Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÎNER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 358).

DÎNER. v. n. Prononcez dîné. Prendre son repas vers le milieu du jour. Prandere. Les maçons dînent à dix heures, les Moines à onze, le peuple à midi, les gens de Pratique à deux heures. Le Roi des Tartares après son dîner, fait publier par ses Hérauts, qu’il permet à tous les autres Rois & Potentats du monde d’aller dîner. Alexandre disoit que son Gouverneur Léonidas lui avoir enseigné, que pour dîner agréablement, il falloit se lever matin & se promener. Du Rier.

Je sors de chez un fat, qui pour m’empoisonner,
Je pense, exprès chez lui m’a prié de dîner.

Boileau.

☞ On dit prier à dîner, & prier de dîner ; mais dans une signification un peu différente. Prier à dîner, marque un dessein prémédité, une invitation dans les formes, & en cérémonie. Prier de dîner, marque une prière sur le champ, & sans préparation, ou quand il y a plus d’amitié & de familiarité, que de cérémonie. Voyez Bouh. & Men.

Ce mot, selon Du Cange, vient de disnare, mot de basse latinité. Henri Estienne le fait venu du Grec δειπνειν, & prétend qu’il faut dire dipner. Ménage tient qu’il vient de desinare, qu’on a dit pour desinere, comme disent encore les Italiens.

On dit, proverbialement, qu’un homme dîne bien, quand il mange beaucoup. On dit aussi, Qui dort dîne ; pour dire, que le dormir engraisse les gens. On dit d’un homme qui n’est pas à l’auberge à l’heure du dîner, que son assiette dîne pour lui. Un pauvre dit aussi à l’égard d’un riche, S’il est riche, qu’il dîne deux fois. On dit aussi, Quand Alexandre avoit dîné, il laissoit dîner ses gens ; pour dire, qu’il faut donner le loisir aux valets de dîner à leur tour. On dit, quand on voit quelque chose qui déplaît, il me semble que j’ai dîné, ou bien j’ai demi-dîné, quand je vois cela. On dit encore, Qui s’attend à l’écuelle d’autrui est souvent mal dîné. Tout cela est du style populaire.

On dit de l’Ordre de Cîteaux, qu’il dîne bien, mais qu’il collationne mal ; pour dire, qu’il a beaucoup de biens pour vivre, & qu’il a peu de Bénéfices à conférer.