Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CRÉDIT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 4).

☞ CRÉDIT. s. m. Signifie en général la faculté de faire usage de la puissance d’autrui.

Dans le commerce c’est un prêt mutuel qui se fait d’argent & de marchandises sur la réputation de la probité & de la solvabilité d’un négociant, ou faculté d’emprunter sur la réputation qu’on a d’être solvable. Fides. Il a bon crédit chez les Marchands, sur la place. Conserver, perdre son crédit. Faire crédit, vendre à crédit, achetter à crédit, emere, vendere sine præsente pecuniâ, sed acceptâ tantum emptoris fide. Ne pas payer comptant ce qu’on achette.

A crédit, signifie quelquefois envain, sans profit. Personne ne vous sait gré de ce que vous faites, vous travaillez à crédit. Quelquefois il signifie, sans preuve, sans fondement. Tout ce que cet Avocat allègue est à crédit, sans preuve.

On dit proverbialement que crédit est mort, ou qu’on fait crédit depuis la main jusqu’à la bourse, pour dire qu’on veut être payé comptant, & d’une fille qui est grosse avant le mariage, qu’elle a pris à crédit un pain sur la fournée. Les lettres de crédit sont différentes des lettres de change, & cependant s’exigent par les mêmes voies. Ce sont des lettres missives qu’on donne à des gens de confiance pour prendre de l’argent sur des correspondans en des lieux éloignés, en cas qu’ils en aient besoin. Voyez Créance, lettre de créance.

Crédit, se dit aussi du cours que les papiers ou effets de commerce ont dans le public & parmi les Négocians. On dit que les billets d’une compagnie ont pris crédit, lorsque les Marchands ne font aucune difficulté de les recevoir. Prendre crédit signifie pareillement dans le négoce des actions de compagnie, lors qu’elles sont achetées à plus haut prix qu’elles n’ont été créées.

Dans un sens métaphorique, ce mot est employé comme synonyme de considération, de pouvoir : Auctoritas, gratia. C’est une relation personnelle fondée sur la connoissance du mérite ou sur l’inclination, dont l’effet est de pouvoir faire usage de la puissance d’un autre qui a quelque supériorité sur nous. Car il faut remarquer que le mot de crédit emporte nécessairement l’idée d’infériorité & de dépendance. On ne dit point d’un Souverain qu’il a du crédit sur l’esprit de son Ministre : mais on le dit du Ministre à l’égard du Souverain.

On dit, à la vérité, qu’un Souverain a du crédit parmi les autres Princes les alliés puais alors, étant pris solitairement, il est regardé comme inférieur aux autres Princes, considerés comme formant ensemble un même tout. Ce Ministre a acquis un grand crédit sur l’esprit de ce Prince. Ce Président s’est mis en crédit dans sa compagnie. Perdre son crédit. Employer son crédit. User de tout son crédit. Abuser de son crédit.

Quand sur un jeune cœur un Amant qu’on estime
A pris quelque crédit,
On commence à douter si l’amour est un crime
Aussi grand qu’on le dit. B. Rab.

On le dit de même du pouvoir que l’on a sur soi-même, sur son propre esprit.

Quoi ! l’homme sur soi-même a si peu de crédit
Qu’il devient scélérat quand Delphes l’a prédit ? Corn.

On le dit dans un sens plus étendu de la considération, de la réputation & de l’autorité qu’on acquiert dans le public par la vertu, la probité, la bonne foi, le mérite. Existimatio. Les Grecs se sont mis en crédit par les sciences qu’ils cultivoient ; les Romains par leur valeur ; les Chrétiens par la sainteté de leur doctrine & la pureté de leurs mœurs. L’éloquence croit nécessaire à Rome pour se donner du crédit. S. Evr. Cet habile hypocrite jouit de tout le crédit que donne la vertu, id.

Crédit, terme de coutumes. C’étoit autrefois un droit que les Seigneurs avoient sur leurs sujets, & qui consistoit en ce que pendant un certain tems ils pouvoient les contraindre à leur prêter de l’argent. Il s’appeloit aussi droit d’emprunt. L’Evêque de Nantes avoit crédit pendant 15 jours sur ses sujets & sur ceux du Prince, c’est-à-dire, qu’il pouvoit pendant ce temps-là les contraindre à lui prêter de l’argent, & le Duc de Bretagne avoit aussi le même crédit, ou droit d’emprunt, pendant 15 jours, sur ses hommes & ceux de l’Evêque. Lobineau, T. I. p. 204.