Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉVORER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 302).
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DÉVORER. v. a. Les crocodiles, les tiburons dévorent, avalent les hommes tout entiers. Daniel fut jeté dans la fosse aux lions pour être dévoré. On envoya un monstre marin, pour dévorer Andromède. Ablanc.

On le dit aussi, par extension, des hommes. Ce convalescent a bon appétit, il ne mange pas, il dévore. Un goinfre, un écornifleur, dévorent, mangent goulument.

Dévorer, se dit au figuré. Quand un amant regarde sa maîtresse, il la dévore des yeux. Un traître dont les yeux maudits assiègent routes mes actions, & dévorent tout ce que je possède. Mol. On dit aussi qu’un homme a dévoré tout son patrimoine ; pour dire, qu’il a mangé son bien. Je sens un feu qui me dévore ; pour dire, une passion violente. On dit aussi, qu’un homme dévore les livres, quand il lit beaucoup. Cet homme attend la succession de son oncle avec impatience, il la dévore par avance. Il dévore en espérance tous mes trésors. Vaug. Le chagrin me dévore. Racine. Il y a beaucoup de difficultés à dévorer dans toutes les sciences, & les commencemens en sont très-difficiles. Bouh. L’usure, sous couleur de nourrir le pauvre, le dévore. Roy. Dévorer un affront ; pour dire, cacher le ressentiment d’un affront.

Rien ne peut-il charmer l’ennui qui vous dévore ?

Racine.

Amour, impitoyable Amour,
Donnez quelque relâche au mal qui me dévore,
Et la nuit & le jour. Des-H.

Mais quoi ! toujours souffrir un tourment qu’elle ignore,
Toujours verser des pleurs qu’il faut que je dévore ?

Racine.

Dévorer, se dit aussi des choses inanimées. Le feu, les flammes ont dévoré tous ces beaux palais. Le temps dévore, consume tout.

En style de l’Ecriture-Sainte, & en parlant d’un pays, où ceux qui y demeurent ne vivent par d’ordinaire long-temps, on dit que c’est une terre qui dévore ses habitans. On peut le dire, figurément, d’une ville où l’on est obligé de faire de grandes dépenses.

Dévoré, ée. part. pass. & adj. Consumptus, absumptus.