Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉPENS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 235-236).
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DÉPENS. s. m. pl. frais ; ce qui a coûté, ce qu’on a dépensé à quelque entreprise, ou à quelque affaire. Sumtus, impensæ. Il a employé beaucoup d’argent à la poursuite de cette affaire. Il aura bien de la peine à tirer ses dépens. On dit proverbialement c’est un homme qui gagne bien ses dépens, pour dire, il rend bien autant de service qu’il coûte à nourrir, & qu’un homme est condamné aux dépens, quand il ne retire pas d’une affaire tout l’argent qu’il y a mis : & d’un homme avancé en âge, que plus de la moitié de ses dépens sont payés.

☞ On dit figurement faire la guerre à ses dépens, faire dans l’exercice d’un emploi, ou dans la poursuite d’une entreprise des frais auxquels on n’est point obligé, & dont on ne sera point remboursé.

☞ Ce mot ne s’emploie guère ailleurs que dans une acception générale, avec la préposition à. S’enrichir aux dépens du public. Vivre aux dépens d’autrui, c’est-à-dire, aux frais & sur le compte d’un autre. Un Ambassadeur d’Espagne voulant engager Alexandre VIII à se déclarer contre la France, lui disoit qu’elle étoit ruinée, & qu’elle ne pourroit plus entretenir ses armées. Je le crois bien répondit le Pape, car elle les fait toutes subsister aux dépens de ses voisins.

Dépens, se dit aussi au figuré. Se justifier aux dépens d’autrui. Aliorum incommodo, detrimento, periculo. Un habile homme se fait sage aux dépens d’autrui en profitant de ses fautes. Faut-il obéir à cette chimère d’honneur aux dépens de ce qu’il y a de plus doux dans la vie ? S. Ev. Au lieu que les Princes n’apprennent qu’aux dépens de leurs sujets, & de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses ; par le secours de l’Histoire ils forment leur jugement sur les événemens passés sans rien hazarder. Boss. Il n’est pas permis de soutenir les dogmes de la Religion aux dépens des vertus qu’elle commande.

Aux dépens du prochain, s’il fait rire les gens,
Le prochain à son tour fait rire à ses dépens. Vill.

Dépens, en termes de pratique, sont les frais qui ont été faits dans les procédures de la poursuite d’un procès qui entrent en taxe, & qui doivent être payés à celui qui a obtenu gain de cause par celui qui a succombé. Ferriere. Impensæ litis, ou expensæ. La condamnation d’amende emporte celle des dépens. On obtient un exécutoire suivant la taxe & la liquidation des dépens, sur une déclaration de dépens réglée entre les Procureurs. On prononce quelquefois dépens compensés, sans dépens. Régulièrement celui qui perd la cause ou son procès, doit être condamné aux dépens ; mais, pour des raisons particulières, les Juges prononcent quelquefois dépens compensés ; par exemple, dans les contestations entre parens, quand il y a, entre autres personnes qui ne sont point parentes, des demandes respectives dans lesquelles elles succombent de part & d’autre, &c. Des dépens croisés, ce sont ceux dont on a interjeté appel. Il faut réfondre les dépens des défauts & contumaces. Les dépens de contumace sont ceux qu’on a été obligé de faire pour obliger une partie de comparoître, ou de défendre, & que le demandeur peut répéter préalablement, & avant que de continuer aucunes poursuites. C’est la raison pour laquelle ils sont appelés préjudicieux, parce qu’ils doivent être payés avant que la partie qui les doit puisse être reçue à procéder en la cause.

On conclud toutes les requêtes par une demande de dépens, dommages & intérêts.

Dépens réservés. Les Juges prononcent dépens réservés quand ils rendent quelque jugement qui ordonne un interlocutoire pour éclaircir la contestation principale qui est à juger.

Dépens provisionels, sont ceux des demandes afin de provision, ou de défenses, ou de main levée de défenses portées par un jugement.