Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉVOT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 302-303).
◄  DÉVORER

DÉVOT, ote. adj. & subst. Qui se plaît à servir Dieu ; qui est ardent à le prier, qui est assidu aux Eglises. Pius, religiosus. Je ne suis point dévote ; mais toute ma vie j’ai eu passion de le devenir. La C. de. B. C’est un grand scandale de voir que les plus dévots sont d’ordinaire les moins raisonnables. Le P. Lamy. Il n’y a rien de plus à craindre qu’un dévot irrit : c’est un animal colérique & vindicatif ; parce qu’il s’imagine que Dieu lui doit du retour, que la Religion est blessée en sa personne, & que ses fureurs sont divines. Mén. Vous reconnoissez les dévots d’habitude, ou de vanité, à leur mauvaise humeur, à l’inégalité de leur conduite. Il faut être dévot sans superstition, & sans mélancholie. S. Evr. Le caractère des dévots de profession est suspect aux gens sages. Id. Souvent on ne prend le titre de dévot, que pour se donner le droit de censurer la conduite d’autrui. Id. Ils croient que tout leur est permis, pourvu qu’ils aient de bonnes intentions : erreur trop commune parmi les dévots, qui doivent apprendre que la vertu consiste à garder les règles. Le Gend.

Dévot, ote. Ce mot se prend pour hypocrite, & pour faux-dévot ; alors il est tantôt substantif, & tantôt adjectif. C’est un dévot : il ne faut pas s’y fier.

Abus, s’écria-t-il, hé devenez dévote !
Ne le devient-on pas à la ville, à la Cour ?
Moi dévote ! Qui, moi ? M’écriai-je à mon tour,
L’esprit blessé d’un terme employé d’ordinaire,
Lorsque d’un hypocrite on parle sans détour.

Des-Houlieres.

On peut impunément pour l’intérêt du Ciel
Etre dur, se venger, faire des injustices :
Tout n’est pour les dévots que péché véniel. Ibid.

Fâche-t-on un dévot, c’est Dieu qu’on fâche en lui.

Ibid.

Ah ! pour être dévot on n’en est pas moins homme.

Molière.

Les femmes sont appelées par S. Augustin & par l’Eglise, le sexe dévot. On dit, en parlant d’une femme qui est sous la direction d’un Ecclésiastique, qu’elle est une de ses dévotes. L’introduction à la vie dévote est de S. François de Sales. On dit ironiquement, C’est un dévot, un mangeur de Crucifix.

Il signifie aussi, ce qui excite à la dévotion. Chant dévot. Oraison dévote. Lieu fort dévot.

Ce mot s’est dit premièrement des femmes & filles qui avoient fait vœu de Chasteté, quasi Deo votæ.

Faux Dévot, qu’on appelle souvent simplement dévot, est celui qui cache des passions très-vives & très-violentes sous l’apparence de la piété. Veræ pietatis simulator. L’orgueil, l’intérêt, la médisance, l’esprit vindicatif, sont le partage du faux dévot. Ces quatre vices en font le caractère.