Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DIALOGUE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 318-319).
◄  DIALOGISTE
DIALOGUER  ►

DIALOGUE. s. m. Entretien de deux ou de plusieurs personnes, soit de vive voix, soit par écrit. Dialogus. Ils ont fait cent dialogues ensemble, & ils n’ont rien conclu. Une mère doit prendre garde à ces longs dialogues que les galans font avec leurs filles. Les Anciens ont écrit la plupart de leurs Traités en Dialogues. Les Dialogues des Bergers sont fréquens en Poësie, & on les nomme Eglogues. Les Dialogues de Lucien, d’Erasme, &c. Les Dialogues des Morts de M. de Fontenelle, ont été admirés de tout le monde.

M. de Fénelon, Archevêque de Cambray, a peint admirablement le pouvoir & les avantages du Dialogue dans le Mandement qui est à la tête de son Instruction Pastorale en forme de Dialogue. Voyez ci-dessous au mot DRAMATIQUE. Si l’on doute du grand pouvoir de l’art du Dialogue, on n’a qu’à se ressouvenir des profondes & dangereuses impressions que les Lettres à un Provincial ont faites dans le public. L’auteur s’y est servi du jeu du dialogue pour inspirer les préventions les plus sérieuses. Il donne à une erreur affreuse je ne sai quoi de touchant & de gracieux. Fénel. Le S. Esprit même n’a pas dédaigné de nous enseigner, par des dialogues, la patience dans le Livre de Job, & la parfait amour de Dieu dans le Cantique des Cantiques. S. Justin, Martyr, a ouvert ce chemin dans sa Controverse contre les Juifs, & Minuclus Félix le suit dans la sienne contres les Idolâtres. C’est ainsi qu’Origène a cru ne pouvoir mieux réfuter l’erreur de Marcion. Le grand S. Athanase n’a cru rien diminuer de la majesté des mystères de la Foi, en la soutenant par la familiarité de ses dialogues. S. Basile a choisi ce genre d’écrire, comme le plus propre pour nous donner ses Règles qui ont éclairé tout l’Orient. L’art du dialogue a été excellemment mis en œuvre par S. Grégoire de Nazianze, & par son frère Césaire, pour les hautes vérités. Sévère Sulpice n’a pas craint de publier par des espèces de conversations les merveilles de la solitude. Un volume de S. Cyrille d’Alexandrie est presque tout rempli de dialogues, où il explique les vérités les plus dogmatiques sur l’incarnation. Le mystère de J. C. a été traité de même par le savant Théodoret. S. Chrysostome n’a point trouvé de tour plus éloquent que celui-là pour faire sentir l’éminence & le péril du sacerdoce. Qui est-ce qui ne connoît pas le beau dialogue où S. Jérôme réfute si puissamment les Lucifériens ? Nous admirons tous les jours les dialogues sublimes de S. Augustin, & principalement ceux du libre arbitre, où il remonte à l’origine du péché, contre les Manichéens. La tradition des Solitaires du désert éclata dans les Conférences de Cassien, qui ont répandu la même lumière dans l’Occident que l’Orient avoit reçue de S. Basile. Le grand S. Grégoire Pape a cru le dialogue digne de la gravité du siège Apostolique, pour publier les merveilles de Dieu. Les Dialogues de S. Maxime sur la Trinité sont célèbres dans toute l’Église. S. Anselme montre la force de son génie dans les siens sur les vérités fondamentales de la Religion. Tous les siècles sont pleins de semblables exemples. Id. Les Dialogues de M. de Cambray ne seront pas moins chers à la postérité, que ses admirables défenses de la Religion. Mem. de Tr. L’antiquité profane avoit aussi employé l’art du Dialogue, non-seulement dans les sujets badins & comiques, comme a fait Lucien, mais dans les plus sérieux & les plus abstraits. Tels sont les Dialogues de Platon, & ceux de Cicéron, qui roulent tous sur la Philosophie, ou sur la Politique. Outre M. de Fénelon, nous avons aussi plusieurs Auteurs qui ont pris ce tour ; Paschal, dans les Provinciales ; le P. Bouhours, dans les Entretiens d’Ariste & d’Eugène, & dans la Manière de bien penser ; M. de Fontenelle, dans ses Dialogues des Morts, de la Pluralité des Mondes, &c. le P. Daniel, dans ses Entretiens d’Eudoxe & de Cléante, l’Auteur de l’Esprit des nouveaux Disciples de S. Augustin.

Dialogue, en termes de Musique, est une composition au moins à deux voix, ou à deux instrumens, qui se répondent l’un à l’autre, & qui souvent se réunissant, font un trio avec la basse continue. Il y a plusieurs exemples de dialogues dans les Opéra François & dans les Italiens. Les Organistes appellent aussi dialogues, le duo qu’ils jouent sur les orgues, en se répondant avec différens jeux, ou sur différens claviers.

Le nom de dialogue vient du Latin dialogus, en Grec διάλογος. La signification est la même.