Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉPAYSER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 233-234).
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DÉPAYSER. Prononcez DÉPÉÏSER. v. a. Faire sortir quelqu’un de son pays natal pour le faire passer dans un autre. Aliquem e patrio solo evocare regionem in aliam. Les parens de ce jeune homme l’ont envoyé en Italie pour le dépayser.

Dépayser, signifie aussi, corriger quelqu’un des défauts, de l’accent, des mœurs du pays. Dedocere. On n’est pas un an à la Cour qu’on y est bien dépaysé, qu’on y a pris une autre manière de vivre, & de parler. A le bien prendre, un honnête-homme n’a point de métier, l’étendue de son esprit le dépayse par-tout. Ch. de Mer. Du Cange dérive ce mot de dispatriare, qu’on a dit en la basse Latinité dans la même signification.

Dépayser, signifie aussi, faire changer de pays à un homme qui y est habitué, pour lui faire perdre ses connoissances, pour le mettre dans un lieu où il n’ait pas les mêmes avantages. Aliquem de patriâ extrahere, & in aliam regionem mittere. Un Supérieur dépayse un Religieux qui a quelque mauvaise habitude, & le transfère dans un autre Couvent. Il est arrivé un affront à cette famille, qui l’a obligée à se dépayser, à s’aller habituer en un autre pays.

Dépayser, se dit aussi au Palais, en parlant des évocations qu’on fait pour tirer une affaire d’une jurisdiction en une autre plus éloignée. Evocare domo. Mes parties avoient trop de crédit en ce Parlement, je les ai fait évoquer ailleurs pour les dépayser. On le dit aussi, en fait de dispute, pour dire mettre quelqu’un sur un sujet sur lequel il ne soit pas si préparé. On pressoit fort ce Docteur sur un point de Jurisprudence, il a fait naître une question de Théologie qui a dépaysé son adversaire.

Dépayser, se dit encore, dans le style familier, pour dire, donner à quelqu’un de fausses idées, pour empêcher qu’il ne soit au fait de quelque chose.

Dépaysé, ée. part. Il a les significations de son verbe, en Latin & en François.