Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUVRIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 1010-1011).
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COUVRIR, v. a. mettre une chose sur une autre, ou devant une autre. Operire, cooperire, tegere, contegere, amicire, adoperire, integere, obligere, prætexere. Ce mot a divers usages, suivant ses diverses applications. Il vient de cooperire. Nicod.

Couvrir se dit premièrement des choses qu’on met sur les autres pour les conserver, pour les garantir des injures de l’air. Couvrir une maison, une église, c’est y mettre le toit, de peur qu’il n’y pleuve, & la couvrir de plomb, d’ardoise, de tuile, de bardeau, de chaume. On couvre de paille & de recoupes de pierres les murs imparfaits dans les atteliers pour les garantir de la gelée. Les jardiniers couvrent de paillassons leurs couches de fleurs & de plantes nouvellement levées pour leur ôter le trop grand soleil, ou les préserver du trop grand froid.

Couvrir signifie aussi cacher, empêcher qu’on ne voie. Tegere, operire, abdere, velare. Adam, après sa faute, se vit obligé de couvrir sa nudité. On couvre toutes les images d’un voile pendant le carême. Il a enfoui son trésor, il l’a couvert de terre. Le ciel se couvrit de nuages, & nous menaça de tempête.

Couvrir se dit aussi de ce qu’on met sur un autre corps pour le tenir chaudement ou proprement. Operire. Il faut bien couvrir ce malade durant son frisson. Le Prêtre couvre son calice avec le volet. Couvrez ce pot de peur des mouches. Opercule tegere, operculare. En ce sens, on dit se couvrir ; pour dire, mettre son chapeau sur sa tête. Petaso, pileo caput tegere, operire. Les Grands d’Espagne se couvrent devant le Roi. Vittorio Siri, dans son IVe volume, dit que jusqu’au règne de Louis XII, on se couvroit devant les Rois de France, & qu’on se découvroit seulement quand on entroit dans leur chambre, quand ils parloient à quelqu’un, ou quand ils buvoient à table, car alors tout le monde mettoit le chapeau bas, & après on le remettoit sur sa tête avec une profonde révérence.

Couvrir, dans la signification de revêtir. Couvrir les pauvres.

Couvrir se dit encore dans la signification de charger, mettre une chose en grande quantité sur une autre. Couvrir la table de plats, de mets. Mensam onerare, instruere dapibus, epulis. Couvrir la campagne de gens de guerre, la mer de ses vaisseaux. Couvrir de poussière. Il étoit tout couvert de blessures. Onustus vulneribus.

Seigneur, toute la mer est de vaisseaux couverte. Rac.

Couvrir se dit dans un sens approchant de ce qu’on met pour orner la chose sur laquelle on l’applique. Tegere, operire, insternere. Il a fait couvrir tous ses livres de maroquin, tous ses sièges de velours, couvrir son plancher d’un riche tapis ; couvrir un habit de galons d’or, de broderie. Au printemps, la terre se couvre de fleurs.

Couvrir, en termes de Guerre, signifie mettre quelque corps au devant de soi pour se défendre de l’ennemi, ou lui faire quelque obstacle qui l’empêche d’approcher. Tueri, deffendere, munire. Dans les villes on se couvre par des parapets, des remparts, des murailles. Ce ravelin, cet ouvrage à corne couvroit toute la courtine. Les casemates se couvroient autrefois par des grillons. Dans les campemens on se couvre d’un bois, d’une rivière, d’un rideau. Il se couvrit d’un ruisseau pour n’être point surpris par les ennemis. Il couvrit son aîle gauche d’une chaîne de montagnes. C’est se porter près de ces choses, d’une manière qu’on ne puisse être attaqué que difficilement de ce côté là. Dans les sièges on se couvre de gabions, de chandeliers, de mantelets, d’épaulemens. On dit d’une place force, qu’elle couvre tout un pays, toute une frontière. Un combattant se couvre de son bouclier, de son épée. Le Prince Philippe qui n’avoit que quatorze ans, couvroit le Roi Jean son père à la bataille de Poitiers. Du Tillet.

Couvrir signifie encore, en termes de Guerre, cacher, empêcher que l’ennemi ne s’apperçoive de ce qu’on a dessein de faire. Tegere, occultare, dissimulare. Et c’est en ce sens qu’on dit, couvrir la marche d’une armée, couvrir la marche des troupes. Ab.

En termes de Palais, couvrir signifie apporter quelque défense, quelque exception peremptoire. Tueri, defendere, tutari, reparare. La fin de non-recevoir, la prescription vous couvre de la demande de votre partie. Un arrêt de compte, une transaction, couvre les actions & demandes qu’on pourroit faire pour le passé. Un mariage subséquent couvre le défaut de naissance des enfans, & les rend légitimes. Les faux & doubles emplois, les erreurs de calcul ne se couvrent jamais, ni par arrêts, ni par transactions. Quand on apporte de méchantes excuses, on dit proverbialement & figurément qu’on se couvre d’un sac mouillé.

En Jurisprudence féodale, on appelle couvrir un fief ou un arrière-fief, quand le vassal a fait la foi & hommage, ou a offert de la faire pour l’ouverture ou mutation du fief avenu, & pour en prévenir & empêcher la saisie. Couvrir le feu de son Finatier, c’est de la part du Seigneur de fief mettre au ban, & saisir, quand son sujet ne lui paye pas ses droits.

Couvrir, terme de jeu, signifie mettre de l’argent sur une carte, ou tenir ce qu’un autre a mis dessus. Deponere. On le dit encore d’une carte qu’on met sur une autre en jouant les cartes. Tegere, operire.

Couvrir un momon, accepter, recevoir le défi d’un momon, Voyez Momon.

☞ On dit aussi couvrir une enchère, enchérir au-dessus de quelqu’un ; & populairement couvrir la joue à quelqu’un, lui donner un soufflet. Alapam, colaphum ducere alicui, incutere, instigere, infringere.

Couvrir, en termes de trictrac. On ne dit pas seulement couvrir une dame, mais on dit aussi à un joueur couvrez-vous, & il dit lui-même, je me couvre ; pour dire, je couvre une de mes dames qui étoit découverte. Couvrir une dame, c’est mettre une dame sur une flèche, où il n’y avoit qu’une demi-case. Ainsi dame couverte & case c’est la même chose, comme dame découverte & demi-case est la même chose. Les dames ne se couvrent pas au trictrac comme au jeu des dames en les mettant l’une sur l’autre, mais l’une devant l’autre. On appelle faire la demi-case, couvrir ou se couvrir, parce qu’une dame qui pouvoir être battue étant seule, ne le peut plus être étant couverte d’une autre dame. L. S.

Couvrir. Les Marchands Verriers disent, couvrir un flacon, couvrir une bouteille ; pour dire, faire par-dessus cet entrelacement d’osier fin & plat qui sert à les conserver.

Couvrir se dit aussi des animaux qui s’accouplent pour la génération. On choisit de beaux étalons pour couvrir les cavales dans les haras. Cette épagneule a été couverte d’un fort beau chien. Marem pati.

Couvrir se dit figurément en choses morales. Une lâche action couvre un homme d’infamie. Pudore, dedecore suffundere. Ce Capitaine se couvrit d’une honte éternelle par sa révolte. Ce Conquérant revint triomphant, tout couvert de gloire, de lauriers. Clarus, illustris. Il n’est point de gloire dont on ne doive vous couvrir. M. Scud. Voyez Couvert.

Couvrir se dit aussi figurément pour cacher, déguiser, voiler, dérober à la connoissance des hommes. Tegere, occultare, dissimulare, velum obtendere, prætendere, prætexere. Les hypocrites se couvrent du manteau de la dévotion pour cacher leurs crimes, pour couvrir leurs défauts. Cet homme est fort adroit, il sait bien couvrir son jeu, ses desseins, sa marche. Cet amant est fort discret, il a bien couvert jusqu’ici sa passion. Ils couvrent leur prudence humaine & politique du prétexte d’une prudence divine & chrétienne. Ceux qui contestent les miracles modernes sont des profanes, qui couvrent leur incrédulité du titre spécieux de bon sens. Vous ne pouvez digérer que l’on ait levé le voile de dessus le fond d’iniquité que vous affectez de couvrir du prétexte de zèle. S. Evr. Quand nous aimons quelqu’un, notre passion couvre tous ses défauts. Maleb.

Envain vous vous couvrez des vertus de vos pères. Boil.

Couvert, erte. part. Voyez ci-dessus.