une espèce d’ache que l’on fait blanchir Apium.

☞ A PIC. Être à pic, mettre à pic : c’est lorsque le cable de l’ancre d’un vaisseau est bien roidi, & que le navire se trouve presque perpendiculairement sur son ancre, au moment qu’on la leve. On dit aussi apiquer, pour être à pic. Voyez ce mot.

APICE. Petite ville du royaume de Naples, Apicium. Elle est dans la principauté ultérieure au nord de Bénévent, sur la rivière calore.

APIÉTRIR. v. n. & récip. Decrescere, vilescere. Terme de Marchands, qui disent que leur marchandise apiétrit, ou s’apiétrit, lorsqu’elle se gâte & se corrompt, parce que la mode s’en passe, ou parce qu’elle perd de sa qualité. Ce mot vient de piétre, qui signifie, de mauvaise condition, méprisable.

☞ APIÉTRI, IE. part.

APINEL. s. m. C’est une racine qui naît dans quelques îles de l’Amérique. Les sauvages la nomment Yabacani, & les François, Racine apinel, du nom d’un capitaine de cavalerie qui l’apporta le premier en Europe. Elle a une si grande vertu contre les serpens, qu’il suffit, pour les tuer, de leur en présenter un morceau dans la gueule, au bout d’un bâton. Cette même racine, si utile à la conservation des hommes, seroit aussi utile à leur propagation, si la propagation avoit besoin de ces secours, que l’on n’emploie guère dans les vues sérieuses de la nature. Hist. de l’Acad. Royal. an. 1724.

APIOS. s. m. Apios. Plante de l’île de Candie. Ses tiges sont fort menues, & rougeâtres. Elle porte des fleurs comme celle de la rue. Il leur succéde un petit fruit qui se divise en trois loges, dont chacune renferme une semence oblongue. Sa racine est un violent purgatif.

APIQUER. v. n. Terme de Marine. Imminere anchoræ. On dit que le cable apique ; c’est-à-dire, que le vaisseau approche de l’ancre qui est mouillée, & que le cable commence à se roidir, & à être perpendiculaire, ou à pic.

Apiquer une vergue, c’est peser sur un côté de sa balancine, & filer de l’autre, afin d’élever un de ses bouts le plus haut possible. Dans ce sens il est actif.

APIS. s. m. Apis. Nom d’une Divinité Egyptienne. C’étoit un bœuf que l’on nourrissoit dans un temple qui étoit dans le Delta. Strabon dit qu’il avoit le front blanc, avec quelques parties du corps, & le reste noir. Hérodote dit, Liv. III, ch. 28, qu’il avoit sur le dos l’image d’un aigle ; que la figure blanche qu’il avoit au front étoit carrée ; & que du reste il étoit tout noir ; qu’il avoit un escarbot à la langue ; & que les crins de sa queue étoient διπλᾶς, c’est-à-dire, doubles, ou de deux couleurs, ou de deux sortes. Pline, Liv. III, ch. 46, dit, qu’il avoit la figure d’un croissant au côté ; & en effet, nous lui voyons cette marque dans une médaille d’Hadrien, rapportée par Tristan, T. I, pag. 514. Ammien Marcellin en dit autant. Apparemment il n’est décrit différemment que parce que ce n’étoit pas toujours le même bœuf ; car un des principaux points du culte d’Apis étoit de ne le laisser pas vivre long-temps. Après qu’on l’avoit tué on lui faisoit des obsèques magnifiques, & on gardoit un grand deuil jusqu’à ce que les prêtres en eussent trouvé un autre. Les Egyptiens disoient qu’il étoit conçu du feu du ciel. Cambyse se moqua des Egyptiens, fit tuer tous ceux qui célébroient la fête d’Apis, fouetter ses prêtres, & le blessa lui-même à la cuisse ; le pauvre Apis en mourut quelque temps après. Selon le P. Kirker, latium, p. 106. Apis & Sérapis sont la même chose. P. de S. Julien, Antiq. de Bourg, p. 225 prétend qu’Apis a été honoré en Gaule, & que c’est de là que viennent les noms des Buteaux & des Viteaux, Βοῦς θεὸς, le Bœuf Dieu. Cicéron, De Nat. Decor. Liv. I, n. 83. Tacite, Liv. IV, Hist. c. IV. Luc. Liv VIII, v. 478, L. IX, 160. Eusèbe, Liv. II de la Prép. Macrob. L. I, Saturn. c. 21. S. Aug. De Civit. L. XVIII, 5. Kirker, Œdip Ægypt. T. III, p. 285, parlent de ce Dieu Apis.

Apis est aussi le nom d’un Roi d’Egypte, & de quelques autres Rois des Argiens, de Sinope, & de Sicyone.

APL.

☞ APLAIGNER. v. a. Terme de Manufacture de lainage. Faire paroître les poils de la laine sur une étoffe, par le moyen des chardons. Aplaigner un drap, c’est proprement le lainer. Villos carduis attollere, erigere.

☞ On appelle aplaigneur, l’ouvrier qui donne cette façon au drap.

☞ On dit en quelques endroits aplaner & aplaneur. Opifex villis erigendis prœfixus.

APLANIR. v. a. Rendre plan, uni & de niveau. Ce qui étoit inégal. Æquare, Complanare, Coæquare. On a aplani ce terrain, qui étoit inégal & raboteux, pour y faire un jardin. Il faut envoyer des pionniers pour aplanir les chemins, quand la grosse artillerie marche.

Aplanir se dit figurément en choses morales. Lever les difficultés, les empêchemens qui se rencontrent dans une affaire. Explicare, aperire. Les Anciens nous ont aplani le chemin pour pénétrer dans les sciences. Il ne seroit jamais parvenu à cette dignité, si la faveur ne lui en eût aplani le chemin. La grandeur de leur courage leur aplanissoit toutes sortes de difficultés. Ablanc.

Aplanir se dit aussi avec le pronom personnel. Dans le propre, c’est devenir plus uni. Æquari, complanari, coæquari. Et dans le figuré, c’est devenir plus aisé, plus facile à entreprendre, à exécuter. Explanari, enodari, explicari. Du côté que les montagnes commencent à s’aplanir. Toutes ces difficultés s’aplaniront d’abord.

APLANI, IE. part. Æquatus, explanatus.

APLANISSEMENT. s. m. Action de celui qui aplanit. Réduction d’un terrain inégal à un plan uni. Exæquatio. L’aplanissement d’un parterre, l’aplanissement des allées d’un jardin.

☞ Quoique le verbe soit employé au figuré, l’usage n’a pas adopté le substantif dans le même sens. Si l’on dit applanir une difficulté, pourquoi ne dit-on pas l’aplanissement d’une difficulté ? L’usage fait tout ; mais il y a de la bizarrerie.

APLANISSEUR. s. m. Ouvrier qui donne une seconde préparation aux draps après leur première tonture. Qui pannorum villos carduis iterùm attollit.

☞ APLATIR. v. a. Rendre plat, sans rien ôter. C’est altérer la forme d’un corps, selon quelqu’une de ses dimensions, en sorte que cette dimension en soit rendue moindre. Si on aplatit un globe par un de ses pôles, la ligne qui ira de ce pôle à l’autre, deviendra plus courte. On aplatit ce qui est trop relevé. On aplatit les métaux à coups de marteau.

Ce mot vient du grec πλατεῖα, qui signifie, un espace plat, une place publique.

Aplatir se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie, devenir plat. Planum fieri, tumorem ponere. Les joues s’aplatissent par la maigreur. Le sein de cette femme s’est aplati.

APLATI, IE. part.

APLATISSEMENT. s. m. L’action d’aplatir, ou l’effet qui est produit dans un corps par le choc ou l’impression d’un autre. Le mouvement des doigts suffit pour l’aplatissement d’une boule de cire. Il faut un coup de marteau pour l’aplatissement d’une balle de plomb.

☞ APLATISSOIRES. s. f. pl. Nom que l’on donne à des parties de moulins qui servent à aplatir & étendre les barres de fer, pour être fondues de la même chaude dans les grandes fonderies, ou d’un autre chaude, dans les petites fonderies. Encycl.

APLÉBY. Petite ville du comté de Westmorland en Angleterre. Aballaha, abellaba. Elle est sur la rivière d’Eden au midi de Carlile.

APLESTER. v. a. Terme de Marine. C’est déplier ou étendre les voiles pour recevoir le vent, & se préparer à partir. Explicare. On ne s’en sert plus.

APLETS. s. m. pl. Rets ou filets dont on se sert pour la pêche du hareng.

APLOMB. s. m. Ligne perpendiculaire à l’horison. Perpendiculum. Ce mur tient bien son aplomb, est bien droit ; celui-là fait ventre, il a perdu son aplomb. En ce sens a ne fait point une particule, & on ne le sépare point de plomb. Dira-t-il que ces arcs doubleaux de 40, 50 ou 60 pieds de diamètre qui étoient déjà en voûte, puissent, en suivant la rondeur de la tour qu’ils portoient, & en se détournant ainsi de l’aplomb ; soutenir un si prodigieux fardeau. Cordem.

Aplomb se dit aussi adverbialement, pour dire dans une direction verticale & perpendiculaire à l’horison. Perpendiculariter, linâ ad perpendiculum directâ. Ce mur n’est pas d’aplomb. Le soleil darde aplomb ses rayons. On en fait ordinairement deux mots. Ce mur est, n’est pas à plomb. Voyez Plomb des ouvriers.

APLOME. s. f. Aploma, atis. Terme de Liturgie. L’' aplome est une des nappes qu’on met sur l’autel dans l’Eglise grecque.

APLOMER. Vieux mot qui vouloit dire endormir, selon Borel, & que l’on trouve dans Pathelin & dans Nicod. Je suis tout aplomé, c’est-à-dire, je suis tout appésanti. Menage.

☞ APLUSTRE. s. m. C’est, disent les Vocabulistes, le nom que les anciens donnoient à un ornement qu’ils plaçoient à la partie la plus élevée des poupes. C’est le mot latin francisé.

☞ C’est proprement une petite pièce d’étoffe qui pend du haut des mats. Aplustre, is, aplustra, orum, aplastria, um. Voyez Flamme, terme de Marine.

APN.

APNÉE. s. f. Apnœa, æ. Terme de Médecine. Etat dans lequel la respiration paroît supprimée ; c’est-à-dire, quelle est si petite, si rare & si tardive, qu’il semble que les malades ne respirent plus, & soient sans vie, comme il arrive quelquefois dans la passion hystérique, la syncope, l’apoplexie, la léthargie. Ce mot est grec, ἀπνέια : il vient d’α privatif, & de πνέω, je respire. Col de Villars. Héraclite, dans Galien, Liv. I de diffic. spir. se sert de cette expression en parlant de la respiration des malades qui sont près de tomber en syncope, & dont les extrémités sont refroidies, laquelle est si foible, si difficile & si lente, qu’elle paroît en quelque sorte éteinte.

APO.

APOBOMIES. s. f. pl. Apobomia. Fête chez les Grecs, où l’on ne sacrifioit point sur l’autel, mais à terre & sur le pavé. C’est ce que le nom signifie ; des mots ἀπὸ, loin, & βωμός, autel.

APOCALYPSE. s. f. Apocalypsis. Terme grec, qui signifie révélation. Il s’applique particulièrement au dernier Livre du Nouveau Testament. Il contient les révélations de S. Jean sur plusieurs mystères. Il écrivit son apocalypse dans l’île de Pathmos où il étoit relégué : on ne convient pas si c’étoit sous le regne, & pendant la persécution de l’Empereur Domitien. C’est le livre du nouveau Testament sur lequel les sentimens des Peres, & le témoignage de l’Eglise ont le plus long-temps varié. S. Jérôme rapporte que les Eglises grecques doutoient de la canonicité de l’Apocalypse. S. Basile, & S. Grégoire de Nazianze, la rejetoient ; & le concile de Laodicée n’en fait point mention dans le Canon des Ecritures. Quelques-uns même l’ont attribué à l’hérétique Cérinthus : & d’autres à un autre Jean, disciple de S. Jean. Denys d’Alexandrie trouvoit que l’Apocalypse étoit écrite en mauvais grec, & il y avoit remarqué des solécismes,& des barbarismes. « Je crois pourtant, disoit-il, que l’Apocalypse contient un sens caché & mistérieux, & j’admire ce que je ne saurois comprendre, plutôt que de le condamner. » S. Justin, S. Irénée, & S. Augustin, n’ont point douté qu’elle ne fût canonique. Le troisième concile de Carthage en 397, l’a mise dans le Canon des Livres sacrés ; & depuis, les Eglises d’Orient & d’Occident la lisent sous le nom de l’Apôtre S. Jean.

S. Jérôme, dans une de ses Epîtres qu’il écrit à Dardanus, parle de l’Apocalypse comme d’un Livre qui n’étoit point reçu communément des Eglises grecques de son temps ; mais le Cardinal Baronius prouve dans ses Annales, que cette pensée de S. Jérôme ne peut pas être vraie dans toute son étendue, puisque S. Epiphane qui vivoit en ce temps-là, a défendu l’autorité de l’Apocalypse contre les hérétiques Alogiens, & contre les Théodotiens. Ces Alogiens, qui l’attribuoient à Cérinthe, demandoient de quelle utilité pouvoit être cette Apocalypse, où il est parlé des sept Anges & des sept trompettes. Ils tournoient en ridicule ce qui y est dit des sept trompettes ; mais S. Epiphane les accuse en cela, ou de malice, ou d’ignorance, par les paroles de S. Paul, qui a fait mention de ces trompettes dans sa première Epître aux Corinthiens, ch. 5, ℣ 52, où il dit, que la trompette sonnera, & que les morts ressusciteront au son de cette trompette.

Ces Alogiens traitoient de ridicules plusieurs autres choses qui sont dans l’Apocalypse ; & entre autres ce qui y est rapporté touchant les quatre Anges liés sur l’Euphrate ; mais pour répondre aux objections de ces hérétiques, il suffit de remarquer en général, que ce Livre n’est pas une simple histoire, mais une prophétie, & qu’ainsi il n’est pas surprenant que l’Auteur se soit exprimé à la manière des Prophètes, dont le style est ordinairement figuré. Les Alogiens avoient donc tort de s’inscrire en faux contre l’Apocalypse, à cause des expressions qui leur paroissoient extraordinaires. Ce qu’ils opposoient de plus apparent contre l’autorité de ce Livre étoit ces paroles du chap. 2, ℣ 15. Ecrivez à l’Ange de l’Eglise de Thyatire : Il n’y avoit alors, disoient-ils, aucune Eglise Chrétienne dans Thyatire. S. Epiphane, qui suppose avec eux qu’il n’y avoit en effet aucune église alors en ce lieu-là, est obligé d’avoir recours à l’esprit prophétique, comme si S. Jean avoit prévu ce qui y devoit arriver dans la suite des tems. Il y a de l’apparence que quand S. Epiphane écrivoit contre les Alogiens, on n’avoit point de catalogue des Evêques de cette Eglise, ou d’autres actes d’où l’on pût connoître qu’elle fût une Eglise fondée dès le temps des Apôtres ; c’est pourquoi Grotius a répondu sagement à cette objection, qu’il n’y avoit à la vérité aucune église des Gentils dans Thyatire, lorsque S. Jean écrivoit son Apocalypse ; mais qu’il y en avoit une des Juifs, comme il y en avoit aussi une semblable dans Thessalonique avant que S. Paul y prêchât.

Il y a aussi eu des Ecrivains orthodoxes qui ont rejeté l’Apocalypse, comme un Livre qui autorisoit les rêveries de Cérinthe touchant le regne charnel de Jésus-Christ sur la terre. Denys, Evêque d’Alexandrie, écrivit deux Livres intitulés, Des Promesses, où il combattit fortement les explications d’un Evêque d’Egypte appelé Népos, qui donnoit un sens tout-à-fait Juif aux promesses que Dieu a faites aux hommes dans l’Ecriture. Voyez le mot Millénaires. Consultez Eusèbe, Hist. Eccles. Liv. VII, ch. 24.

Quoique Denys d’Alexandrie reconnût l’Apocalypse pour un Livre divin, il prétendoit qu’il étoit d’un autre Jean, que de S. Jean l’Evangéliste, ce qu’il prétendoit prouver par la diversité du style ; mais il n’y a rien de plus foible que les raisons qu’on tire de cette diversité du style. Il est vrai que dans la plupart des exemplaires grecs, soit imprimés, soit manuscrits, on lit à la tête de ce Livre le nom de Jean le Théologien : mais ceux qui ont mis ce titre ont voulu désigner, par cette expression l’Apôtre S. Jean, que les Peres grecs nomment le Théologien par excellence, pour le distinguer des autres Evangélistes.

Erasme a été censuré par les Théologiens de Paris, pour avoir avancé, qu’on avoit douté long-temps de l’autorité de l’Apocalypse, non-seulement parmi les hérétiques, mais même parmi les orthodoxes, qui doutoient du nom de l’Auteur, bien qu’ils le reçussent comme un Livre divin. Cette proposition fut censurée par les Docteurs, qui dirent qu’on connoissoit manifestement par l’usage de l’Eglise & par les définitions des conciles, que l’Apôtre S. Jean étoit l’auteur de l’Apocalypse.

Il y a eu plusieurs Livres qui ont été publiés sous le titre d’Apocalypse. Sozomène rapporte, que dans les Eglises de la Palestine on lisoit une Apocalypse de S. Pierre. Il parle aussi d’une Apocalypse de S. Paul, que les Cophtes se vantent d’avoir encore aujourd’hui. Eusèbe dit aussi quelque chose de ces deux Apocalypses. S. Epiphane parle d’une Apocalypse d’Adam ; Nicéphore d’une Apocalypse d’Esdras. Gratien & Cedrenus font mention d’une Apocalypse de Moyse. On parle aussi d’une du Prophète Elie. Gratien nomme encore une Apocalypse de S. Thomas, & une de S. Etienne ; Porphyre, dans la vie de Plotin, passe des Apocalypses de Zoroastre, de Zostrien, & de Nicothée, d’Allogène, de Mesus. Toutes ces Apocalypses sont apocryphes & des pièces supposées. Desmarêts a fait de belles moralités sur l’Apocalypse. M. Bossuet, & M. l’Abbé de la Chétardie ont fait des Commentaires sur l’Apocalypse, ou explications de l’Apocalypse.

Apocalypse, se dit aussi figurément d’un langage ou d’un discours obscur. Obscurus sermo. Tes volumes ne sont rien qu’un éternel apocalypse. Main. Mauvaise locution.

Ce mot vient d’ἀποκαλυπτω, qui en grec signifie, je me révèle, je découvre.

Apocalypse, Chevalier de l’apocalypse : c’est ainsi que se nommerent les membres d’une société de Fanatiques qui se forma à Rome en 1694. Augustin Gabrino natif de Brescia, leur chef, se fit appeler le Prince du nombre septennaire, & le Monarque de la Sainte Trinité. Ces Fanatiques disoient que leur dessein étoit de défendre l’Eglise catholique contre l’Antechrist qui seroit adoré dans peu. Les armes de cette société étoient un sabre & un bâton de commandement placés en sautoir, une étoile rayonnante & les trois noms des Anges Gabriel, Michael & Raphael. Plusieurs des Chevaliers portoient ces armes sur leurs manteaux & sur leurs habits. Leur nombre s’accrut jusqu’à 80. La plûpart étoient des artisans qui ne travailloient jamais que l’épée au côté. Ils avoient des sentimens fort dangereux. Ils soutenoient entre autres choses qu’une femme, pourvu qu’elle ne refusât rien à son mari, pouvoit bien se livrer à d’autres, & qu’en échange un mari, sur-tout s’il étoit de leur ordre, avoit la liberté de renvoyer sa femme lorsqu’il en étoit dégoûté. Ils étoient avec cela fort charitables envers les pauvres. L’an 1694, le jour des Rameaux, Augustin Gabrino étant dans l’Eglise pendant qu’on chantoit l’antienne, Quis est iste Rex gloriæ ? courut à ces mots, l’épée à la main au milieu des Prêtres, & cria à haute voix, c’est moi qui suis ce roi de gloire. Là-dessus on conduisit Gabrino au lieu où l’on renferme les fous. Peu après un autre de ces Fanatiques, qui étoit bucheron, découvrit tout ce qu’il savoit de la conduite & de la doctrine de cette secte ; on en emprisonna une trentaine, & le reste se dissipa.

APOCALYPTIQUE. adj. m. & f. Prophétique, qui tient de la révélation. Libri vaticinii. On appelle Auteurs apocalyptiques, ceux qui ont travaillé sur l’Apocalypse. Bayle, dans son Dictionnaire critique, dit que Bochard étoit un Auteur apocalyptique. M. Bossuet passe pour le meilleur de tous les Auteurs apocalyptiques. Guillaume Griowé a recueilli tous les Auteurs apocalyptiques.

☞ APOCHYLINNE. Terme de Pharmacie. Suc végétal épaissi.

☞ APOCINOS. Danse ancienne dont il ne nous est resté que le nom. Encyc.

A-POCO. Terme de mépris, emprunté du mot Italien dapoco, qui signifie, malhabile.

Tandis que mon moqueur par son critique écho,
Traitoit ainsi nos chantres d’a-poco,
Fort bien, dit un d’entr’eux, parlant pour tous les autres,
Nos chants sont imparfaits, mais montrez-nous des vôtres.

De la Motte.

APOCOPE. s. f. Apocope, amputatio, recisio. Terme de Grammaire. Racourcissement, figure par laquelle on coupe quelque chose à la fin d’un mot. Ce mot est grec. Il vient de ἀποκοπὴ, fait d’ἀποκόπτω, je coupe, qui est composé de la préposition ἀπὸ, & du verbe κόπτω, je coupe, je retranche. Ingenî, pour ingenii est une apocope.

Apocope. Abscissio. Terme de Chirurgie. Espèce de fracture ou coupure dans laquelle la pièce de l’os est séparee & enlevée : ἀποκοπὴ signifie coupure entière. On appelle aussi cette fracture apothrausis. Col. de Villars.

APOCRÉOS. s. f. Terme de Liturgie chez les Grecs. Carniprivium, Septuagesima. C’est la semaine qui répond à celle que l’Eglise latine appelle Septuagésime. On l’appelle apocréos ou privation de chair, parce qu’après le Dimanche qui la suit, on cesse de manger de la chair, & l’on fait usage des laitages jusqu’au second jour après la Quinquagésime, où commence le grand jeûne du carême. Durant l’apocréos, on ne chante ni triode ni alleluia.

APOCRISIAIRE, ou APOCRISAIRE. s. m. Apocrisiarius. Envoyé, Agent, qui portoit les réponses d’un Prince. Il fut ensuite le Chancelier du Prince, & gardoit le sceau. Dans la basse latinité on trouve Asecrata, æ. Secrétaire, pour Apocrisiaire. Zozime le définit Secrétaire d’Etat pour les affaires étrangères, & c’étoit la même chose que ceux que Vospicus, dans Aurélien, appelle Notarios Secretorum. Jean de la Porte définit Apocrisiaire, Secrétaire… Chancelier ; parce qu’il est le Secrétaire du Prince, & qu’il sait ses secrets. Cette qualité a été depuis principalement attribuée au député du Pape, qui résidoit de sa part à Constantinople pour y recevoir les ordres du Pape, & la réponse de l’Empereur. S. Grégoire étoit Apocrisiaire du Pape Pélage à Constantinople, ce fut pendant ce temps-là qu’il composa ses Morales sur Job. L’Apocrisiaire faisoit la fonction des Nonces ordinaires du Pape auprès des Princes catholiques. Les Apocrisiaires étoient ordinairement Diacres, & ils n’avoient rang qu’après les Evêques, comme on le voit par le concile de Constantinople assemblé durant que Mennas en étoit Patriarche, Pélage, Diacre de l’église romaine, & Apocrisiaire du S. Siége, n’est nommé qu’après tous les Evêques. Quelquefois cependant l’Apocrisiaire avoit rang de Légat, & précédoit même les Patriarches. L’hérésie des Monothélites empêcha quelque temps les Papes d’envoyer un Apocrisiaire à Constantinople. Dans la suite, le Pape Léon II en envoya un à la prière de l’Empereur : mais enfin l’hérésie des Iconoclastes, que les Empereurs soutenoient, ne permit plus aux Papes d’envoyer un Apocrisiaire à Constantinople ; & c’est proprement en ce temps-là que la coutume d’en envoyer, qui avoit été seulement interrompue auparavant, cessa entièrement ; car ceux que les Papes envoyerent depuis à Constantinople après que les François s’en furent rendus maîtres, n’étoient point de simples Apocrisiaires, mais des Cardinaux, avec pouvoir de Légat à latere. Voyez Du Cange, Boullenger. Ce ne fut point au reste les seuls Nonces du Pape qu’on appela Apocrisiaires. Il semble par la Novelle 6 de Justinien, Ch. II, que tous les clercs envoyés à la cour des Empereurs par les Patriarches, & qui y résidoient pour avoir soin des affaires de leurs Eglises, s’appeloient Apocrisiaires. Quelques-uns prétendent que ce fut sous ce Prince que les Papes commencèrent à envoyer des Apocrisiaires à Constantinople : quoique Hincmar, L. De ordine Palatii, C. 13, dise que cette coutume commença dès que la cour impériale fut établie à Constantinople. On trouve encore que du temps de Charlemagne on appeloit Apocrisiaire, le Grand-Aumônier de France. Ainsi Hincmar, dans son quatrième Opuscule, de Ord. Palatii, C. 16, dit que l’Apocrisiaire étoit celui qu’en France on appeloit Chapelain, ou Garde du Palais, Quem Nostrates Capellanum, vel Palatii Custodem appellant, & qui gouvernoit tout le Clergé du Palais. Il prenoit connoissance de toutes les affaires ecclésiastiques. C’étoit aussi le confesseur de tous les officiers de la maison du Roi. On lui donnoit le nom d’Apocrisiaire, parce qu’on le consultoit sur tous les cas importans, & qu’on se régloit souvent sur sa réponse. Il vient en effet du grec ἀπόκρισις, qui signifie réponse. Il est appelé responsalis en latin, par Hincmar, Ep. 3, c. 53.

On trouve encore que l’apocrisiaire étoit un officier dans les monastères ; c’étoit comme le garde du trésor ; il avoit le soin d’ouvrir & de fermer les portes de l’église, & faisoit à peu près les mêmes choses que les sacristains font aujourd’hui. P. Hélyot, T. V, p. 190, 191.

On trouve apocrisariatus dans la vie de S. Léon IX, écrite par Wibert. Apocrisariat, dignité d’apocrisiaire.

APOCROUSTIQUES. s. m. pl. Terme de Pharmacie. Ἀποϰρουστιϰός. Médicamens pour arrêter les humeurs malignes qui se jettent sur une partie infirme. Il est aussi adjectif. Les Remèdes apocroustiques sont ordinairement froids, astringens & composés de parties grossières ; en quoi ils différent des remèdes qui attirent, qui sont chauds & composés de parties subtiles. Le mot apocroustiques vient d’ἀπό, & de ϰρούω, pulso, pello, repello.

APOCRYPHE. adj. m. & f. Douteux, qui vient d’un auteur incertain, ou auquel on ne peut pas ajouter foi. Apocryphus, dubiæ fidei. Les Calvinistes accusent faussement beaucoup de livres de la bible d’être apocryphes ; comme Judith, Tobie, Esdras, les Machabées, &c. En matière ecclésiastique, on le dit de tout ce qui est écrit ou prêché par les Hérétiques, ou Schismatiques, & qui n’est point reçu par l’Eglise catholique. Vossius soutient que quand il s’agit de Livres sacrés, le mot d’apocryphe ne se donne qu’à des ouvrages, que ni la Synagogue, ni l’Eglise, n’ont point insérés dans leurs Canons, quoiqu’on les joignit avec la Sainte-Ecriture, & qu’on les lût même dans l’Eglise.

Ce mot vient du grec Ἀποϰρύπτειν, qui signifie cacher, parce que leur origine n’est point connue. Saint Jérôme dit qu’on a donné ce nom aux livres apocryphes, parce qu’ils contiennent les mystères cachés des Hérétiques. On peut dire que la signification de ce mot est douteuse, puisque les uns donnent ce nom simplement aux livres qui ne sont point dans le Canon de l’Ecriture, & les autres aux livres ou douteux, ou supposés. Il est certain du moins que le mot apocryphe signifie caché & secret. Tels étoient les livres des Sibylles, dont la garde étoit commise aux Décemvirs seulement. Par la même raison, les annales des Tyriens & des Egyptiens étoient appelées apocryphes. Avant la version des Septante, les livres de l’ancien Testament étoient apocryphes, à parler en ce sens. Dans la suite, les Chrétiens, à l’exemple des Juifs, changerent absolument la signification du mot, & appelerent apocryphes, des livres dont l’autorité est douteuse, & suspecte.

Le mot d’apocryphe dans sa première origine, signifie caché, & en ce sens-là tous les écrits qui étoient cachés dans les temples étoient appelés des apocryphes, parce qu’ils n’étoient point venus à la connoissance du peuple. Quand les Juifs publierent leurs livres sacrés, on ne donna le nom de Canoniques & Divins, qu’à ceux qui furent publics ; les autres qui demeurerent renfermés dans leurs archives n’étoient apocryphes, que parce qu’ils ne parurent point dans le public. Et ainsi il se pouvoit faire qu’ils fussent véritablement divins & sacrés ; mais ils n’étoient point reconnus pour tels. M. Isaac Vossius, qui convient que c’est-là la véritable signification du mot d’apocryphe, en a abusé dans son livre des Oracles des Sibylles, lorsqu’il prétend que ces livres ont été véritablement inspirés, & qu’ils ont même été lûs autrefois dans les Eglises, étant joints avec les autres livres sacrés qui composoient le recueil de la bible grecque des Septante.

On a donc nommé apocryphe, à l’égard de la bible, tout ce que les Juifs n’ont point mis dans leur canon des livres sacrés. C’est en ce sens-là qu’on lit dans S. Epiphane, que les livres apocryphes ne sont point dans l’arche ; c’est-à-dire, dans l’armoire où les Juifs enferment leurs livres sacrés. Scaliger qui n’a point entendu les paroles de S. Epiphane, les a corrompues en voulant les corriger. Il a cru, au contraire, que ce Pere a mis les apocryphes dans l’arche ; mais cette faute est si grossière, qu’il est surprenant qu’un si habile Critique y soit tombé. Aussi Sérarius, Jésuite, l’a-t-il relevée dans ses Prolégoménes. Suicérus a aussi fait la même chose dans son Trésor ecclésiastique, sur le mot Aron.

M. Simon prétend, dans ses réponses à quelques Théologiens d’Hollande, que si on lit avec attention les écrits des Apôtres, on y trouvera, que non seulement ils lisoient la bible en grec, mais les livres que les Protestans appellent apocryphes. Il croit que l’Eglise les a reçus des Juifs nommés Hellénistes, avec les autres livres de l’Ecriture Sainte. Si les Juifs de la Palestine, dit-il, ne les ont pas reçus, ce n’est pas qu’ils fussent apocryphes dans le sens qu’on donne présentement à ce mot ; mais parce qu’ils ne lisoient chez eux que les livres qui étoient écrits en hébreu. De ces Hellénistes ils sont passé à l’Eglise dès le temps des Apôtres ; leurs premiers disciples les ont aussi reçus, comme faisant une partie de la bible grecque.

Il est vrai qu’on oppose à cela l’autorité de plusieurs anciens Ecrivains ecclésiastiques, & principalement des Grecs, qui ont distingué ces livres, qu’on nomme apocryphes, de ceux qui sont dans le Canon des Juifs. Mais outre que ces anciens Ecrivains ecclésiastiques ne conviennent point entre eux touchant le nombre de ces prétendus apocryphes, on ne trouve point cette distinction appuyée sur le témoignage d’aucun Apôtre, ni d’aucun de leurs premiers disciples. L’Eglise de Rome, qui a toujours été considérée comme la principale Eglise du monde, n’a point aussi distingué ces deux sortes de livres : les Eglises d’Afrique les ont reçus également comme divins avant le concile de Nicée ; ce qu’on peut prouver par l’autorité de S. Cyprien. On peut assurer la même chose de l’Eglise d’Alexandrie, & l’on en trouve des preuves évidentes dans les écrits de S. Athanase. Car ceux où on fait dire le contraire à ce saint Evêque, ne sont point véritablement de lui.

On ne peut pas nier que S. Jérôme, le grand défenseur du Canon des Hébreux de la Palestine, n’appuie fortement l’opinion contraire, & qu’il ne dise même quelquefois que son sentiment est celui de toute l’Eglise. Mais il y a de l’apparence que ce S. Docteur a exagéré. S. Augustin qui lui est opposé, & qui vivoit dans le même temps que lui, parle tout autrement. Le Pape Innocent I, qui vivoit aussi dans ce temps-là, reconnoît pour livres divins, ceux que S. Jérôme met au nombre des apocryphes dans ses préfaces sur Tobie & sur Judith. Car il faut lire apocrypha dans ces deux préfaces, & non pas hagiographa.

On dit d’une nouvelle dont on doute, que c’est une nouvelle apocryphe : & pour marquer qu’on n’ajoute pas grande foi à celui de qui elle vient, on dit, que c’est un Auteur apocryphe. Acad. Fr.

APOCYN. s. m. Apocynum. Genre de plante, qui comprend beaucoup d’espèces tirées la plupart de l’Amérique. Celle qui nous est la plus commune vient de Canada, où elle est appelée Herbe de la ouate, ou le cotonnier. Ses racines sont blanchâtres, grosses comme le doigt, tracent & s’étendent fort loin. Elles donnent aux pointes plusieurs tiges hautes de six à sept pieds, garnies de feuilles opposées deux à deux, longues de six pouces sur moitié moins de largeur, & d’un vert pâle. Ses fleurs naissent par bouquets à l’extrémité des tiges & d’entre les feuilles. Elles sont soutenues chacune par des pédicules grêles & longs de deux pouces & demi. Chaque fleur est une cloche purpurine, renversée, rabattue en dehors, & découpée en cinq parties ; de son milieu s’élève un chapiteau formé par cinq cornets disposés en rond. Le chapiteau reçoit dans son centre le pistil, qui devient une vessie pointue, longue de trois à quatre pouces, & large de deux, arrondie, dans laquelle sont renfermées des semences appliquées les unes sur les autres, & chargées d’une aigrette fine & argentée. C’est de cette aigrette qu’on fait en Canada une ouate. Ces fleurs sont remplies d’une liqueur mielleuse qui attire les mouches, & elles y sont souvent prises & arrêtées, comme les oiseaux à la glu. De cette liqueur mielleuse on fait en Canada une espèce de syrop, qu’on réduit même en consistance de sucre. L’apocyn donne un suc laiteux en quelque endroit qu’on y fasse une incision. On a cru qu’il étoit pernicieux aux chiens, & c’est d’où vient son nom, de ἀπό, & de ϰύων, ϰύνος, comme si on vouloit dire que cette herbe éloigne les chiens. Il y en a une autre espèce qui a ses fleurs comme le muguet, & ses feuilles semblables à celles de la toute-saine, l’apocyn s’appelle encore cynanchon, cynomeron, & cynocrambe, mort aux chiens. Il jette des branches, longues pliantes, & très-difficiles à rompre. Ses feuilles ressemblent à celles du lierre ; mais elles ont l’odeur plus forte, & sont remplies d’un suc qui approche du miel. Son fruit est couvert d’une cosse semblable à celle des féves ; il est de la longueur du doigt, a la forme d’une gaîne, & renferme une semence petite, dure & noire. Ses feuilles étant mêlées avec de la farine, & réduites en forme de pain, tuent les chiens, les loups, les renards & les panthères qui en mangent, & leur causent, selon Dioscoride, sur le champ une paralysie vers les lombes. Selon Pline, sa semence prise dans du vin, guérit la pleurésie & toutes les douleurs de côté, de quelque espèce qu’elles soient. Dict. de James.

APODACRYTIQUES. s. m. pl. Remèdes qui excitent d’abord les larmes, & ensuite qui les arrêtent. Tels sont les collyres composés d’eau de pécule de roses, de plantin, d’euphraise, de vitriol, de tuthie, &c. Ce mot est grec, ἀποδαϰρυτικά ; il est dérivé de ἀποδαϰρύω, lacrymas effundo, je verse des larmes ; parce que ces remèdes les excitent d’abord par leur acrimonie, ensuite ils les desséchent en resserrant les vaisseaux excrétoires. Col de Villars.

☞ Il est aussi adjectif. Remède, médicament apodacrytique.

APODES. s. m. pl. Espèce d’oiseaux qui ont les pieds forts courts. Ils ressemblent beaucoup aux hirondelles. Comme ils ne peuvent faire usage de leurs pieds qui sont trop courts, ils sont presque toujours en l’air. Ils font leurs nids dans les rochers ; ils volent sur les mers. Pline cité par James. Ἄποδους, d’α privatif, & πούς, pied.

APODICTIQUE. adj. Terme de Logique, qui se dit d’un argument démonstratif & convaincant. Demonstrativus.

APODIXIS. Terme didactique, signifie démonstration, preuve évidente. Pétrone appelle un signe de langueur, de foiblesse, apodixis desunctoria. Nous pourrions appeler ainsi un billet d’enterrement.

Ce mot vient du grec ἀποδείϰνυμι, qui signifie, je démontre, je fais voir clairement.

APODIPNE. s. m. Apodipnum. Terme de Liturgie. On appelle apodipne dans l’Eglise grecque, ce que l’on appelle complies dans l’Eglise latine. Ce mot veut dire après souper, & est formé d’ἀπὸ, et de δεῖπνον, souper, parce que cette partie de l’office se dit après le repas du soir ἀπὸ του δέιπνου. Il y a deux apodipnes ; un grand qu’on ne dit qu’en carême ; & un plus court, qu’on dit le reste de l’année, Voyez le Typique, l’Anthologe, l’Eucologe, l’Horloge, & ceux qui ont écrit sur la Liturgie des Grecs.

☞ APODOSE. s. f. Apodosis. Figure de Rhétorique, par laquelle les derniers membres d’une période, sont un peu opposés aux premiers.

APODOSIA, APHRODISÉE. Ville de l’Anatolie. Aphrodisia. Elle est sur le Madre.

☞ APODYTERION. s. m. Apodyterium. C’est ainsi qu’on appeloit chez les Anciens, l’endroit de la palestre ou des bains, où l’on se déshabilloit & où on laissoit ses habits.

APOGÉE. s. m. Apogæum, summa absis. Terme d’Astronomie. Point du ciel qui est à l’extrémité de la ligne qu’on appelle les apsides, dans lequel les planètes se trouvent dans leur plus grand éloignement de la terre. Il est aussi adjectif. La lune apogée est éloignée de nous de soixante-cinq demi diamêtres de la terre. Pour savoir trouver l’apogée & le périgée d’une planète, Voyez dans les Transactions Philosophiques, n. 57, la méthode géométrique de M. Cassini, avec les considérations de M. Mercator sur cette méthode, Voyez aussi Périgée, Apsides, &c.

Apogée, se prend figurément & poëtiquement, pour le plus haut degré où une chose puisse aller. Summus apex, Supremum fastigium. Sa gloire est maintenant dans son apogée : elle ne peut pas aller plus loin. Dans ce sens il est un peu suranné. Cependant le célébre Rousseau a dit, mais dans le style plaisant & badin :

Une ame libre & dégagée
De préjugés contagieux,
Une fortune un peu rangée,
Un esprit sain, un corps joyeux
Et quelque prose mélangée
De vers badins ou sérieux,
Me feront trouver l’apogée
De la félicité des Dieux.

On trouve apogæum dans la basse latinité, pour signifier, une grotte, une voûte souterraine : il ne signifie plus rien d’approchant.

Ce mot vient du grec ἀπὸ, ab, & de γῆ, ou γαῖα, terre. ☞ Apogée se dit particulièrement de la lune, parce que cette planète tourne véritablement autour de la terre.

APOGRAPHE. s. m. Apographum. C’est une copie de quelque livre ou écrit ; d’un original. Apographe est opposé à autographe, comme copie à original : ce mot vient d’ἀπὸ, à, ou ab, de, & de γράφω, scribo, j’écris. Ces deux mots veulent dirent, je décris, je transcris. Dans le second chapitre de la Préface de la défense de la Vulgate de M. Bianchini, il est question en général des livres autographes & apographes de la Loi des Prophètes & de leur histoire. Journ. des Sav. 1743, in-12, pag. 354. Dans le quatrième chapitre, où il est question des plus anciens livres autographes ou apographes de l’ancien Testament. M. Bianchini reconnoît qu’il n’en est point d’autographe, c’est-à dire, qui soit écrit de la main même de l’Auteur sacré, dont ils portent le nom. Il ne nous en reste donc que des apographes, ou des copies. Idem. page 361.

APOIER. Ce mot se disoit autrefois pour appuyer. Borel.

APOKÉPARNISME. s. m. Dedolatio, incisio. Dédolation, incision ; c’est une fracture du crâne, faite par un instrument tranchant qui emporte la pièce de l’os, comme si un doloire y avoit passé. Ce mot est composé de ἀπὸ, & de σϰέπαρνὸς, ascia, dolabra, hache, doloire. On dit en grec ἀποϰεπαρνισμὸς, ou ἀποσϰεπαρνισμὸς. Col de Villars.

APOLLINAIRE. adj. Du latin apollinaris. D’Apollon, du Dieu Apollon. Voulons que l’Académie Françoise punisse comme crime de léze-Majesté Apollinaire, ceux qui corrompront la pureté de la langue. Ordonnance d’Apollon, art. 14, p. 155 du Parnasse réformé.

Apollinaire. Il se dit de certains jeux qui se faisoient tous les ans à Rome, à l’honneur d’Apollon. Ludi apollinares. Les jeux apollinaires furent institués sous le consulat de Q. Fulvius Flaccus III, & d’Appius Claudius Pulcher, & par conséquent l’an de Rome 541. Ce fut sur certains vers ou prophéties d’un Poëte ou Devin nommé Martius, qu’on les institua. On crut y trouver clairement prédit le malheur des Romains à la journée de Cannes, & cela fit qu’on donna de la croyance aux prédictions de ce Prophète. Après ce qui regardoit la bataille de Cannes, dont on crut voir toutes les circonstances dans les vers de Martius, il disoit aux Romains que s’ils vouloient chasser l’ennemi de leurs terres, il leur conseilloit de faire vœu de célébrer tous les ans des jeux à l’honneur d’Apollon. Hostem, Romani, si expellere vuitis, vomicamque quæ gentium venit longè, Apollini vovendos censeo ludos, qui quotannis comiter Apollini fiant, cùm populus dederit ex publico partem : privati uti conferant pro se suisque. Iis ludis præerit Prætor is, qui jus populo plebique dabit summum. Decemviri Græco ritu hostiis sacra faciant. Hæc si rectè facitis, gaudebitis semper, fietque res vestra melior, &c. Après l’examen de ces vers, le Sénat fit un sénatus-consulte ou ordonnance pour l’établissement de ces jeux. C’étoit comme l’on voit, le Préteur de Rome qui en avoit la charge, & P. Cornélius Sylla qui l’étoit l’an de Rome 541, fut le premier qui les fit célébrer. Jusqu’en l’année de Rome 545, sous le consulat de M. Claudius Marcellus V, de Titus Quinctius Crispinus, il n’y eut point de jour fixe pour les célébrer. Cette année-là P. Licinius