Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DIMINUTIF

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 355-356).
◄  DIMINUISER
DIMINUTION  ►

DIMINUTIF, ive. adj. Terme de Grammaire, souvent employé substantivement, se dit d’un mot qui adoucit, ou affoiblit la force de son primitif, ou qui signifie une chose petite dans son genre. Diminutivus. Comme bovillon est un terme diminutif, ou un diminutif de bœuf, pochette de poche, maisonnete de maison. Les diminutifs qui étoient des délicatesses dans le style de nos vieux Auteurs, ne se peuvent supporter dans le langage d’aujourd’hui. Nous n’avons pas la liberté d’en faire selon notre caprice, comme les Italiens, qui en font autant qu’il leur plaît ; & l’on se moqueroit présentement d’un Poëte qui diroit avec Belleau :

Le gentil rossignolet,
Douceret,
Découpe dessous l’ombrage,
Mille fredons babillards,
Fretillards,
Au doux son de son ramage.

Notre langue abonde en diminutifs ; & l’on peut s’en servir, sans entreprendre d’en forger de nouveaux. Ce n’est pas qu’elle soit devenue dure, & incapable d’expressions passionnées. Mais elle a mis toute la tendresse dans les sentimens : ou plutôt elle est tendre comme une personne sage, qui parle toujours raisonnablement, même en parlant de sa passion, & qui ne cherche point à se parer de colifichets. Mademoiselle de Gournai se déclara la protectrice des diminutifs : elle cria au meurtre de toute sa force, quand elle les vit attaqués. Mais elle eut le chagrin de les voir bannis peu-à-peu. Bouh. Rien n’est plus fade que les Orateurs affectés, qui ne se servent que de diminutifs, & dont les paroles sont doucereuses, & confites, pour ainsi dire, dans le miel. S. Evr.

C’est ici le lieu d’observer que la langue Latine, grâces, sur-tout à Plaute & à Catulle, a beaucoup de diminutifs ; que l’Italienne en a encore davantage, & qu’au sentiment de plusieurs, la nôtre n’en a pas assez. Elle étoit autrefois bien plus riche de ce côté là, si, comme le dit le P. Bouhours, dans ses Remarques, c’est une richesse à une langue que d’avoir des diminutifs. Il en a fait un chapitre exprès, où il ne leur est point du tout favorable. Il prétend que, depuis que la langue Françoise est devenue raisonnable, elle a mieux aimé être pauvre, que d’être riche en babioles & en colifichets. Il faudroit au moins distinguer les styles. Le style familier admet bien des expressions qui ne seroient pas propres au style soutenu.

M. de la Monnoye a parlé des diminutifs dans son Glossaire Bourguignon au mot Fammelote, & le P. Buffier dans sa Grammaire Françoise. n. 353.

Il y a, dans la langue Françoise, des diminutifs qui ont perdu leur signification diminutive, comme cassette, vergette, qui viennent de caisse, & de verge. Dans la langue Italienne, & dans plusieurs autres, les mots diminutifs se forment des mots primitifs, par l’addition de quelques syllabes : il n’en est pas de même en François ; &, dans notre langue, le diminutif est quelquefois plus court que le primitif, quelquefois il a le même nombre de syllabes.

Les terminaisons les plus ordinaires des diminutifs sont eau, perdreau, faisandeau, &c. Et pour le masculin, ette pour le féminin, jeunet, jeunette ; grasset, grassette ; herbette, miette ; poulet, poulette. On. Manon, Marion, Nanon, Jeanneton, Fanchon, Magdelon, folichon, garçon, bichon, bichonne au féminin, &c. In au masculin ; ine au féminin ; Colin, Perrin, Perrine, Jaqueline, &c. Ot ordinairement pour le masculin, ote pour le féminin, Jeanot, Pierrot, Tiennot ; Jeanote, Marote, Genevote, Javote, &c.

Je suis Margot la genre Demoiselle,
A deux maris mariée & pucelle.

Voyez la Grammaire Françoise de M. l’Abbé Régnier.

On appelle en grammaire au moins & du moins, des conjonctions diminutives, parce qu’elles servent à diminuer. Rendez lui au moins une visite. Du moins donnez-lui de quoi vivre.

Diminutif, est aussi substantif, comme on peut voir par les exemples ci-dessus. On dit qu’une chose est le diminutif de l’autre ; pour dire, qu’elle est en petit ce que l’autre est en grand. Ce jardin-là est un diminutif du jardin des Tuilleries.