Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉIVIRIL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 187).
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DEIVIRIL, ile. adj. Terme dogmatique de Théologie. Qui est tout ensemble divin & humain. Theandricus. Les Euthychiens disoient que le même Jesus-Christ & le même Fils, produit les opérations divines, & les opérations humaines, par une seule opération théandrique, c’est-à-dire, Déivirile, ou divine & humaine tout ensemble, en sorte que la distinction n’est que de la part de notre entendement. C’est M. l’Abbé Fleury qui parle ainsi ; mais ce mot n’est point dans l’usage ; on dit toujours théandrique. M. Godeau s’en étoit servi néanmoins avant lui dans son Hist. de l’Eg. VIIe siècle, L. 1. no. 84. On lut encore (dans le Concile tenu par le Pape Martin en 649.) les neuf Chapitres ou Articles de Cyrus, Patriarche d’Alexandrie, & parce qu’il se fondoit sur une autorité de S. Denis en son Epitre à Caïus, dans laquelle il appelle l’opération de J. C. Deivirile ; les Evêques firent apporter le livre de ce Saint, & le Pape remarqua que Cyrus avoit corrompu son texte. Car S. Denis avoit dit une nouvelle opération déivirile, c’est-à-dire, théandrique ; & Pyrrhus lui faisoit dire une seule opération, changeant le mot de nouvelle, en celui de seule. Unam operationem pour novam operationem, ce qui étoit bien différent. Quelque temps après Sergius raya aussi le mot de deivirile, par lequel S. Denis n’entendoit autre chose, sinon que le verbe s’étant fait homme, opéroit divinement & humainement ; mais il ne vouloit pas dire, qu’il n’y eût qu’une opération en lui. Godeau.

Ce mot est composé de Deus, Dei, Dieu, & virilis, viril, de vir, homme, & signifie une chose qui est tout à la fois divine & humaine, un mélange, un composé de divin & d’humain. Les hérétiques Monophysites avoient fait ce mot pour exprimer leur erreur ; car, comme ils enseignoient qu’il n’y avoit point deux natures distinctes en J. C. que la nature humaine & la nature divine depuis l’union & par l’union hypostatique étoient confondues ensemble & devenues une seule nature, qui n’étoit ni l’une ni l’autre, mais un composé de l’une & de l’autre, une troisième nature qui résultoit de l’union & du mêlange de l’une & de l’antre, il s’ensuivoit, comme ils le disoient en effet, que les opérations de cette troisième nature, c’est-à-dire, de J. C. n’étoient ni purement divines, ni purement humaines, & qu’il n’y en avoit plus de deux sortes, les unes divines & les autres humaines ; mais qu’elles étoient toute d’une seule espèce, qu’ils appeloient théandriques, déiviriles, c’est-à-dire, si l’on pouvoit s’exprimer ainsi, divin-humaines. Au reste, le P. le Quien, Dominicain, bien loin d’excuser le prétendu S. Denis, & de l’expliquer, prétend que c’est un hérétique Monophysite. Voyez les Dissertations préliminaires de ce Père sur S. Jean Damascène, dans la nouvelle édition qu’il en a donnée.