Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DOULEUR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 448-449).

☞ DOULEUR. s. f. Sentiment désagréable, occasionné par un désordre dans quelque partie interne ou externe du corps, par une lésion particulière dans l’organe des sentimens. Dolor. La douleur, selon les uns, est un mouvement qui réside dans les sens ; &, selon les autres, c’est une émotion de l’ame causée par les organes. Si on demande la cause de la douleur que cause une piquure, l’on doit répondre d’abord, que la piquure ne peut séparer les fibres de la chair, sans ébranler les nerfs qui aboutissent au cerveau : on demandera encore, pourquoi cette partie du cerveau étant ébranlée, on sent de la douleur ? Car il n’y a point de liaison nécessaire entre les ébranlemens du cerveau, & le sentiment de douleur dont l’ame est affectée. Maleb. Pour rendre raison de la douleur, il faut avoir recours à une puissance supérieure, qui forme la liaison entre les ébranlemens du cerveau & le sentiment de l’ame. Dieu connoît la douleur ; mais ne la sent pas, parce que, sentir la douleur, c’est être actuellement malheureux : pour nous, nous sentons la douleur, sans la connoître ; nous n’en avons nulle idée claire. Id. Ce Stoïcien, qui ne vouloit pas avouer que la douleur fût un mal, l’avouoit par l’effort qu’il faisoit pour ne le pas avouer. Le péché de la femme a été puni par les douleurs de l’enfantement.

Douleur, se dit, également, des sensations désagréables du corps, & des peines de l’esprit & du cœur. L’idée de douleur ajoute à celle d’affliction, qui enchérit à son tour, sur l’idée de tristesse. Dolor, dit Cicéron, est ægritudo crucians. Rien ne soulage tant la douleur, que la liberté de se plaindre. Voyez Affliction, Tristesse.

Vous triomphez, cruelle, & bravez ma douleur.

Racine.

Il y a des douleurs si sensibles, qu’il semble qu’elles nous dispensent, pour quelque temps, de la nécessité d’être raisonnables. J’ai ressenti tout ce que la douleur a de tendre, de vif & de violent. M. Esp. Je laisse à ces femmes médiocrement touchées, tout ce fracas de gémissemens, qui sont plus propres à affoiblir la douleur, qu’à l’exprimer. Il y a des femmes qui ne s’opiniâtrent à pleure, que pour avoir la gloire d’une belle & immortelle douleur Rochef. La douleur est toujours moins forte que la plainte. La Font. Les douleurs qui sont causées par l’amour, sont plus aisées à consoler, que celle qui sont causées par l’amitié ; celles de l’amour sont plus violentes, mais moins durables. Id. Remarquez dans ce tableau d’un homme mourant, environné de sa famille, que la douleur y est si bien diversifiée, qu’on peut distinguer la douleur d’un cousin germain, & la douleur dissimulée d’une servante qui se contrefait.

Il faut dans la douleur que vous vous abaissiez.

Boil.

Lucain fait dire à Corneille, veuve de Pompée, Il m’est honteux de ne pouvoir mourir après vous de ma douleur seule. Bouh. La douleur d’une Maîtresse, qui pleure son Amant, nous touche plus que l’affliction d’une veuve artificielle. S. Evr.

On dit, en proverbe, Pour un plaisir, mille douleurs ; pour dire, qu’il y a plus de maux que de plaisirs en ce monde. On dit, aussi, À la Chandeleur, la grande douleur ; pour dire, le grand froid. On dit encore, proverbialement, Douleur aux vaincus.

☞ Le plaisir est toujours l’opposé de la douleur. Douleur & mal ne sont proprement synonymes, que dans le sens où ils marquent une sorte de sensation disgracieuse qui fait souffrir ; &, alors, la douleur dit quelque chose de plus vif, qui s’adresse précisément à la sensibilité ; le mal dit quelque chose de plus générique, qui s’adresse également à la sensibilité & à la santé. Syn. Fr.

☞ La douleur est souvent regardée comme l’effet du mal ; jamais la cause. On dit, de la douleur, qu’elle est aiguë ; du mal, qu’il est violent.

Les Filles des SEPT DOULEURS de la Sainte Vierge. S. Philippe Bénizi, Propagateur, & l’un des Généraux de l’Ordre des Servites, avoit établi en plusieurs lieux des Confrairies en l’honneur des sept douleurs de la Sainte Vierge ; mais il n’y avoit aucune Communauté sous ce nom. Ce fut la Duchesse de Latere, Dona-Camille-Virginie Savelli-Farnese, qui fonda celle de Rome vers l’an 1652. voulant que cette Communauté portât le nom des sept douleurs de la Sainte Vierge, afin d’honorer, par une dévotion particulière, la Mère de Dieu dans ses souffrances. Elles font seulement une oblation de leurs personnes, sans engagement de vœux, promettant une perpétuelle stabilité, la conversion de leurs mœurs, & l’obéissance à la Supérieure ; & elles gardent toutes les observances régulières, comme si elles étoient Religieuses. Elles n’ont point de clôture, & elles sortent pour visiter les trois principales Églises de Rome, sans pouvoir sortir hors les portes de la ville. Elles observent la Règle de Saint-Augustin, avec des Constitutions, qui leur ont été données par la Fondatrice, & approuvés par Alexandre VII. & Clément IX. & que Clément X. confirma le 25 Mars 1671. P. Helyot. Tom. III. p. 46. Voyez Philippines, Religieuses.

Douleur. En Mythologie. s. f. Fille de l’Erébe & de la Nuit, selon Cicéron.