Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CROQUER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
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CROQUER. v. n. C’est en parlant des choses dures ou seches qu’on mange, faire du bruit sous la dent. Crepitare sub dentibus. Le biscuit de mer, les amandes à la praline croquent sous la dent. Les moules, les laitues qui ne sont pas bien lavées, croquent, quand on y a laissé du gravier. Quelquefois ce verbe est actif, & signifie manger des choses qui font du bruit sous la dent. Croquer du petit métier.

Activement il signifie aussi manger avec avidité. Glutire, deglutire, vorare. Ce cadet a bon appétit, il auroit bientôt croqué ce poulet. Il croquera toute notre collation, si l’on n’y prend garde. La fontaine fait dire par le Renard au Lion :

Et bien, manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? non, non : vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant beaucoup d’honneur.

Assaillir un poulet hérissé de lardons,
Fripper un bon morceau, croquer des macarons.

Nouv. Choix de vers.

Croquer, signifie encore, dissiper, perdre. Abligurire bona, nummos comedere, patrimonium conficere, dissipare. C’est un homme qui a croqué, qui a dissipé tout son bien. Vous avez prêté votre argent à cet insolvable, c’est autant de croqué.

Croquer, figurément signifie, dérober avec adresse & promptitude. Suffurari astutè. Je laissai mon livre sur la table, il fut incontinent croqué. Tout cela est du style familier ou populaire.

Croquer, en termes de Peinture, signifie, tracer sur le papier à la hâte les premières idées, les premiers traits d’un dessein, dans l’intention de les coriger, de les rectifier à loisir. Aliquid adumbrare leviter, leviore manu, rudiore penicillo. On le dit aussi des vers, & de tous les ouvrages d’esprit qui ne sont pas achevés, où l’on n’a pas mis la dernière main. Cet ouvrage n’est que croqué, c’est dommage.

Croquer. Terme de Marine, il se dit pour accrocher. Croquer le croc de palan, c’est le passer dans l’arganeau de l’ancre.

On dit proverbialement, qu’un homme a été long-temps à croquer le marmot ; pour dire qu’on l’a laissé long-tems à attendre sur les degrés, dans un vestibule. Ce proverbe vient apparemment des compagnons Peintres qui, quand ils attendent quelqu’un, se désennuient à tracer sur les murailles quelques marmots, ou traits grossiers de quelque figure : ce qu’on appelle croquer le marmot, suivant la phrase qui vient d’être expliquée.

Croqué, ée. Part. Il a les significations de son verbe.