Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/191-200

Fascicules du tome 1
pages 181 à 190

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 191 à 200

pages 201 à 210



suive. On dit aussi, qui bien aime, bien châtie. Il n’est pas dégoûté, il aime mieux deux œufs qu’une prune ; pour dire, il préfére un grand avantage à un moindre. On dit aussi burlesquement, il l’aime comme ses petits boyaux, comme la prunelle de ses yeux. Cette dernière expression est prise apparemment de l’Ecriture, qui dit conserver comme la prunelle de l’œil ; pour dire, conserver avec beaucoup de soin & d’affection. Deut. XXXII, 10. Psalm. XVI, 10, & ailleurs. On dit encore, j’aime mieux un tien, que deux tu l’auras ; pour dire, je préfére une chose médiocre, mais présente & assurée, à une plus considérable, qui sera incertaine, & à venir. Louis XIII étant pressé par des Députés des Huguenots de leur conserver plusieurs grands privilèges, à l’exemple des Rois ses prédécesseurs, leur répondit : Henri III vous craignoit ; le Roi mon pere vous aimoit ; & moi je ne vous crains, ni ne vous aime. Bons mots.

AIMÉ, ÉE. part. Amatus. C’est mon fils bien aimé, dit l’Ecriture : une longue absence affoiblit peu-à-peu l’idée de l’objet aimé, & l’efface enfin du cœur. M. Scud.

AIMÉ. Nom propre, Voyez Amé.

Aimée, s. f. & nom de femme. Amatalis. Ce nom n’est ni grec, ni latin, comme on le pourroit soupçonner d’abord ; il est syriac. En syriac amna signifie mere, comme abba signifie pere, & Talis est un nom propre ; de sorte que Amna, ou Ama Talis est la même chose que la Mere, ou l’Abbesse Talis. Dans le Pallade grec de Meursius, imprimé en 1616, cette Sainte est nommée tout en un mot Amatalis, au génitif Amatalidos ; & dans la Traduction du Paradis d’Héraclite que Rosweide Jésuite a fait imprimer à la fin des vies des Peres, elle est nommée simplement Amata, & c’est de cette seule manière que l’ont nommée Vincent de Beauvais, les Chartreux de Cologne en leurs Additions à Usuard, le Martyrologe germanique, Raderus dans un Catalogue des Saints écrit de sa main, Guillaume Gazée au Calendrier des Saintes jointes à son Ciméliarque, Sadder en ses gravûres, & Ferrarius en son Catalogue des Saints qui ne sont point au Martyrologe Romain. D’Amata. Il a été naturelle de faire Aimée, comme si ç’avoit été un nom propre qu’on eût fait du participe passif du verbe amo, j’aime. Aussi cette Sainte est-elle appelée Aimée en quelques Calendriers François ; ce qui ne doit point paroître extraordinaire, puisque depuis plusieurs siècles, non-seulement en Occident, mais même en Orient, on dit Amata, pour Amatalis. De même l’incorporation d’Amna avec Talis ne doit pas paroître plus extraordinaire que celle d’Abba avec Cyrus, dans le mot Abbacyrus, d’où les Cophtes ont fait Saint Abacher, & les Italiens Appassara, pour Abba Cyre. Chast. 5 Janv. Pallade rapporte, ch. 137, qu’à Antinoé il alla voir Sainte Aimée, ou Amatalide, Religieuse depuis 80 ans. M. Chastelain semble douter si le nom d’Aimée qu’on donne souvent au baptême, est celui de cette Sainte, ou Esmée, Emée, en l’honneur de Saint Esdme, ou Elme : mais ce dernier sentiment ne paroît point douteux : on ne connoît point Sainte Amatalide en France, où S. Edme au contraire est fort connu.

AIMORAGIE. s. f. Prononcez émoragie. Terme de Médecine, qui vient du grec ἀμορραγια, & qui signifie Ecoulement de sang. Sanguinis emissio. Provoquer une aimoragie. Si l’on suit l’étimologie, il faut écrire Hæmorrhagie. Il vaut mieux écrire avec l’Académie Hémorragie. Voyez ce mot.

☞ AIMORRONS. s. m. Serpent qu’on trouve en Afrique. L’effet de sa morsure est de faire sortir le sang tout pur des poumons.

AIN.

AIN. s. m. rivière de France. Ens, Indus, Indis, Idanus, Danus. Elle sort du mont Jura, dans le bailliage de Salins, en Franche-Comté : sortant de la Franche-Comté, elle entre dans la Bresse, qu’elle traverse, pour s’aller jeter dans le Rhône au-dessus de Lyon.

Ain. Sorte d’interjection interrogative, commune aux petites gens, & fort incivile parmi des personnes polies. Ce mot veut dire, Plaît-il ; Que voulez-vous ? Qu’en dites-vous ?

Ain. s. m. Vieux mot. Hameçon. Hamus.

Ain. Terme de Grammaire hébraïque & Arabe. C’est le nom d’une lettre, qui est une aspiration passée par le nez. Toutes les langues orientales ont le ain. Les Arabes en ont deux, dont l’un est beaucoup plus fort que l’autre. Ils marquent celui qui est fort & âpre d’un point par-dessus. Peut-être que les anciens Hébreux en avoient aussi deux, & que c’est pour cela que les Septante ont rendu cette lettre de deux manières différentes, tantôt sans aspiration, comme dans עדן, qu’ils expriment Ἐδὲν, Eden ; & tantôt par un Γ, c’est-à dire, un G ; comme dans עמורה qu’ils traduisent Γόμορρα ; Gomorrha, Gomorrhe. Nous n’avons point cette lettre dans nos langues d’Europe ; & nous ne saurions presque en bien attraper la prononciation. Quelques Grammairiens l’expliquent par ng, d’autres par gn.

Ce n’est point cela. C’est, comme je l’ai dit, une aspiration passée par le nez.

AÏN. Voyez Aën.

☞ AINADEKI. Petite ville de la haute Hongrie, dans le Comté de Sag, entre les villes de Filleck & de Gomer, à deux lieues de la première. Ainadejum.

☞ AINAI, AISNAY, ou AINAY. Atanacum, ou Ainacum. Lieu ou célébre Abbaye de France, faisant aujourd’hui partie de la ville de Lyon, au confluent du Rhône & de la Saône. L’Abbaye fut sécularisée en 1684.

AINC. Vieux adverbe, qui veut dire Jamais. Ce mot est formé d’unquam.

 
Après Lot Juitekins qui ainc n’ama François,
C’il fut fils justament, mout fut de grand bufois.

R. De Bertain
.

AIN-CHAREM, & non pas AIN-CHARIN. Petit village de la Judée, à deux bonnes lieues de Jérusalem, & à une lieue de ce qu’on appelle le Désert de S. Jean. On le montre aux voyageurs comme la demeure de S. Zacharie & de Sainte Elisabeth ; quelques-uns ajoutent même que c’étoit une des six villes Sacerdotales de la Tribu de Juda ; mais tout cela est fort incertain. Bruyn met la ville de Sainte Elisabeth après le Bourg de S. Jean, sur le chemin de Jérusalem à Bethléem par le désert. Ce nom est composé de deux mots, Ain, & Charem. Le premier mot en hébreu & en arabe signifie Fontaine. Ceux qui l’écrivent par deux AA, aain, comme si dans les langues originales, d’où il est tiré, il commençoit par la même lettre doublée, ou répétée, l’écrivent mal. L’une est un ain consonne gutturale nasale, & l’une des radicales de ce nom, qui ne répond point à notre a, & ne peut s’exprimer par aucun caractère des langues d’Occident ; & l’autre n’est qu’un point voyelle, qui répond à notre a. L’autre mot, que le P. Nau, dans son Voyage de la Terre-Sainte, écrit Karem, mais qu’il vaut mieux écrire Charem, parce qu’en Arabe c’est Chef qu’il est bon de distinguer du Kaf, que nous exprimerons toujours par un K, & qu’il faut bien se donner de garde d’écrire Charin, comme M. Corneille, que des voyageurs mal habiles ont trompé ; ce mot, dis-je, vient de l’arabe Charama, & signifie Libéral, magnifique. De sorte que Ain-Charem signifie, la fontaine libérale ; c’est-à-dire, abondante, copieuse, qui jette beaucoup d’eau ; & en effet, à un bon jet de pierre de ce lieu, l’on rencontre une belle fontaine, abondante en eau, qui va se répandre dans la vallée voisine, qui n’en est séparée que par le chemin. Elle l’arrose, & donne moyen aux habitans du village voisin d’y faire des jardins, & d’y semer des légumes, des melons, des pastègues, des concombres, &c. comme on peut voir dans le Voyage du P. Nau, p. 474. Ce Pere, & les autres voyageurs prétendent que c’est la fontaine de Nephtoa, dont il est souvent parlé dans l’Ecriture. Je ne suis pas de ce sentiment ; je pourrai m’en expliquer au mot Nephtoa.

AINÇOIS. Vieux adv. Volontiers, avant, auparavant, aussi-tôt.

AINDRE. Île de la Loire. Antrum. Elle étoit à trois lieues au dessus de Nantes. Elle a été submergée par les inondations. S. Hermeland s’étoit retiré dans l’Aindre, & y avoit bâti un Monastère.

Aindre, est aussi le nom d’une rivière de France. Anger, Ingeris. Elle coule dans le Berry, baigne Château-roux & Châtillon-sur-Aindre, & se décharge dans la Loire, entre l’embouchure du Chéa & de la Vienne. Plusieurs écrivent Indre.

AINE. s. f. Partie du corps humain où se fait la jonction de la cuisse & du ventre. Inguen. Il y a dans l’aine une glande ou émonctoire, où se forment les bubons pestilentiels, & les maux vénériens. Quelques-uns mouillent l’n, comme si l’on écrivoit aigne. Dans une vie de Sainte Humiliane, écrite au 13e siècle, on trouve Anglio ; pour dire, l’aine, Inguen.

Aine. C’est le nom d’un petit bâton qu’on passe au travers de la tête des harengs qu’on fait sorer ou sorir.

AÎNÉ, ÉE. adj. & s. Enfant qui naît le premier d’un mariage. Natu maximus. Fils aîné. Fille aînée. Frère aîné, sœur aînée. Les aînés ont de grandes prérogatives sur les cadets. Il a été partagé en aîné, c’est à-dire, avec avantage. Dans les pays coutumiers les aînés nobles ont le principal fief ou manoir par préciput, ou le vol du chapon. Les aînés portent les armes pleines : & les cadets sont obligés de les briser pour la distinction des branches.

☞ En parlant des branches d’une maison, on dit aussi la branche aînée, la branche cadette.

Ce mot vient de ains né, comme qui diroit, né auparavant, par opposition à puîné. Nicod. Ménage le dérive de ante natus. On appeloit autrefois maisné, le cadet ou le dernier né des enfans.

Aîné, se dit aussi des autres enfans par subordination. Le second est aîné du troisième, le troisième du quatrième, &c.

Aîné, se dit par extension du plus avancé en âge comparé à un plus jeune. Major, natu major. Il est mon aîné, mon doyen de plus de sept ans.

En parlant du Roi de France, on dit, le Roi très-Chrétien est le fils aîné de l’Eglise. Filius Ecclesiæ primogenitus. L’université de Paris se dit la fille aînée du Roi.

En la Coutume de Normandie, on appelle rente aînée, celle qui est la première en date.

☞ AIN-EL-CALU, ou HAIN-CALU. Ville d’Afrique, dans la province de Tremecen, au Royaume de Fez.

☞ AÏNEQUIE. Rivière d’Afrique, au Royaume de Maroc. Elle arrose la province de Sus, passe à Garet, & se perd dans le Sus.

☞ AINES & DEMI-AINES. s. f. Terme de Facteur d’Orgues. Ce sont les premières des pièces de peau de mouton de forme de Losange, & les secondes des pièces de la même étoffe qui sont triangulaires, servant à joindre les éclisses & les têtieres des soufflets d’orgue.

AÎNESSE. s. f. Primogéniture, qualité de ce qui fait un aîné, & le droit que cette qualité lui donne. Natalium inter fratres prærogativa. On ne le dit guère qu’en le joignant au mot droit, droit d’aînesse. Le droit d’aînesse est reconnu par-tout, & particulièrement chez les Nobles. Esaü vendit son droit d’aînesse pour un plat de lentilles. Il semble que le droit d’aînesse est une prérogative injuste, & contraire au droit naturel ; car puisque la naissance seule donne aux enfans le droit de prétendre à la succession paternelle, le hasard de la primogéniture ne doit point mettre d’inégalité entr’eux. Aussi le droit d’aînesse qui appelle l’aîné par préférence à la couronne, s’est-il introduit fort tard en France. Il n’étoit point connu sous les Rois de la première race, ni même de la seconde. Les quatre enfans de Clovis partagerent également le royaume. Louis le Débonnaire divisa aussi l’empire en quatre portions, qu’il donna à ses quatre fils. Apparemment ce n’est que sous la race de Hugues Capet, que la prérogative de la succession à la couronne fut affectée à l’aîné. La prérogative du temps est un droit d’aînesse que la nature nous oblige de reconnoître. Patr. Il n’est pas permis aux peres ni aux meres d’y déroger directement, ni indirectement. Cette prérogative est inviolablement observée parmi toutes les nations, ensuite de ce qui est dit au Deut. XXI, 15, & au II. Paral. XXI, 3. Des Roch. Voyez encore Gen. XXV, 31, XLIX, 3. Du Moul. in Cons. Par. §. 8, q. 3, n. 24. Aînesse & primogéniture sont quelquefois deux choses différentes : la primogéniture est un titre que la nature établit & que la naissance fixe ; l’aînesse est un droit que la loi donne & que la coutume étend. En France on a étendu le droit de primogéniture ; car après la mort du premier né, le second lui succède au droit d’aînesse, desorte que ce droit passe toujours à celui des freres qui est le plus âgé.

AIN-MIRIAM, ou MARIAM. Fontaine de Marie. C’est une source de bonne eau proche de Jérusalem, à 200 pas de Siloé vers le septentrion, sous une voûte qui est au pied du mont, qu’on prétend être le mont Moria. On lui a donné ce nom, parce qu’on suppose que quand la Sainte Vierge étoit à Jérusalem, elle y alloit comme les autres femmes, prendre de l’eau, ou laver son linge, les hardes de sa maison. Voyez le P. Roger dans sa Terre-Sainte, Liv. I. p. 161.

AINS, AINÇOIS. adv. Ce sont de vieux mots qui signifioient autrefois Mais. At, sed. On dit encore dans le burlesque, Ains au contraire ; pour dire, Tout au rebours. Ce mot vient de l’Italien anzi, qui a été fait de ante. Ménage. D’autres le dérivent du Grec ατι, ou du Latin ast ; parce que c’est un terme correctif qui marque quelque objection, ou quelque chose de contraire.

AINS. adv. s’est dit autrefois pour avant. Antè, priùs. Ains que, avant que, Antequàm, priusquàm. Marot dit à François I, au sujet d’une statue de marbre de Vénus qui lui avoit été présentée :

Cette Déesse avec sa ronde pomme,
Prince Royal, des autres le plus digne,
N’est point Vénus, & Vénus ne se nomme,
Jà n’en déplaise à la Langue Latine ;
C’est du haut Ciel quelque vertu divine,
Qui de sa main t’offre la pomme ronde,
Te promettant tout l’empire du monde
Ains que mourir.

C’est-à-dire, avant que tu meures.

☞ AINSA. Voyez Ainza.

AINSI. adv. Qui signifie de même, comme. Ità, sic. Par exemple, cela est ainsi que vous l’avez dit. Quand on eut fait silence, l’orateur parla ainsi. On répond plusieurs requêtes avec cette formule, soit fait ainsi qu’il est requis. La guerre a ses faveurs ainsi que ses disgraces. Racine.

Ainsi, sert particulièrement aux deux membres de la comparaison. Quemadmodùm, Ità. Ainsi que le hibou craint le soleil, ainsi le pécheur fuit la lumière. On disoit autrefois, tout ainsi comme, par ainsi, comme ainsi soit.

☞ Dans ces occasions, ainsi que est synonyme avec comme, lorsqu’il est aussi membre de comparaison, & avec de même que qui l’est toujours, mais avec une différence, dit M. l’Abbé Girard, qui est assurément une des plus délicates de notre langue & des plus difficiles à démêler.

☞ De même que marque proprement une comparaison qui tombe sur la manière dont est la chose ; ce qu’on peut nommer comparaison de modifications. Ainsi que marque particulièrement une comparaison qui tombe sur la réalité de la chose ; ce qu’on peut nommer comparaison de faits ou d’actions. Comme marque mieux une comparaison qui tombe sur la qualité de la chose ; ce qu’on peut nommer comparaison des qualifications. Je dirois donc, selon cette différence, les François pensent de même que les autres nations, mais ils ne se conduisent pas de même ; parce qu’il n’est précisément question que d’une certaine manière de penser & de se conduire, qui est une modification de la pensée & de la conduite qu’on suppose en eux. Mais je dirois, il y a des Philosophes qui croient que les bêtes pensent ainsi que les hommes ; parce qu’il s’agit de la réalité de la pensée qu’on attribue là à la bête aussi-bien qu’à l’homme, & non d’aucune modification ou manière de penser : puisqu’on peut ajouter que, quoique ces Philosophes croient que les bêtes pensent ainsi que les hommes, ils ne croient pourtant pas qu’elles pensent de même qu’eux. Je dirois enfin que les expressions d’une personne qui ne conçoit les choses que confusément, ne sont jamais justes comme celles d’une personne qui les conçoit clairement ; parce qu’il est là question d’une qualité de l’expression, ou d’une qualification qu’on lui donne. Par cette même raison on dit, hardi comme un lion, blanc comme neige, doux comme miel, & : non pas ainsi que, ni de même qu’un lion.

☞ Lorsque ces deux mots sont placés à la tête de la comparaison, alors elle a deux membres, dont le second, qui est la réduction de la comparaison, commence par le mot ainsi, si c’est ainsi que ou comme qui se trouvent à la tête du premier membre ; mais si c’est : de même que, ce second membre commence par le mot de même. L’exemple suivant va rendre cette observation sensible.

De même que l’ambitieux n’est jamais content, de même le débauché n’est jamais satisfait. Ainsi que l’ordonne la Providence, ainsi va la fortune des états & des particuliers, des Princes & des sujets. Comme les hommes vieillissent par le nombre des années, ainsi vieillissent les empires par le nombre des siècles ; tout va à un terme prescrit, au delà duquel il ne passe pas.

Ainsi, signifie aussi quelquefois par conséquent, alors il est synonyme avec c’est pourquoi, avec cette différence que ce dernier renferme dans la signification particulière un rapport de cause & d’effet, au lieu qu’ainsi ne renferme qu’un rapport de prémisse & de conséquence. C’est pourquoi est plus propre à marquer la suite d’un événement ou d’un fait ; ainsi à faire entendre la conclusion d’un raisonnement.

☞ Les femmes pour l’ordinaire sont changeantes ; c’est pourquoi les hommes deviennent inconstans à leur égard. Les Orientaux les enferment, & nous leur donnons une entière liberté ; ainsi nous paroissons avoir pour elles plus d’estime.

Ainsi. adv. Comme ainsi soit. Façon de parler ancienne qui signifie, vû que, d’autant que, cela étant ainsi. Comme ainsi soit que, &c. Puisqu’ainsi est, autre façon de parler dont on se sert à-peu-près dans le même sens. Acad. Franc.

Ainsi que. adv. S’il est ainsi que, signifie, s’il est vrai que. S’il est ainsi que nous ne soyons créés que pour servir Dieu. Il vieillit.

Ainsi que. Au même temps que. Ainsi que j’arrivois. Ainsi qu’il sortoit. Acad. Fr. 1718. Le retranchement de cette expression dans l’édition de 1740, en est une condamnation tacite.

Ainsi soit-il. Amen. C’est un souhait que l’on fait à la fin de toutes les prières. On se sert aussi de cette façon de parler pour demander l’accomplissement de ce qu’on souhaite. Utinam.

AINSNÉ, ÉE. s. m. & f. On disoit autrefois Ainsné, pour dire, l’Aîné, celui qui est né avant les autres. Natu prior : comme on disoit Maisné ; pour dire, puîné.

AIN-TOGIAR. Nom d’un lieu dans la Terre-Sainte, ainsi appelé, parce qu’il y a une fontaine, auprès de laquelle se tient tous les mardis une foire, car ce nom est composé de ain, fontaine ; & de תגר tagara, qui, en arabe signifie commencer. Il est à une petite lieue du mont Thabor à l’orient.

AINZ. Borel dans ses recherches cite ces paroles de Villehardouin, qui ainz ainz, qui mielx ; & il les explique ainsi, à qui mieux mieux. Certatim.

AINZA, ou AINSA. Petite ville du royaume d’Arragon, en Espagne. Ainsa. Elle est au confluent de l’Ara & de la Cinga. Ainsa est capitale du petit pays de Sobrarbe, qui eut autrefois titre de royaume. Quelques Géographes prennent Ainsa pour l’ancienne Succosa, que d’autres placent à Sara de Surta, bourg d’Arragon sur le Véro, au-dessus de Balbastro.

☞ AIN-ZAMIT. Ville d’Afrique, à douze lieues de Tunis, & à vingt de celle de Beggie.

AJO.

AJO. s. m. Les Bouquetières de Paris appellent de ce nom une sorte de fleur jaune, qui vient en Janvier, qui dure presque jusqu’à Pâque, & qui est un Narcisse jaune & simple. Ces ajos sont fort jolis.

☞ AJOL. s. m. Poisson de mer. Voyez Rochau.

AJOMAMA. Petite ville de Macédoine, dans la Romélie. Terone. Elle est au fond du golfe auquel elle donne son nom. Le golfe d’Ajomana, Sinus Teronicus, est dans l’Archipel, sur les côtes de Macédoine, au nord de celui de Salonique, dont il n’est séparé que par la petite presqu’île nommée Capo Canistro.

AÏON. Voyez Ahion.

AJOUÏL. Aigulphus. Voyez Aou.

AJOURÉ, ÉE. adj. Terme de Blason, qui se dit des pièces qui sont percées à jour. Perforatus. On le dit d’un chef crénelé dont les crénaux sont remplis d’une autre couleur que le champ. On le dit aussi des jours d’une tour & d’une maison, quand ils sont d’un autre émail ; mais il se dit particulièrement de l’ouverture du chef, soit qu’elle soit ronde, carrée, ou en croissant, pourvû qu’elle touche le bout de l’écu.

AJOURNEMENT. s. m. Assignation, ou exploit qu’on donne à quelqu’un pour comparoître en justice à un certain jour, pour procéder judiciairement sur les conclusions prises contre lui. Vadimonii denuntiano, In jus vocatio. Les ajournemens qu’on fait en Cour souveraine, ou aux Requêtes du Palais, se font en vertu d’un mandement, ou d’une commission du Sceau ; mais les ajournemens qui se donnent devant les Juges subalternes se font par un simple exploit. Un ajournement se doit signifier à la personne, ou au domicile. Par l’Ordonnance de 1667, les ajournemens des étrangers se feront à l’hôtel du Procureur-Général du Parlement, où ressortiront les appellations du Juge devant lequel ces étrangers absens, & hors du royaume, seront assignés. Avant cette Ordonnance on les assignoit sur la frontière. Les ajournemens doivent être libellés, & contenir la demande, le nom, & le domicile du demandeur, celui du sergent, & le nom de celui à qui l’exploit a été laissé. Enfin, l’exploit d’ajournement doit être contrôlé dans trois jours après la date. Les autres formalités des ajournemens sont réglées par le second titre du Code-Louis ; c’est à dire, de l’Ordonnance de 1667. Ajournement personnel en matière criminelle, est une ordonnance, ou sentence du Juge, par laquelle il est enjoint à l’accusé de comparoître en personne. Vadimonii per se obeundi denuntiatio. On décerne seulement un ajournement personnel, quand le crime n’est point capital, & n’emporte ni peine afflictive, ni peine infamante. Cependant si l’accusé est officier, il demeure interdit des fonctions de sa charge par le seul ajournement personnel. Si celui contre lequel il y a ajournement personnel, ne comparoît point dans le temps qui lui est marqué par l’assignation, le Juge convertit le décret d’ajournement personnel, en décret de prise de corps. Autrefois il y avoit certaine forme & solennité pour ajourner un Pair de France, un Prince, un Prélat, un Seigneur, un Gentilhomme, à cause de leur révérence & autorité. Ragueau.

Ajournement à trois briefs jours. Pour entendre ce que c’est, il faut savoir qu’en vertu du premier défaut donné sur l’ajournement personnel en matière criminelle, le Juge décerne un décret de prise de corps contre l’accusé ; & à faute de le pouvoir appréhender, il ordonne qu’il sera ajourné à trois briefs jours, avec annotation & saisie de ses biens, jusqu’à ce qu’il ait obéi.

Ajournement à trois briefs jours, a lieu aussi en matière civile, quand on ajourne un absent qui n’a, ou qui n’a eu aucun domicile ; en ce cas il peut être ajourné par un seul cri public au principal marché du lieu de l’établissement du Siége où l’assignation est donnée, sans aucune perquisition ; l’exploit doit être contrôlé suivant l’art. 9 du tit. 2 de la nouvelle Ordonnance.

Ajournement, se dit en Angleterre, d’une espèce de prorogation, par laquelle on remet la séance du Parlement à un autre temps, toutes choses demeurant en état.

Ajournement, se dit figurément des avertissemens qui nous font souvenir de la mort, & des jugemens de Dieu. Malgré tant d’ajournemens subits devant le tribunal divin, dont nous sommes témoins, nous vivons avec sécurité, sur la périlleuse espérance d’un temps de préparation, qui, peut-être, ne nous sera jamais donné. Le P. Gail.

☞ On peut abandonner le mot d’ajournement aux gens de Palais. Ajournement devant le Tribunal Divin, dans le style noble, vraie capucinade.

AJOURNER. v. a. Assigner quelqu’un pour comparoître en Justice à un certain jour. Diem dare, dicere. Il a été ajourné à quinzaine, au mois, au Parlement, au Conseil. On n’ajourne point les témoins pour déposer, on ne fait que les assigner ; & en Cour ecclésiastique on dit citer.

Ménage dérive ce mot de adjurnare, comme qui diroit, diem dicere, qui se trouve en cette signification dans les Capitulaires. Il signifioit anciennement, que le jour étoit venu ; nous en avons perdu la naïveté pour la tourner en chicane. Pasq.

Ajourner à trois briefs jours, c’est crier à son de trompe, ou à cri public, qu’il y a un décret contre quelqu’un ; après qu’on a fait perquisition de sa personne, afin qu’il ait à comparoître dans les trois jours en justice : à faute de quoi on lui doit faire son procès par contumace.

Ajourner, vouloit encore dire autrefois, se faire jour. Il est employé, en cette signification, dans Perceval, le Roman d’Alexandre & Pasquier ; & dans le Roman de Pépin, Ajourner veut dire, que le jour, ou l’aurore commence.

AJOURNÉ, ÉE. part.

☞ AJOUTAGE. s. m. Ce mot signifie une chose ajoutée une autre. Adjunctio, additamentum. Cette conduite de plomb étoit encore soudée par des ajoutages de pareille matière de toise en toise, qui faisoient un bourlet à cette distance. Gaultier qui écrit adjoutage.

☞ AJOUTER. v. a. Addere, adjungere. Nicot dérive à ce mot de ad & de juxtà ou d’adjungo. C’est joindre des choses différentes, ou qui, si elles sont de la même espèce, sont jointes de façon qu’on les distingue encore l’une de l’autre, après qu’elles sont jointes. M. l’Abbé Girard a dit très-heureusement ; bien des gens ne font pas scrupule, pour augmenter leur bien, d’y ajouter celui d’autrui. On ajoute une seconde mesure à la première, & un nouveau corps de logis à l’ancien. On ajoute un passage à un livre, un mot à ce que l’on a dit, une raison à celles qu’on a déjà alléguées. En un mot on ajoute une chose à une autre : au lieu qu’on augmente la même.

On dit quelquefois, pour faire une transition à une dernière raison : Ajoutez à cela que, &c. Je n’ajoute qu’un mot ; Je finis. On dit aussi simplement, vous ajoutez ; pour dire, vous y mettez ce qui n’y est pas ; Vous dites plus qu’il y en a. Je n’ajoute rien ; c’est-à-dire, je rapporte les choses comme elles sont. Je n’ajoute rien à la vérité. Il n’y a rien à ajouter à ce que vous dites, à ce que vous faites ; pour dire, vous parlez & vous agissez parfaitement bien. Ajouter au conte, & ajouter à la lettre ; pour dire, l’amplifier par des circonstances inventées. Acad. Fr.

Ajouter créance, ajouter foi à quelqu’un ; c’est-à-dire, croire son témoignage, croire ce qu’il dit. Fidem habere, adjungere. Toutes les sentences finissent ainsi : Et afin que foi soit ajoutée aux présentes, nous y avons fait apposer notre scel.

Ajouter, est toujours actif ; augmenter est d’usage dans le sens neutre comme dans le sens actif. Notre ambition augmente avec notre fortune : nous ne sommes pas plutôt revêtus d’une dignité, que nous pensons à y en ajouter une autre.

☞ Les grands Vocabulistes, pour caractériser ce verbe, se contentent de nous dire qu’ajouter, c’est joindre une chose à une autre. Notion peu exacte. Ils auroient dû dire avec M. l’Abbé Girard, que c’est joindre des choses différentes, ou qui, si elles sont de même espèce, ne sont point confondues ensemble, & se distinguent encore l’une de l’autre après leur jonction.

AJOUTÉ, ÉE. part.

Ajoutée, s. f. en termes de Géométrie, est une ligne prolongée, & à laquelle on ajoute quelque chose. Adjuncta. Ainsi c’est un axiome, que si à des grandeurs égales, on ajoute des grandeurs inégales, l’excès de toutes sera le même, que l’excès des ajoutées. Roh. C’est un autre axiome, que si une grandeur est double d’une autre, & l’ajoutée de l’ajoutée, le tout sera double du tout. Id.

AJOUTRE. nom propre. Adjutor. Saint Adjuteur que le peuple appelle vulgairement S. Ajoutre, & en quelques endroits S. Ustre, s’étant croisé avec la noblesse Françoise, alla à la guerre-sainte contre les Sarrasins, commandant une Compagnie de 200 hommes. Baill. Ce nom s’est formé du latin, & signifie, celui qui aide, qui secourt.

☞ AJOUX. s. m. Chez les Tireurs d’or, sont deux lames de fer entre lesquelles sont retenues les filières & les précatons.

AIP.

AIPLOMAY. Nom d’homme. Apollinaris. C’est ainsi que dans le diocèse de Valence, le vulgaire appelle par corruption, S. Apollinaire Evêque de cette ville. Baill. 5 Octobre. Il ne faut point appeler ainsi les autres Saints de même nom ; l’usage n’a point corrompu leur nom de même.

AIQ.

AIQUE. Vieux s. f. Eau, rivière.

AIR.

AIR. s. m. Corps léger, fluide & transparent, qui environne le globe terrestre. Aër. Ce mot Air vient du latin aër, qui signifie la même chose, & qui s’est formé du grec ἀήρ qui est aussi la même chose ; mais sur l’origine duquel les opinions sont partagées, même parmi les Grecs. Platon en rapporte trois : la première le fait venir d’αἴρω, tollo, j’emporte, quia αἴρει τὰ ἀπὸ τῆς γῆς, il emporte, il enlève ce qui est sur la terre ; la seconde de ἀρὶ toujours & ῥέω, je coule, parce que l’air est toujours fluide ; & la troisième de ῥέω encore, mais parce que c’est sa fluidité & son mouvement qui fait le vent. Un vieux Lexique le tire de l’α privatif, & de ὁράω, je vois : Henri Étienne a trouvé cette étymologie très-fausse ; Constantin ne l’a point méprisée. Pour la confirmer il dit, ce qui est vrai, que l’air n’a point de lumière de lui-même, qu’il n’est éclairé que par les astres ; que ἀήρ se prend souvent chez les Grecs pour les ténèbres. Cela est encore certain ; on peut le voir dans Hésiode, dans Théocrite, &c. D’autres en plus grand nombre le dérivent de ἄω, flo, je souffle, & Henri Étienne d’ἄημι, qui a la même signification. Mais dans ce sentiment on ne sait d’où vient le , dernière lettre d’ἀήρ. J’aimerois mieux le faire venir de αἴρω ; ensorte qu’il signifiât une chose légère, qui s’élève au-dessus des autres, ou peut-être de l’hébreu אור lumière, parce que de tous les corps, c’est celui qui reçoit le plus la lumière, & qu’il nous la transmet. De plus, אור s’est dit des influences des nuées, de la pluie, des exhalaisons, comme les Hébreux le prétendent sur Job, XXXIII 11. 21. & XXXIV. 30. & Ps. CXXXVIII. 11. Il a bien pû se prendre aussi pour l’air, sur-tout en passant dans une autre langue. Le P. Pezron prétend, mais sans preuves, dans l’Ant. de Celt. qu’aër est un ancien mot Celtique, duquel vient le grec ἀήρ, le latin aër & le françois air. L’air se divise en basse, en moyenne, & en suprême région. La région basse, ou inférieure de l’air, est celle que nous habitons, & que l’on borne par la réflexion des rayons du soleil. Elle est tantôt froide, tantôt chaude, suivant la diversité des climats, & des saisons. La moyenne région de l’air, est l’espace d’air depuis le sommet des plus hautes montagnes, jusqu’à la basse région de l’air que nous respirons. Elle est froide & humide, à cause des vapeurs, & des exhalaisons que le soleil y élève. La région supérieure de l’air, est celle qui s’étend depuis la cime des montagnes jusqu’au terme de l’atmosphère. Elle est plus pure, plus raréfiée, & plus légère que les autres. Au-dessus est l’Ether ou la matière éthérée. L’air differe de la matière éthérée, entre autres choses, dit M. Harris, en ce que les rayons de la lune, & des astres supérieurs, souffrent une réfraction en y entrant, ce qui n’arrive pas dans la matière éthérée. Et en effet, comment feroit-elle une réfraction ; puisque les astres nagent dans cette matière ? M. Hook, dans sa Micrologie, pag. 13. semble croire que l’air n’est autre chose qu’une espèce de teinture & de dissolution des parties terrestres & aqueuses, agitées par la matière éthérée ; & il suppose que ces parties sont de la nature du sel. Les Anciens n’ont point connu la pesanteur de l’air. On la connoît par le baromètre, sa chaleur par le thermomètre, sa sécheresse par l’hygromètre.

C’est Galilée qui a le premier découvert la pesanteur de l’air, & qui l’inféra de ce que l’eau s’arrête & demeure suspendue dans les pompes à 34 ou 35 pieds. Après lui Torricelli continua de prouver la même chose par de nouvelles expériences. M. Boyle, après des expériences réitérées, a avancé que la pesanteur de l’air est à l’eau comme 1000 est à 1. M. Hallay, dans les Transactions Philosophiques, n. 181. dit, que selon plusieurs expériences la pesanteur spécifique de l’air proche de la surface de la terre, est à celle de l’eau, comme 1 à 840, comme 1 à 852, comme 2 à 960, & qu’il l’a ainsi conclu de plusieurs expériences, le mercure s’arrêtant toutes ces fois-là environ à 29 pouces ¾ ; mais parce que ces expériences ont toutes été faites en été, & que conséquemment l’air étoit raréfié, il croit que l’on peut dire, sans crainte de se tromper sensiblement, que le mercure demeure suspendu à la hauteur de 30 pouces, & que dans un temps mitoyen entre la chaleur & le froid, la pesanteur spécifique de l’air est à l’eau comme 1 à 800. Ainsi puisque le mercure est à l’eau comme 13, ½ est à 1, le mercure doit être à l’air comme 10800 est à 1 & une colonne d’air de 10800 pouces, est égale à 1 pouce de mercure. Et si l’air étoit par-tout également dense, ou également comprimé, la hauteur de l’atmosphère ne devroit pas être moindre de 5 milles & 3/10 de mille ; & si on élevoit le baromètre au-dessus de la surface de la terre, à chaque 900 pieds, le mercure devroit descendre d’un pouce ; mais parce que l’air n’est pas également comprimé par-tout, il s’ensuit que l’atmosphère a plus de 5 milles de hauteur. On a trouvé l’invention de pomper l’air pour faire du vide, par la machine de M. Boyle. M. Mariotte, dans ses Essais de Physique, dit que l’air se peut dilater plus de quatre mille fois davantage qu’il n’est auprès de la terre, avant que d’être dans sa dilatation naturelle, telle qu’il l’a au haut de l’atmosphère, où il n’est chargé d’aucun poids. Sa hauteur, suivant son calcul, ne va guère qu’à 20 lieues ; & elle n’iroit pas à 30 quand il seroit huit millions de fois plus raréfié que celui qui est près de la terre. Voyez cependant ce qu’on va dire à cet égard peu après dans ce même article sur d’autres observations. Le même Mariotte prétend que l’air est bleu, contre l’opinion de plusieurs qui le croient sans couleur. Quelques-uns soutiennent que l’air des lieux souterrains n’est pas effectivement plus froid en été, mais qu’il paroît seulement tel en comparaison du dehors, qui est beaucoup plus chaud. On infere de la pesanteur de l’air, que la terre est autant comprimée par l’air qui l’environne, que si elle étoit par tout couverte d’eau à la hauteur de 31 pieds. Borelli dit, que l’air est composé de corpuscules, ou petites lames dures, flexibles, capables de ressort, & qui faisant plusieurs tours en ligne spirale, forment la figure d’un cylindre creux. 

M. Harris croit que l’air est composé de trois différentes espèces de corpuscules. Les premiers y sont envoyés par forme d’exhalaisons, ou vapeurs de la terre, de la mer, de tous les corps des animaux, des végétaux, & des minéraux par le moyen du soleil, ou de la chaleur souterraine. La seconde espèce sont des parties encore plus subtiles, qui y sont envoyées par les corps célestes, & par les ruisseaux de la matière magnétique qui sort de la terre, & de l’eau. La troisième espèce mérite peut-être plus proprement le nom d’Air, étant les parties propres & spéciales de l’air, pris dans sa signification étroite. Ce sont des corpuscules qui ont une vertu élastique, constante & permanente ; car cette vertu, dit-il, est une propriété essentielle de l’air, qui ne convient aux autres liquides qu’autant qu’ils participent de l’air, ou qu’ils renferment des parties d’air. Il est donc probable, continue-t-il, que notre air est composé ou abonde de parties, dont la nature est de se rétablir d’elles-mêmes, autant qu’elles le peuvent, dans leur premier état, en s’étendant quand elles ont été comprimées. Suivant les expériences communes, la pesanteur de l’air, proche de la superficie de la terre, est à peu-près à l’égard de l’eau, ce que 1 est à 800 ; mais les altérations qui arrivent dans l’air, font qu’il pese ou plus ou moins, sur la surface de la terre. Quelquefois le poids de toute l’atmosphère est balancé par 28 pouces de vif-argent, & quelquefois par 30. Outre cela le froid & le chaud dilatent, ou compriment l’air, & par conséquent en changent la pesanteur. De plus, les exhalaisons des parties insensibles, qui s’échappent presque de tous les corps, & qui demeurent suspendues en l’air, en augmentent la pesanteur. Sur ce pied-là, si l’air étoit également condensé, toute l’atmosphère n’auroit guère plus de cinq lieues de hauteur. Mais comme les parties supérieures de l’air sont beaucoup plus raréfiées que les inférieures, chaque espace qui répond à un pouce de vif-argent, & qui est de 900 pieds d’air, s’augmente aussi, ensorte que la hauteur de l’atmosphère devient beaucoup plus grande. En effet, on suppute qu’à la hauteur de 41 lieues l’air est si raréfié, qu’il occupe un espace 3000 fois plus grand qu’ici. Il est probable qu’il n’y a aucune partie de l’atmosphère qui soit élevée plus de 45 lieues sur la superficie de la terre. Borelli a encore observé, que bien que l’air remplisse naturellement beaucoup de place, il peut être réduit à un petit espace ; que dans une grande condensation, telle que dans les arquebuses à vent, le lieu qu’il occupe est différent de l’ordinaire d’un à 2000 ; & ce resserrement est la cause que l’effort qu’il fait pour se remettre dans son état naturel, est si violent. M. Boyle, dans son Traité sur l’admirable raréfaction de l’air, dit que l’air peut occuper 52000 fois plus d’espace qu’il ne fait ordinairement ; il ajoute que par des expériences incontestables, il a trouvé que la même quantité d’air mise dans le récipient en l’état où le met la seule pression de l’atmosphère, & sans le secours d’aucune chaleur étrangère, pour augmenter son ressort, pourra occuper 13000 fois plus d’espace qu’il ne fait dans son état naturel. Le même M. Boyle croit que l’espace qu’occupe l’air comprimé, est toujours en proportion réciproque avec la force qui le comprime. Voyez ce qu’en infere Grégory, Astron. pag. 401. Il n’est pas aisé d’expliquer comment il faut que les particules de l’air soient formées, pour être capables d’une si grande raréfaction, & d’une si grande condensation. M. Harris croit cependant qu’on peut assez aisément concevoir cette prodigieuse compression & dilatation de l’air, si l’on suppose que chaque particule élastique de l’air est entortillée autour de son propre axe, comme le ressort d’une montre, ou comme un rouleau de ruban. Car si cela est, les parties de chaque rouleau doivent faire effort pour s’éloigner par leur propre mouvement de leur axe, & l’effort doit être plus ou moins grand, à proportion de la vîtesse de leur mouvement ; & elles se mettroient en liberté, & s’étendroient de toute leur longueur, si elles n’en étoient pas empêchées par les particules semblables qui les environnent. Mais si elles étoient une fois délivrées de ce poids extérieur qui les comprime, alors elles se développeroient d’elles-mêmes, & par leur propre ressort, & étendroient leur rouleau, ou leur cercle, à un espace immense. C’est pour cela qu’une vessie où l’on n’a laissé que très-peu d’air, s’enfle dans le récipient jusqu’à se briser.

Par la même raison, continue-t-il, il est aisé de concevoir comment la chaleur peut causer une raréfaction dans l’air. Car le mouvement rapide des parties calorifiques, doit nécessairement mettre en mouvement celles de l’air, & faire par ce moyen qu’elles s’efforcent plus de s’éloigner de l’axe de leur mouvement, & conséquemment de se dévider, de se dérouler davantage, & d’occuper un plus grand espace : & en étendant leur ressort, il faut qu’elles pressent & poussent les autres corps, & qu’elles s’en débarrassent & s’en séparent. Reyer, dans une Dissertation sur l’air, donne aussi des parties spirales & serpentines aux parties de cet élément.

Monconis, Tom. II. p. 33. parle d’un Anglois, nommé Dredel, qui savoit extraire un esprit subtil de l’air, qui répandu dans un air grossier qu’on n’eût pû respirer, faisoit tomber en bas les parties grossières, & le rendoit ainsi propre à la respiration. Il parle aussi d’un Italien, Jésuite, à ce qu’il croit, qui faisoit vivre des enfans tant qu’il vouloit sans qu’ils respirassent. ☞ Fable toute pure. C’est par l’air que nous vivons ; & l’expérience nous apprend qu’un homme périt dans le moment où le conduit par lequel nous recevons l’air, est fermé. Voyez le même Auteur, Ibid, pag. 40. où il parle plus en détail du secret de Dredel. Là même, p. 69. il est parlé d’une machine par laquelle un homme peut aller au fond de la mer, au moins à 60 brasses, & qui lui fournira l’air nécessaire pour respirer, pourvû qu’il ne s’y comprime pas trop.

De grands Physiciens ont trouvé par leurs expériences, que l’air ne pouvoit être condensé, que huit cens fois plus qu’il ne l’est sur la surface de la terre. Mais outre qu’il est permis de douter de l’exactitude de ces expériences, qui ont dû être très-difficiles, il se peut que tout notre art soit incapable de pousser l’air à une grande condensation.

Sur la condensation de l’air, & jusqu’où elle peut aller. Voyez M. Amoutons, Acad. des Sc. 1703. Hist. p. 6 & suiv. Mém. p. 101 & suiv.

☞ L’air que nous respirons, est un corps fluide, grave & élastique, répandu jusqu’à une certaine hauteur autour de la terre, & dont nous ignorons la figure, quelques conjectures que les Physiciens aient voulu faire là-dessus. La fluidité de l’air est démontrée par la facilité avec laquelle nous divisons ses parties ; sa gravité par le baromètre que l’on place dans le récipient de la machine pneumatique, & dont on voit descendre le mercure, à mesure que l’on pompe l’air contenu dans le récipient : enfin son élasticité par les effets merveilleux du fusil à vent. Ces trois qualités que l’on reconnoît généralement dans l’air que nous respirons, servent à expliquer les expériences les plus curieuses. Voy. les articles relatifs, fluidité, gravité, ressort, &c.

L’air contribue beaucoup à nous faire paroître le ciel étoilé. Car si la terre n’avoit autour d’elle aucune atmosphère, il n’y auroit de clarté que dans la seule partie du ciel qu’occupe le soleil ; & l’observateur, tournant les yeux au-delà & de tous les côtés, n’appercevroit uniquement dans le ciel qu’un fond obscur & comme plongé dans les ténèbres. En plein jour les moindres étoiles brilleroient, & cela assez près du soleil ; puisqu’il n’y auroit rien qui pût les effacer ; cette vive lumière du soleil n’étant réfléchie vers nos yeux par aucun corps que ce fût. Institut. Astronom. pag. 399.

Air, se dit par rapport aux qualités de l’air, par rapport à sa température, à sa constitution, selon qu’il est froid ou chaud, sec ou humide, sain ou mal sain. On dit bon air, mauvais air. Air grossier, subtil, pur, corrompu, infecté.

On dit, prendre l’air ; pour dire, se promener, changer d’air, aller en un lieu éloigné, ou bien découvert. On dit, donner de l’air à un tonneau, en ôter le bondon, de peur que le vin ne jette ses fonds. Prendre l’air du feu, pour dire, se chauffer en passant. On dit encore, qu’un homme a pris du mauvais air, quand il a été en un lieu où il a pris la peste. On dit que nous vivons d’air autant que de ce que nous mangeons. Non-seulement il entre dans nos corps avec les alimens, & par la respiration, mais encore il s’y insinue par les pores, & par la même voie par laquelle se fait la transpiration.

Lorsque l’air est corrompu, on le purifie en brûlant du romarin, du genièvre, du cyprès, du laurier, du sarment de vigne, du bois d’aloès, du santal, ou des gommes aromatiques ; comme de l’encens, du storax, du calamus, du benjoin, & autres semblables. Voyez les Règlemens pour la salubrité de l’air dans le Traité de la Police de M. de la Marre, Liv. IV. Tit. II ch. i & suiv.

☞ Dans un sens moral, on dit figurément que l’air du monde est contagieux ; pour dire, que la fréquentation du monde est pernicieuse, préjudiciable à l’innocence. L’air du monde est infecté, & fait presque toujours des impressions malignes sur les personnes d’une profession retirée, aussi-tôt qu’elles le respirent. Ab. de la Tr. Le seul air du monde est si dangereux, que les ames les plus innocentes & les plus vigoureuses ont peine à se défendre de ses impressions. Id.

☞ En l’air. Façon de parler employée au propre & au figuré. Au propre, on dit d’un homme toujours prêt à sauter, à danser, qu’il a toujours le pied en l’air. Et en parlant d’une chose qui ne paroît presque soutenue de rien, on dit qu’elle est toute en l’air. Cet escalier, ce cabinet, ce bâtiment paroît tout en l’air, est tout en l’air.

☞ Au figuré, pour marquer que la fortune d’un homme n’a point de fondement solide, on dit qu’elle est toute en l’air.

☞ Cette façon de parler est encore employée dans le sens figuré, pour désigner des choses qui sont sans fondement, sans effet, qui n’ont aucune vérité, aucune réalité. On dit des choses en l’air. On forme des desseins en l’air. On fait des menaces en l’air, des contes en l’air.

Faudra-t-il de sang froid, & sans être amoureux
Pour quelque Iris en l’air feindre le langoureux ?

Boil.

On dit en termes de guerre, la droite de notre brigade étoit en l’air. La gauche de notre bataillon étoit en l’air. On tira le bataillon que nous avions à notre gauche, & on le porta au centre, qui plioit, pour le soutenir ; par-là notre gauche demeura en l’air. J’ai trouvé cette expression dans une pièce manuscrite d’un Officier général, très-bien écrite. Elle signifie, qu’il y a dans une ligne d’armée un grand vide par où les ennemis pourroient entrer, & qui fait que la droite ou la gauche d’un bataillon, ou d’une brigade, est trop éloignée du corps, ou du bataillon le plus voisin ; qu’elle n’est point appuyée & soutenue de ce bataillon, qui n’est pas dans la distance requise. C’est ce qui s’appelle être en l’air.

En termes de Jardinage, un arbre en plein air, c’est un arbre qui a une tige de six pieds, parce qu’il jouit pleinement de l’air, sans qu’aucun mur l’en puisse empêcher. Liger.

Air, se dit pour vue. Prospectus, aspectus. Voilà une maison en bel air, c’est-à-dire, en belle vue ; qui est bien exposée de tous côtés, qui n’est point couverte, qui a des vues libres de toutes parts. Quæ campos longè, latèque prospicit, circumquaque prospicit.

En termes de Poësie on dit, les plaines de l’air, les campagnes de l’air. Aura, cœlum. Ganymède fut enlevé dans les airs. Junon est la Déesse de l’air. Quoique les Poëtes disent, voler dans les airs, régulièrement l’air n’a point de pluriel en prose. Ménag.

Air, ou Aire de vent, terme de Marine, signifie, un des 32 vents que l’on marque sur la boussole. Ventus venti regio, Trames. On dit aire, & non pas air. Voyez ce mot.

Air, signifie aussi, souffle, vent, haleine. Spiritus, Halitus, Aura. Le vent est défini par les Philosophes, un air agité. Il fait un air vif & piquant.

☞ En parlant d’une affaire qui est sur le bureau devant les Juges, & généralement de toutes les affaires qui sont à la décision des hommes, on dit que l’air du bureau est favorable à quelqu’un, pour marquer que ce qui paroît du sentiment des Juges, fait croire qu’il gagnera son procès. On dit au contraire que l’air du bureau n’est pas pour lui ; pour dire, que les avis paroissent être contre lui.

Air, signifie aussi la façon d’être, de se tenir, de marcher, de parler, d’agir, & généralement tout ce qui concerne le maintien, la contenance, la mine, le port & toutes les façons de faire. Oris corporisque habitus. On dit en ce sens, marcher, parler, se tenir, s’habiller, se mettre de bon air, de mauvais air, d’un air ridicule. Avoir l’air noble, grand, spirituel, l’air guerrier, d’un homme de Cour. L’air Bourgeois, Provincial. L’air triste, sérieux, refrogné. L’air hautain, méprisant. Il faut à celui qui regne un air d’empire & d’autorité. La Bruy. D’où vous vient aujourd’hui cet air sombre & sévère ? Boil.

Air, manières, dans une signification synonyme. L’air, dit M. L’Abbé Girard, semble être né avec nous, il frappe à la première vue. Les manières viennent de l’éducation ; elles se développent successivement dans le commerce de la vie. Il y a un bon air à toutes choses qui est nécessaire pour plaire. Ce sont les belles manières qui distinguent l’honnête-homme.

l’Air, dit quelque chose de plus fin ; il prévient. Les manières disent quelque chose de plus solide ; elles engagent. Tel qui déplaît d’abord par son air, plaît ensuite par ses manières.

☞ On se donne un air. On affecte des manières. Les airs de grandeur que nous nous donnons, ne servent qu’à faire remarquer notre petitesse, dont on ne s’appercevroit peut-être pas sans cela. Les mêmes manières qui siéent quand elles sont naturelles, rendent ridicules quand elles sont affectées.

☞ On dit composer son air, étudier ses manières. Pour être bon courtisan, il faut savoir composer son air selon les différentes occurrences, & si bien étudier ses manières, qu’elles ne découvrent rien des véritables sentimens.

Air dans la signification d’apparence. On dit un air de grandeur, de noblesse, de simplicité. Il y a dans cette maison un air de magnificence qui étonne tout le monde.

☞ On dit, qu’un homme a bien l’air de faire une chose, ou de ne pas la faire ; pour dire, qu’on juge qu’il la fera ou qu’il ne la fera pas. Acad. Fr.

☞ Avoir l’air à la danse, pour dire, avoir de la disposition pour donner bonne grâce. On le dit aussi figurément & familièrement, pour avoir l’air vif, éveillé, de la disposition à réussir à ce qu’on fait. Acad. Fr.

☞ On dit d’un homme, qu’il se donne des airs ; pour dire qu’il affecte des manières qui le rendent ridicule. Efferre arroganter, superbè.

☞ On dit aussi se donner des airs importans, des airs d’un homme à bonne fortune. Mais il y a de bons Ecrivains qui condamnent toutes ces façons de parler si ordinaires. Ils veulent qu’on dise simplement affecter des manières ridicules ; faire l’homme important ; faire l’homme à bonne fortune ; & c’est le plus sur.

☞ Borel dit que le mot air autrefois signifioit aussi colère, & il cite ce vers du Roman de Perceval.

Si fiert & fiert par grand air.

Et ailleurs,

Si va le Chevalier férir
Sur son escu de grand air.

Air, se dit aussi de tout ce que l’on donne aux choses, de la manière dont on les tourne, du caractère qui les distingue. Ratio dicendi, loquendi, scribendi. Ce second écrit est d’un air tout différent du premier. Il y a des gens qui gâtent les choses par le mauvais air qu’ils leur donnent. Les Fables de Phédre ont un air de simplicité, qui cache un sens fort juste & fort noble. M. Scud.

Air, signifie encore une certaine vraisemblance qui résulte de toute la personne, & particulièrement des traits du visage. Oris habitus, forma. On dit que deux hommes ont bien l’air l’un de l’autre ; qu’un enfant à beaucoup de l’air de son pere. Ore, vultu refert patrum. On voit les traits de son visage dans ce portrait, mais l’air n’y est pas. Il y a des peintres qui, quelque habiles qu’ils soient, ont bien de la peine à attraper cet air qui distingue un visage d’un autre. Bouh.

☞ En Peinture, en Sculpture, on dit un air de tête, des airs de tête ; pour désigner, l’attitude, la manière dont une tête est dessinée. De grands, de beau, de vilains airs de tête. Ce Peintre a de beaux airs de tête. Exceller dans les airs de tête, varier ses airs de tête.

☞ On dit encore l’air d’un tableau, pour exprimer, que la couleur de tous les corps est diminuée selon les divers degrés d’éloignement. Cette diminution s’appelle la Perspective Aerienne. Il y a de l’air dans ce tableau.

Air, en terme de Musique. C’est proprement le chant qu’on adapte aux paroles d’une chanson, ou d’une petite pièce de Poësie, propre à être chantée ; & par extension on appelle air la chanson même. Cantilena, canticum. En général, on appelle air tout morceau de Musique, soit vocale, soit instrumentale, qui a son commencement & sa fin. Si le sujet est divisé entre deux parties, l’air s’appelle duo ; entre trois, trio. ☞ Rousseau de Genève. Faire un air sur des paroles, des paroles sur un air. Air de violon, air gai, triste. Air à boire.

Air. Terme de Manége, signifie proprement les allures d’un cheval. On dit qu’un cheval a tous les airs, pour dire, qu’on le manie comme on veut : mais on entend ordinairement par-là le mouvement des jambes d’un cheval avec une cadence & une liberté naturelle qui le fait manier avec adresse. Scitus equi motus, incessus. On dit qu’un cheval prend l’air des courbettes, qu’il se présente bien à l’air des cabrioles ; pour dire, qu’il a de la disposition à ces sortes d’airs. Les courbettes & les airs mettent parfaitement bien un cheval dans la main, le rendent léger du devant, le mettent sur les hanches. Ces airs le font arrêter sur les hanches, le font aller par sauts, & l’assurent dans la main. Newc.

On dit, qu’un cheval a les airs relevés ; pour dire, qu’il s’éleve plus haut qu’au terre-à-terre, & qu’il manie à courbette, à croupades, à ballotades, à cabrioles.

Air, terme de Liturgie. On appelle air dans l’Eglise grecque, le voile qui couvre le calice, & le disque, ou la patène. On appelle ce voile air, dit S. Germain de Constantinople, parce qu’il couvre ce qui est offert sur l’autel, comme l’air entoure la terre de tous côtés.

Air, est aussi une partie du sciade, qui étoit un ornement de tête des Empereurs Grecs. L’air est la partie du sciade qui avance en pointe par devant.

Air, en Mythologie. Les Grecs adoroient l’air, tantôt sous le nom de Jupiter, tantôt sous celui de Junon. Jupiter présidoit à la partie supérieure, & Junon à la partie inférieure de l’atmosphère.

AIRAIN. s. m. Cuivre, métal rouge, qu’on mêle quelquefois avec de la calamine pour le rendre jaune, & dont on fait du bronze, de la fonte, du laiton, &c. Il sert à faire des ustensiles de ménage, des cloches, des canons, &c. Æs. Le vitriol se trouve dans les mines d’airain.

Comme l’airain a été en usage avant le fer, les armes dans les premiers temps étoient d’airain, auquel, comme Tzetzès l’a remarqué, on donnoit une certaine trempe qui le rendoit fort tranchant. Hésiode, au Liv. I des Œuvres, dit clairement, que les armes & les outils étoient alors faits d’airain ; parce que le fer n’étoit point encore en usage.

On confond souvent le cuivre avec l’airain, il faut cependant les distinguer. En Poësie le mot d’airain est plus noble que celui de cuivre. Il y a beaucoup de mines de l’un & de l’autre métal en Suède. Elles appartiennent toutes de droit au Roi par un usage immémorial. Il est permis de les ouvrir par-tout où on les trouve. La noblesse a de grands priviléges par rapport au travail des mines. Ceux qui les cherchent & qui les trouvent, en ont de même, aussi-bien que les ouvriers qui n’ont d’autre métier que celui de travailler aux mines, & ceux qui travaillent aux instrumens & aux machines nécessaires à ces ouvriers. Les mines de Sahlberg, celle qu’on appelle de la montagne de Cuivre, Cuprimontima, & celle de Galpenberg, sont les plus fameuses de Suède, & celles qui ont le plus de priviléges. La dernière se trouve aujourd’hui beaucoup plus abondante qu’elle n’étoit autrefois. 

Airain de Corinthe. C’étoit un mélange de métaux fort estimé chez les Anciens, fait, selon quelques-uns, de quatre parties d’or, & d’argent. Æs Corinthium.

☞ En parlant des quatre âges du monde, dont la fable fait mention, on appelle siècle d’airain, ou âge d’airain, celui qu’on a placé entre le siècle d’argent & le siècle de fer. Sæculum æreum. Ætas ahenea.

☞ Au figuré, on dit un siècle d’airain, pour désigner des temps durs, malheureux.

☞ On dit aussi un ciel d’airain, pour désigner un temps aride, où il ne tombe ni pluie, ni rosée.

☞ On dit d’un homme, qu’il a un front d’airain, pour marquer une extrême impudence ; & qu’il a un cœur d’airain, des entrailles d’airain ; pour dire, qu’il est dur, insensible à la pitié.

☞ On dit figurément, que les injures s’écrivent sur l’airain, & les bienfaits sur le sable, pour faire entendre qu’on oublie aisément le bien, & qu’on se souvient long-temps du mal. 

☞ AIRAINES. Bourg de France, en Picardie, à six lieues d’Amiens & d’Abbeville, sur une petite rivière qui se jette dans la somme.

AIRE. s. f. Toute superficie plane sur laquelle on marche. Area. Il se dit plus particulièrement d’une place bien battue & préparée pour battre les grains, soit à la campagne, soit dans une grange. En plusieurs lieux on bat les blés en pleine campagne : d’où vient que les Italiens appellent solaio, & les Espagnols solar, ce que nous appelons aire, quasi sub sole. Il vaut mieux faire venir ce mot du latin area, qui signifie la même chose, & qui vient du verbe areo. Il est nécessaire que les aires soient seches pour y pouvoir travailler. 

☞ Il est souvent parlé d’aires dans l’Ecriture, L’aire d’Arenna, l’aire d’Athad, &c. C’étoient des lieux à la campagne, exposés à l’air, dans lesquels on battoit le grain ou par le moyen des animaux, ou avec des bâtons, ou sous les pieds des chevaux & des bœufs, qu’on faisoit courir en rond sur des gerbes dressées les unes auprès des autres, l’épi en haut. Pour faire ces aires, on mêloit de la lie d’huile avec de la terre grasse, & quand cette terre en étoit bien imbibée, on la battoit & on l’aplanissoit. Lorsqu’elle étoit seche, ni les rats ni les fourmis ne pouvoient la pénétrer, l’herbe n’y croissoit jamais, & l’eau ne faisoit que couler dessus. Quand le blé étoit battu, & mêlé avec la paille brisée & broyée, on attendoit le vent pour le vanner. On jetoit le tout avec des pelles en l’air, le grain retomboit dans l’aire, & la paille étoit emportée par le vent. Il y a encore des Provinces en France, où l’on pratique cet usage pour la manière de battre & de vanner le blé. 

Aire, en parlant d’un bâtiment, se dit de la capacité de son plancher, ou plutôt de l’espace compris entre les murs du bâtiment. Il faut tant de milliers de carreaux pour couvrir l’aire de cette chambre. On fait des aires de plâtre, ou de planches. 

On appelle aire de moilon, une petite fondation au rez-de-chaussée, sur laquelle on pose le carreau, ou les dales de pierre. Corium, testa. On appelle encore aire de chaux, & de ciment, un massif d’une certaine épaisseur qu’on fait sur les voûtes à l’air pour les conserver. 

Aire de recoupes, en termes de Jardinage, est une épaisseur d’environ 8 à 9 pouces de recoupes de pierres, pour affermir les allées des jardins. 

☞ L’Ordonnance des Eaux & Forêts veut que les bois soient coupés à tire & à aire, c’est-à-dire, qu’ils ne soient point choisis çà & là, mais coupés entre les lisières marquées, & qu’il s’y fasse un champ, ou une aire dans laquelle on ne laisse que les arbres de réserve.

☞ En Géométrie, on entend par l’aire d’une figure, l’espace renfermé entre les côtés qui la terminent. Superficies. L’aire d’un carré, d’un triangle, d’un cercle. On connoît l’aire d’un carré parfait en multipliant un de ses côtés par lui-même. Si un des côtés contient 10, son aire en contiendra 100. 

☞ On connoît l’aire d’un carré long, en multipliant sa longueur par sa hauteur. 

☞ On connoît l’aire d’un triangle en multipliant sa base par la moitié de sa hauteur. La hauteur d’un triangle se mesure par la ligne perpendiculaire tirée du sommet du triangle sur la base.

☞ On connoît enfin l’aire d’un cercle en multipliant sa circonférence par le quart de son diamètre. On sait que la circonférence d’un cercle est sensiblement triple de son diamètre. Ainsi connoissant le diamètre d’un cercle, il est très-aisé de connoître sensiblement la circonférence. 

Aire, en termes d’Astrologie, signifie le cercle, ou la couronne de lumière, qui paroît autour du soleil & des autres astres. Corona, area

Aire, en termes de Vannier ; c’est un endroit plein dans un ouvrage de faisserie, qui commence à la torche, & monte jusqu’à une certaine distance ; ce qui se fait en tournant un brin d’osier autour de chaque pé. 

En termes de Fauconnerie, aire signifie le nid, ou le rocher, ou le précipice que les faucons choisissent pour faire leurs petits fauconneaux. Nidus. De-là on dit, un faucon de bonne aire. C’est ordinairement sur un terrain plat & découvert. 

Aire, se dit aussi du nid des autours, quoiqu’ils airent sur des arbres, quasi aëreus, aut in arbore & nubibus situs

Aire de vent. Terme de Marine. C’est un des trente-deux vents, ou plutôt l’espace marqué dans la boussole pour un des trente-deux vents. Venti regio, trames. On l’appelle aussi rumb, parce que les figures qui marquent les vents sur la boussole, sont faites en losange. Au reste il faut dire aire, & non pas air

Aire, se dit aussi de la route que fait le vaisseau en suivant un de ces trente-deux points de vent qui divisent la circonférence de l’horizon. Navis trames, via.

☞ Avoir de l’aire, pour dire, avoir de la vîtesse. Prendre aire, entrer en mouvement, acquérir de la vîtesse. Amortir l’aire, faire perdre au vaisseau sa vîtesse. 

Aire. Terme de Médecine, qui ne se dit point qu’il ne soit précédé du mot petite. La petite aire du teton ; c’est le petit rond noirâtre qui est autour du mamelon. 

Aire. Aturum, Auturium, Atarensium, ou Atyrensium civitas, Vico-julium, Martianum. Ville épiscopale de Gascogne, sur l’Adour. La ville d’Aire est fort ancienne. Elle étoit autrefois le séjour des Rois Visigoths ; & l’on voit encore près de l’Adour les restes du palais d’Alaric. Voyez Du Chêne, Antiquités des villes de France, Atlas, Audifret, Maty, Corneille. 

Aire, en Flamand, Arien, Aria, Æria, Heria. Ville de l’Artois, sur la rivière de Lis. La ville d’Aire fut prise en 1641 par le Maréchal de la Meilleraye, après un des plus rudes siéges qu’on eut vû depuis long-temps ; & en 1676 par le Maréchal d’Humières après cinq jours de tranchée ouverte. Cette ville est, selon le P. de Rebéque, Jésuite, à 50°, 38’, 10″, de latitude septentrionale. Notre-Dame d’Aire est à 19°, 55′, 2″, de longitude, & 50°, 38′, 21″ de latitude.

AIRÉE. s. f. Terme usité à la campagne, pour signifier la quantité de gerbes qu’on met à la fois dans l’aire, ou le nombre des gens qu’on y emploie. C’est de-là, à ce qu’on prétend, qu’en Anjou, dans le Poitou, & dans le diocèse de Nantes, la plûpart des noms des maisons de campagne finissent en iere. Dict. des Arts, 1731.

AIRELLE, ou Cousine. s. f. Mirtille. s. m. Vitis, Idea, Myrtillus ; & suivant quelques Auteurs, Vaccinia, nigra, dont parle Virgile, Eclog. II. v. 18. sont les fruits de l’airelle. Ce petit arbrisseau s’éleve tout au plus à la hauteur de deux pieds, & donne plusieurs branches dès sa racine. Ses feuilles sont d’un vert obscur ; les plus grandes ont un pouce de long sur un demi pouce de large ; elles sont crénelées légérement à leurs bords, & tombent à l’entrée de l’hiver. Ses fleurs naissent le long des tiges entre leurs feuilles, & sont d’une seule pièce, en grelot, & d’un rouge de brique. Son fruit est une baie molle, de la grosseur & figure du grain de genièvre, mais un peu aplatie à son extrémité, pleine de jus ; & elle renferme plusieurs semences menues. Cette baie est verte dans son commencement : elle devient rougeâtre ensuite, & enfin noirâtre, couverte cependant d’un duvet ou fleu grisâtre, lorsqu’elle est bien mûre ; son suc est d’un rouge violet, & a un goût aigrelet assez agréable. On se sert de ses baies pour les dévoiemens, les cours de ventre, & pour appaiser les vomissemens. Les semences renfermées dans la baie, sont encore plus astringentes que le suc.

AIRER. v. n. ne se dit qu’en parlant des faucons & autours, qui airent, ou font leurs nids sur des rochers ou des arbres. Nidificare. Les faucons, les autours airent dans cet endroit.

☞ AIRES. s. f. Nom que l’on donne dans les marais salans aux plus petits des bassins carrés, dans lesquels le fonds de ces marais est distribué.

☞ AËRIENNE. Montagne de Normandie, à une lieue de Falaise, où l’on prend des oiseaux de proie & passagers, faucons, sacles, tiercelets, éperviers & autres oiseaux de fauconnerie. Corn. Dict.

AIRIER, mieux que AËRIER. v. a. Mettre en grand air, chasser l’air infecté d’une maison. Infectum aerem purgare. Il faut étendre ces habits dans la cour pour les airier. Il faut brûler des bois odorans dans les chambres pour les airier

Airier & Aërier, ne valent pas mieux l’un que l’autre. On dit aérer, donner de l’air, chasser le mauvais air, mettre en bel air.

AIRIÉ, ÉE. part. 

☞  AIROMÉTRIE. Voyez Aërométrie.

☞ AIRON. Rivière de France, dans le Nivernois qui va se décharger dans la Loire par les fossés de la ville de Décise, après avoir reçu l’Arrou, la Quenne, l’Alaine & plusieurs autres rivières. 

☞ AIRONO. Ville d’Italie, dans le Milanez, sur les frontières du Bergamasque. 

☞ AIROU. Petite rivière de France, en Normandie, dans le Cotantin. Accrue de plusieurs ruisseaux & de quelques rivières, elle se jete dans la Sienne, proche le manoir de Ver.

AIRVAUX. Abbaye de France, dans le Poitou, à dix lieues de Poiriers. Aurea vallis.

AIRY. s. m. & nom d’homme. Agericus, ou Agiricus. Saint Airy, que d’autres nomment encore S. Agery, naquit vers l’an 517 dans le diocèse de Verdun. Saint Airy avoit acquis beaucoup d’estime & de crédit sur l’esprit du Roi Childebert, tant à cause de sa vertu, que parce qu’il étoit son parrain. Baill

Airy. Village de l’Auxerrois, dans le duché de Bourgogne. Airiacum. Il est près de Clamecy. Le Concile d’Airy s’y tint sous Benoît VIII. 

AIS.

AIS. s. m. Pièce de bois de sciage, longue, & peu épaisse. Axis, Assis. Ais de sapin. On fait des planchers, des cloisons avec des ais. On dit aussi, des ais ou feuilles de carton. Les Vitriers se servent d’un ais feuillé pour couler l’étain pour souder. On appelle ais de bateau, des planches de chêne ou de sapin, qu’on tire des bateaux déchirés, & qui servent à faire des cloisons légères. 

Ais. Terme de Relieur. Petite planche planée, rabottée & unie, avec de la peau de chien marin, de laquelle un Relieur se sert pour fouetter ses livres. On passe sur cet ais la ficelle ou fouet, dont on fouette les livres, après qu’ils ont été couverts, pour en bien former la nervure. Un ais in-douze, un ais in-octavo, un ais in-quarto, un ais in-folio

Ais à rogner. Autre terme de Relieur. Ces ais sont étroits & longs, ensorte qu’ils excèdent de quelques pouces la longueur du livre ou du papier qu’on veut rogner : l’un, qui s’appelle ais de devant, regle la rognure de la tranche, c’est le plus étroit : l’autre qu’on nomme ais de derrière, & qui est plus large, soutient la tranche que l’on rogne. 

Ais à presser. Autre terme de Relieur. Ces ais sont aussi longs que les livres reliés, mais moins larges. De tous les ais de Relieurs, ce sont les plus forts, afin qu’ils puissent mieux soutenir l’effort de la grande presse. 

Ais. Terme de Boucherie. Les Marchands Etaliers-Bouchers appellent ainsi un établi ou forte table, de plusieurs pouces d’épaisseur, & de sept à huit pieds de long, qui occupe tout le devant de leur boutique. C’est sur cet ais qu’ils coupent & dépécent leur viande pour le détail. 

Ais. Outil de Fondeur en sable. C’est une planche de bois de chêne d’environ un pouce d’épaisseur, qui sert pour poser les châssis dans lesquels ils font le moule. 

Ais-sy. s. m. qu’on nomme plus ordinairement Aisseau. Voyez ce mot.

Ais à desserrer. Terme d’Imprimerie. Ces ais ont ordinairement, ou deux pieds de long sur un de large, ou un pied & demi de long sur un bon pied de large, selon l’étendue des formes auxquelles ils sont destinés. Ces ais doivent être fort unis. Ils sont toujours par paire & de même hauteur. Ils servent aux Compositeurs pour desserrer & rincer leurs caractères. 

Ais à ramette, ou à tremper. Autre terme d’Imprimerie. Ces ais ont communément deux pieds & quelques pouces de long sur un pied & demi de large, & servent soit aux Compositeurs pour desserrer les placards & les ouvrages à longues lignes ; soit aux Imprimeurs de la presse, pour couvrir leur papier lorsqu’ils le trempent, & pour le charger après qu’ils l’ont trempé. 

Un coup d’ais : c’est en terme de Jeu de paume, un coup que la balle donne dans un ais, qui est du côté du service. 

Le mot ais s’est formé du latin axis, d’où s’est fait aussi assis, & de-là asser, selon Bollandus, Tom. II, pag. 243. On trouve aussi, assis, assidis, assides.

AISANCE. s. f. Ce mot se dit des personnes, pour signifier la facilité qu’elles ont à faire les choses ; liberté d’esprit & de corps dans l’action, dans les manières, dans le commerce de la vie. Facilitas. Vous avez dans vos vers une aisance qu’on ne peut assez admirer. Balz. Il fait tout avec aisance. Il se démêle avec aisance des choses les plus difficiles. 

Aisance. Commodité. Commoditas, Opportunitas. Il a acheté cette maison avec toutes ses aisances. En ce sens il ne se dit qu’en pratique. On dit aussi, qu’il faut donner de l’aisance à quelque chose ; pour dire, lui donner du jeu, de la place pour se mouvoir plus facilement. 

Aisance. Commodités de la vie. On dit dans le discours familier, qu’un homme est dans l’aisance, qu’il vit avec aisance, pour dire, qu’il est riche, qu’il a ce qu’il lui faut. 

Aisance. Terme d’Architecture. Lieu commun, commodité. Latrina, Forica. Les Ordonnances de Police se servent de ce mot, & appellent ces lieux des fosses d’aisance. Les aisances d’une maison, lieu pratiqué pour y faire ses nécessités.

AISCEAU. s. m. Instrument recourbé, avec lequel on polit le bois. Ascia. Les Tonneliers s’en servent pour ébaucher des pièces de bois creuses, & courbes. Borel donne encore une autre signification à aisceau, ou à aiscette ; & il dit que ces mots veulent dire bêche. Ligo, Marra.

AISE. f. Le genre de ce mot est assez incertain, parce qu’on ne le joint à aucune épithète, & que le plus souvent il s’emploie adverbialement. Cependant la plus grande autorité que nous ayons en cette matière, s’est déterminée à le faire féminin. Il signifie, joie, contentement, plaisir, émotion douce & agréable causée par la présence, par la possession d’un bien. Lætitia, Voluptas, Gaudium. Je suis ravi d’aise. Je ne me sens pas d’aise. Cyrus ne se laisse point transporter à l’aise de la victoire. Ablanc. La guerre trouble l’aise de nos jours. Main.

☞ Le mot d’aise désigne souvent les commodités de la vie, un état commode & agréable. commodum, opportunitas. Cet homme est fort à son aise. Il étoit trop à son aise dans cet emploi, il n’a pu s’y tenir. On ne travaille que pour se mettre à son aise. On le dit aussi fort souvent au pluriel. Prendre ses aises, chercher ses aises, aimer ses aises, avoir toutes ses aises pour dire, les commodités de la vie. J’ai oüi dire à un homme sage, que le plus grand défaut des gens qui sont accoutumés à avoir toutes leurs aises, c’est de s’imaginer qu’ils ne sauroient rien entreprendre de pénible, sans intéresser leur santé. Vigneul-Marville. On dit communément, guérir quelqu’un de trop d’aise ; ce qui signifie, le tirer d’une heureuse condition dans laquelle il a été assez imprudent pour se déplaire, & le jeter de son plein gré dans un état où il ne doit trouver que de la misère. Le Duc de Mayenne emploie ce proverbe dans sa harangue, pour désigner l’état où il avoit réduit la ville d’Orléans. M. Le Duchat, sur la Sat. Mén. tom. 2 p.114, 115.

☞ Dire qu’un homme est à son aise, c’est dire qu’il ne manque de rien, qu’il a tout ce qu’il faut dans son état pour jouir des commodités de la vie. ☞ Les nouveaux Vocabulistes prétendent que cela se dit généralement d’un homme opulent ou dans l’abondance. Notion fausse. Le mot d’aise n’emporte point l’idée d’abondance ou d’opulence, ou ce ne peut être qu’une abondance relative à la condition de la personne. 

Aise, signifie aussi, loisir, commodité de temps. Otium. Vous ferez cela à votre aise, c’est-à-dire, sans vous presser, à votre loisir, à votre commodité. Je m’acquitterai de cette commission tout à mon aise, quand j’en aurai le temps. Ce mot vient de l’italien agio, formé du latin otium. Ménage. Guichard le tire de l’hébreu שש, qui vient de שמח gaudere ; mais sans apparence. Chorier, dans l’Histoire de Dauphiné, T. I, Liv. II, p. 100, dit qu’en Dauphiné on dit Aisia ;aisia de son corps, qui signifie fort & souple d’ἄιζηος qui signifie fort & vigoureux, & que ce même mot a encore un autre sens, & signifie Aisé & accommodé, & qu’il vient alors d’ἄιζιος, heureux

A l’aise. adv. Facilement, commodément. Facilè, commodè. Vous pouvez à l’aise faire 20 lieues par jour sur ce cheval. On est assis à l’aise dans ce fauteuil. Je suis entré à cette cérémonie tout à l’aise, sans être pressé. Nous pouvons rire à l’aise, & prendre du bon temps. Boil

Avant lui Juvénal avoit dit en latin,
Qu’on est assis à l’aise aux sermons de Cotin. Boil.

 

On dit aussi, Paix & aise ; pour dire, paisiblement, doucement. Il vit chez lui Paix & aise. Expression familière. 

On dit proverbialement à un homme qui a bien dîné, & qui recommande de jeûner, vous en parlez bien à votre aise.

AISE. s. f. Est aussi le nom d’une petite rivière de Normandie, qui se joint à celle de Coisnon, au-dessous d’Autrin.

AISE. adj. Qui est content, qui a de la joie, du plaisir, de la satisfaction. Lætus, Contentus. On met ordinairement quelque particule devant ce mot pour en augmenter la signification. Je suis bien aise, je suis fort aise, je suis très-aise, je suis infiniment aise. Le mot d’aise en ce sens se construit en deux manières, ou avec un infinitif précédé de la particule de : j’eusse été bien-aise de voir ce que l’on eût repondu. Voit. Je suis bien-aise de vous avoir vû : ou avec le subjonctif précédé de la particule que : Je suis très-aise que ceci soit achevé : vous ne serez pas bien-aise que je vous dise la vérité. Vaug. Mais lorsque ce mot Aise est suivi d’un nom, on met ce nom au génitif : n’êtes-vous pas bien-aise de ce mariage ? Mol

AISÉ, ÉE. adj. Facile, commode. Commodus, fæcilis. le maniement des finances donne des moyens aisés de s’enrichir. La litière est une voiture fort aisée ; pour dire, commode. Cela est aisé à dire, à faire, à apprendre. Une lettre aisée à lire. 

On dit d’un escalier, qu’il est aisé lorsqu’il est large, & que les marches sont basses. Qu’un esprit est aisé, lorsqu’il conçoit facilement, qu’il s’explique bien. Que les manières d’un homme sont aisées, pour dire, qu’elles n’ont rien de contraint, rien de gênant. Un style aisé, qui est clair, coulant & sans embarras : des vers aisés, qui paroissent couler de source, qui ne sentent point le travail. Voiture nous a appris cette manière d’écrire aisée & délicate qui règne présentement. Bouh

J’aime un esprit aisé, qui se montre,& qui s’ouvre, 
Et qui plaît d’autant plus, que plus il se découvre.

Boil.

☞ On dit une dévotion aisée, pour dire, commode. On entend souvent par-là une dévotion relâchée. Quelquefois aussi on le dit par opposition à dévotion chagrine, austère. Le P. le Moine a fait un livre de la Dévotion aisée, commode, qui n’a rien de gênant. Dans les arts, on dit un pinceau, un ciseau, un burin aisé, pour désigner des ouvrages qui semblent n’avoir pas coûté de peine à l’artiste. 

Une taille aisée, libre & dégagée : des airs aisés, naturels, qui n’ont rien de contraint.

Aisé, signifie aussi qui est riche dans un état médiocre. Un bourgeois aisé. Dans ce sens il est aussi employé substantivement. On l’a mis à la taxe des aisés

On dit proverbialement, il est aisé de reprendre, & mal-aisé de faire mieux. On dit aussi, qu’il est aisé d’ajouter aux inventions des autres. 

☞ Ces deux mots, aisé & facile, marquent l’un & l’autre, ce qui se fait sans peine ; mais le premier exclut proprement la peine qui naît des obstacles & des oppositions qu’on met à la chose. Ainsi l’on dit que l’entrée est facile, lorsque personne n’arrête au passage ; & qu’elle est aisée, lorsqu’elle est large & commode à passer. Par la raison de cette même énergie, on dit d’une femme qui ne se défend pas, qu’elle est facile, & d’un habit qui ne gêne pas, qu’il est aisé

☞ Il est mieux, ce me semble, dit M. l’Abbé Girard, de se servir du mot de facile en dénommant l’action ; & de celui d’aisé en exprimant l’événement de cette action. De sorte que je dirois d’un port commode, que l’abord en est facile, & qu’il est aisé d’y aborder.

AISÉMENT. s. m. Synonyme de latrine, aisances. Latrina. Ce mot vieillit un peu. 

Aisément, signifie encore, commodité. Commodum. Il ne se dit guère qu’en cette phrase proverbiale. Vous ferez cela à vos bons points & aisémens ; pour dire, quand vous le pourrez faire sans vous incommoder. 

Aisément. Consolation. Liste Alphabét. des mots de Cl. Marot.

AISÉMENT. adv. Facilement, sans peine. Facilè. Il écrit, il parle aisément. Les philosophes triomphent aisément des maux passés. Rochef. Alexandre se laissoit gagner aisément à la flatterie. Vaug. On dit, qu’un cheval va aisément ; pour dire, qu’il a les allures douces, commodes, aisées. 

☞ Outre les différences que les deux adverbes aisément & facilement, puisent dans leurs sources, il en est encore une particulière, dit M. l’Abbé Girard., que je dois faire remarquer ; c’est que l’un a meilleure grâce dans ce qui regarde l’esprit, & l’autre dans ce qui regarde le cœur. Je dirois donc, en parlant d’une personne de bonne société, qu’elle comprend aisément les choses fines, & pardonne facilement les désobligeantes. Ce choix est délicat ; mais je le sens, dit notre Auteur : pourquoi un autre ne le sentiroit-il pas ? 

AISIER, & AAISIER. v. a. Ce mot, qui n’est plus d’usage, signifie, mettre à son aise. Commodè collocare.

On a dit aussi Aiser.

AISNAY. Voyez AINA.

AISNE. Axona. Rivière de France. La rivière d’Aisne