Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉLICE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 194).
DÉLICHIA  ►

☞ DÉLICE. s. m. Terme qui paroît relatif à l’organe du goût, & qui exprime principalement le plaisir extrême de la sensation du goût. Deliciæ. C’est un délice pour certaines personnes de boire à la glace même en hyver ; & cela est indifférent pour d’autres même en été. On le dit, dans le même sens, de l’esprit. La contemplation est le délice d’un esprit élevé & extraordinaire.

☞ Le mot de plaisir a rapport à un plus grand nombre d’objets que ceux de délice & de volupté. On le dit de tout ce qui concerne l’esprit, le cœur, les sens, la fortune, enfin de tout ce qui est capable de nous donner du plaisir, de procurer à l’ame une situation gracieuse. L’idée de delice enchérir, par la force du sentiment, sur celle de plaisir ; mais elle est bien moins étendue par l’objet : elle se borne proprement à la sensation, & regarde surtout celle de la bonne chère. L’idée de volupté est toute sensuelle, & semble désigner, dans les organes quelque chose de délicat qui raffine & augmente le goût. Syn. Fr.

☞ Ce mot est plus souvent employé au pluriel, où il est du genre féminin, & se prend dans un autre sens, selon lequel il exprime l’objet ou la cause de cette situation gracieuse de l’ame : comme quand on dit jouir des délices de la campagne. Alors ce mot a plus de rapport aux agrémens que la nature, l’art & l’opulence fournissent, telles que de belles habitations, des commodités recherchées, & des compagnies choisies, en un mot, à tous les objets qui réveillent les idées les plus douces, ou excitent les sensations les plus agréables. Deliciæ. Au lieu que le mot de plaisir a plus de rapport aux pratiques personnelles, aux usages & aux passe-temps, tels que la table, le jeu, les spectacles, & les galanteries : & celui de volupté désigne proprement des excès qui tiennent de la mollesse, de la débauche & du libertinage, recherchés par un goût outré, assaisonnés par l’oisiveté, & préparés par la dépense tels que l’on dit avoir été ceux auxquels Tibère s’abandonnoit dans l’Isle de Caprée.

☞ Le Paradis terrestre fut appelé le jardin de délices. Etre nourri dans les délices. Goûter les délices de la vie. Faire ses plus chères délices de quelque chose. Les délices des sens, de l’esprit. Faire ses délices de l’étude, du jeu. Les délices du cœur sont plus touchantes que celles de l’esprit. Par-tout le mot de délices signifie un plaisir extrême.

☞ On dit d’un Prince qu’il est les délices de son siècle, pour dire qu’il est l’objet de l’amour public. L’Empereur Titus étoit les délices du genre humain.

De Rome pour un temps Caïus fut les délices ;
Mais sa feinte bonté se tournant en fureur,
Les délices de Rome en devinrent l’horreur. Racine.