Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DIACONISSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 312-313).
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DIACONISSE. On trouve plus souvent DIACONESSE. s. f. Ce mot n’est plus en usage ; mais il l’a été du temps de la primitive Eglise. Diacona, Diaconissa. Il en est fait mention dans l’Epître de S. Paul aux Romains. Pline le jeune fit tourmenter deux Diaconesses, qu’il appelle Ministræ dans sa Lettre à Trajan, L. X. ép. 97. Le nom de Diaconesses étoit affecté à quelques femmes dévotes qui étoient consacrées au service de l’Eglise, & qui rendoient aux femmes les services que les Diacres ne pouvoient pas leur rendre honnêtement ; par exemple, dans le Baptême, qui se conféroit par l’immersion aux femmes aussi-bien qu’aux hommes. Elles étoient encore préposées à la porte des Eglises, ou des lieux des assemblées, du côté où étoient les femmes séparées des hommes selon la coutume de ce temps-là. Cela paroît par les Constitutions Apostoliques, L. II. C. 57. & dans Balsamon sur le 11e Canon du Concile de Laodicée, pour ne point parler de l’Epître de S. Ignace à ceux d’Antioche, où l’on prétend que ce qu’il dit sur cela a été ajoûté. Elles avoient soin des pauvres, des malades, des prisonniers. Voyez les Constitutions Apostoliques, L. III. C. 15. S. Jérôme à Nepotien. Enfin, dans le temps des persécutions, lorsqu’on ne pouvoit envoyer un Diacre aux femmes pour les exhorter & les fortifier, on leur envoyoit une Diaconesse. Dans le Commentaire des Conciles du Christianus Lupus, il est dit, qu’on les ordonnoit par l’imposition des mains. Voyez le Concile de Chalcédoine tenu l’an 451. Can. 15. Le Concile in Trullo. l’an 680. Can. 14. & Can. 40. qui se servent du terme de χειροτονεῖν, imposer les mains, pour exprimer la consécration des Diaconesses. Baronius néanmoins, à l’an de J. C. 34. N. 283. & dans l’Abrégé de Sponde, N. 81. nie que l’on imposât les mains aux Diaconesses, & qu’il y eût aucun Sacrement pour les consacrer. Il se fonde sur ce que le Concile de Nicée, Can. 19. les met au rang des laïques, & dit qu’elles n’ont point l’imposition des mains. Le Concile de Chalcédoine régla qu’elles ne seroient point ordonnées avant l’âge de 40 ans : jusque-là elles ne l’avoient été qu’à 60 ans, comme S. Paul le prescrit dans la I. à Timoth. V. v. 9. & comme on peut le voir dans le Nomocanon de Jean d’Antioche, dans la Bibliothèque du Droit Canon, pag. 360. dans Balsamon, Consist. Eccles. Collect. & L. I. Cod. Tit. III. pag. 1254. de la même Bibliothèque ; dans le Nomocanon de Photius, T. I. Can. 28. dans le Code Théodosien, L. 27. de Epis. & Cleric. dans Tertullien, de Veland Virgin. C. 9. Ensuite on les consacra à Dieu à l’âge de 50 ans. Voyez Justinien, Novelle VI. Chap. 6. le Nomocanon de Photius, Tit. I. de fide, C. 28. pag. 846. Enfin, le Concile de Chalcédoine, Can. 15. le Concile in Trullo, Can. 14. & 40. la Novelle 122. c. 13, réglent qu’elles seroient ordonnées à l’âge de 40. ans. Balsamon dit la même chose sur le Nomocanon de Photius, Tit. I. de fide C. 18. Tertullien parle des femmes qui avoient reçu l’ordination dans l’Eglise, & qui, par cette raison, étoient privées de la liberté de se marier ; car les Diaconesses étoient des veuves, & elles ne pouvoient plus se remarier : il falloit même qu’elles n’eussent été mariées qu’une fois pour pouvoir être Diaconesses. Tertullien, L. I. ad Uxorem, C. 7. le Concile d’Epaune, Can. 2. S. Epiphane, dans son Livre de la Doctrine abrégée de la loi, le disent expressément. Dans la suite les Vierges furent aussi faites Diaconesses. S. Epiphane, dans l’ouvrage que je viens de citer, Zonaras & Balsamon, sur le 19e Canon du Concile de Nicée, &c. le témoignent. S. Ignace le dit aussi à la fin de son Epître à ceux de Smyrne : mais Fabrot croit que c’est une fourrure, parce qu’au siècle de ce Père les vierges n’étoient point encore ordonnées Diaconesses. Le Concile de Nicée met les Diaconesses au rang du Clergé. On prétend que l’ordination qu’on conféroit aux Diaconesses n’étoit point sacramentelle, & que c’étoit une simple cérémonie Ecclésiastique. Cependant, parce qu’elles se donnoient la prééminence au-dessus de leur sexe, le Concile de Laodicée défendit de les ordonner à l’avenir. Le premier Concile d’Orange en 441. défend aussi d’ordonner les Diaconesses, & enjoint à celles qui avoient été ordonnées de recevoir la bénédiction avec les simples Laïques.

En 517. Le Concile d’Epaune, que quelques-uns prennent pour Yene dans le Diocèse de Bellay, abolit la consécration des veuves Diaconesses. Un autre Concile des Gaules en 634. fit la même chose.

Les Diaconesses portoient un habit particulier, & étoient comptées parmi les personnes consacrées à Dieu. Je ne sais si leur nombre étoit fixé. L’Empereur Héraclius, dans sa Lettre à Sergius, Patriarche de Constantinople, qui est parmi les Novelles dans la Bibliothèque du Droit Canon, ordonne que, dans la grande Eglise de Constantinople, il y ait quarante Diaconesses, & six seulement dans celle de la Mère de Dieu qui étoit au quartier des Blaquernes.

On ne peut dire quand les Diaconesses ont cessé, parce qu’elles n’ont point cessé par-tout en même-temps. A la vérité, l’onzième Canon du Concile de Laodicée semble les abroger ; mais il est certain que long-temps après il y en eut encore en plusieurs endroits. Le 26e Canon du I. Concile d’Orange tenu l’an 441. le 21e de celui d’Epaune, célébré l’an 515. défendent aussi d’ordonner des Diaconesses. Cependant il y en avoit encore au temps du Concile de Constantinople in Trullo, comme il paroît par ce que nous avons dit ci-dessus. Atton de Verceil rapporte dans sa VIIIe Lettre la raison qui les fit abolir. Il dit que, dans les premiers temps, le ministere des femmes étoit nécessaire pour instruire plus aisément les autres femmes, & les désabuser des erreurs du Paganisme ; qu’elles servoient aussi à leur administrer le Baptême avec bienséance ; mais que cela n’étoit plus nécessaire, depuis que l’on ne baptisoit plus que des enfans : il faut encore ajouter maintenant, depuis que l’on ne baptisoit plus que par infusion.

On a aussi appelé Diaconesses les femmes que les Diacres avoient épousées avant leur ordination, comme on appeloit Prêtresses celles que les Prêtres avoient eues de même. Atton de Verceil l’a remarqué dans la Lettre que j’ai citée.