Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DOYEN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 454-455).
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DOYEN. s. m. Titre de Dignité Ecclésiastique. C’est la première dignité dans la plupart des Églises Cathédrales & Collégiales. Decanus. Doyen de l’Église de Paris. Doyen de S. Martin de Tours. Le Doyen est le Président né du Chapitre.

Grand Doyen. Il y a des Églises où le Doyen du Chapitre porte le titre de Grand Doyen. À Angers, à Tournay, le Doyen de la Cathédrale s’appelle le Grand Doyen.

Doyen de la Chrétienté. On appelle dans le Pays-Bas, Doyen de la Chrétienté, ce que nous nommons Doyen rural.

Ce mot vient de Decanus, qui se disoit chez les Romains, de celui qui présidoit à dix soldats, ou d’un petit Juge d’une Dizaine, à l’imitation desquels les Prélats ont établi des Juges pour faire leurs visites dans une partie de leurs Diocèses. En quelques lieux on les appelle Archiprêtres & Archidiacres, auxquels les Doyens ont succédé.

Doyen, Nom d’un Officier des Églises Grecques, & sur-tout de l’Église de Constantinople. Le Doyen n’étoit point un Ecclésiastique, mais un laïque : il n’avoit point une dignité dans l’Église, mais il étoit Officier de l’Église. Justinien, dans ses Novelles 43 & 59, a fait plusieurs réglemens sur l’office des Doyens, car ils étoient plusieurs : ils avoient soin des funérailles ; &, à cause de cela, on les appeloit quelquefois Lecticaires, Lecticarii. Le Doyen étoit le chef des Lecticaires. Il y avoit parmi les Doyens un chef qui étoit chargé de marquer aux Prêtres leur rang, de soutenir leurs droits, & de leur distribuer également les aumônes des Fidèles & les rétributions. Voyez l’Eucologe des Grecs, & les notes de P. Goar.

Doyen, dans l’Antiquité étoit une espèce d’Huissier. Comme S. Ambroise étoit occupé à ses fonctions, on lui vint dire que l’on avoit envoyé du Palais des Doyens pour suspendre des voiles dans la Basilique Porcienne. Fleury. Ces Doyens étoient une espèce d’Huissier.

Doyen, dans les anciens Monastères, étoit un Supérieur établi sous l’Abbé pour le soulager, & pour avoir soin de dix Moines ; c’est de-là qu’on l’appeloit Doyen, Decanus, à l’imitation de ces Officiers Romains, qui avoient dix soldats sous eux. Avant Saint Benoît, il y avoit d’ordinaire dans les Monastères un Prévôt, Præpositus, & plusieurs Doyens, sous l’Abbé. En quelques Monastères, le Doyen étoit béni par l’Évêque, ou par les Abbés ; comme l’Abbé même :  ce privilège lui donnoit occasion de s’égaler à l’Abbé, & de ne lui être point assez soumis. S. Benoît vit cet inconvénient, &, pour le prévenir dans son Ordre, il voulut que les Monastères ne fussent gouvernés sous l’Abbé, que par des Doyens, dont l’autorité étant partagée, donnoit moins à craindre. Il ne défend cependant pas cependant absolument qu’il y ait un Prévôt ; mais, si l’on en crée un, il veut qu’il soit établi par l’Abbé, qu’il lui soit soumis. Pour les Doyens, ils avoient, comme j’ai dit, l’inspection sur dix Moines, & veilloient sur leur travail, & sur tous les autres exercices. Ce n’étoit point l’antiquité, mais leur mérite, qui les faisoit choisir ; & on pouvoit les déposer après trois avertissemens. Comme les Monastères sont aujourd’hui moins nombreux qu’ils n’étoient dans les premiers tems, l’Abbé, ou le Prieur n’a plus tant de besoin d’être soulagé, & il n’y a plus de Doyens dans les Monastères. Voyez la Règle de S. Benoît, traduite & expliquée par M. de Rancée, Abbé de la Trappe, Tom. II. ch. 21.

On appelle Doyens Ruraux, ceux qui ont droit de visite sur les Curés de la campagne dans les Diocèses qui sont divisés par Doyennés. Dès le IXe siècle, on voit des Doyens Ruraux ; & Hincmar, dans son Capitulaire à ses Archidiacres, s’en réserve l’élection, & ne la permet à ces Archidiacres, qu’en cas qu’il fût éloigné, & par provision seulement. Quelques-uns croient que les Doyens Ruraux tiennent le rang & place des Chorévêques. Quoi qu’il en soit, ils sont fort anciens en france, en Allemagne & en Angleterre ; mais jusqu’à la fin du XVIe siècle ils ont été inconnus en Italie, parce que les Évêchés étant fort petits, ils n’y étoient pas nécessaires. S. Charles Borromée les y a établis.

On appelle, aussi, en certaines Universités & Facultés, un Doyen, celui qui est élu pour avoir quelques fonctions & prérogatives dans la Compagnie.

Doyen, signifie, aussi, celui qui est le plus ancien en réception dans une Compagnie. Le Doyen des Cardinaux. Cardinalium, Senatorum, &c. antiquissimus. Le Doyen de la Grand’Chambre. Le Doyen des Enquêtes, c’est le premier montant.

Doyen, se dit, aussi, de celui qui est le plus ancien en âge, à l’égard d’un autre. Antiquior. Il faut que vous passiez devant moi, vous êtes mon Doyen.

Doyen, se dit, encore, de celui qui est le plus ancien dans une maison, dans une société. Le Doyen de la Conciergerie n’a pas voulu sortir, quoique tous ses écrous fussent déchargés. Le Doyen d’une auberge, d’une pension, a droit d’avoir la plus belle chambre, & la première place à table.