Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUVERT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 1007-1008).
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COUVERT. s. m. lieu à l’ombre, lieu planté d’arbres qui donnent de l’ombre. Umbrosus locus. Il y a bien du couvert dans cette maison : un beau couvert d’arbres.

Ce mot vient du latin coopertus.

Couvert signifie aussi logement où l’on est à l’abri des injures du temps. Tectum. Ce Religieux a été demander le couvert pour une nuit en ce château. Il n’avoit que le couvert à l’Hôpital, & il falloit que pour vivre il mendiât son pain de porte en porte. Bouh. Vie de S. Ign. Liv. II.

Couvert signifie aussi la nappe, la couverture de la table, encore plus particulièrement ce qui sert à chacun des conviés, comme l’assiette, la serviette, la cuiller, le couteau & la fourchette. Mensæ apparatus, ornatus. On a mis le couvert dans cette salle. Ce Seigneur tient une table réglée de douze couverts. Duodenis capitibus mensam instruit.

☞ On appelle encore couvert un étui garni d’une cuiller, d’une fourchette & d’un couteau. Il porte son couvert à la campagne.

COUVERT, ERTE. adj. & part. Ce qu’on ne voit pas, qui est caché par un autre corps. ☞ Ce terme présente à l’esprit l’idée d’un voile qui cache, qui dérobe une chose à la vue. Tectus, velatus, opertus, adopertus, coopertus, nubilus, caliginosus. Le Ciel est couvert de nuages. Une carte couverte est celle sur laquelle on a jeté une autre carte. Le feu est couvert ; tout le monde est couché. On dit en ce sens, qu’un pays est couvert, quand il est rempli de bois. Il est dangereux de passer dans les Ardennes, c’est un pays trop couvert.

Couvert se dit aussi comme synonime à vêtu & paré. Indutus, vestitus. Les Savans sont d’ordinaire déchirés & mal couverts. Cet homme a des laquais aussi bien couverts que des Gentilshommes. Dans ce sens, le mot de couvert n’est point du bel usage. Il faut marcher bien couvert, bien vêtu pendant le froid, de peur du rhume.

Couvert se dit aussi hyperboliquement des choses qui sont en quantité, en abondance sur une autre. Intectus, coopertus, opertus. Il avoit un habit tout couvert de broderie. Cette mariée étoit toute couverte de pierreries. Le corps de Job étoit tout couvert d’ulcères. Il étoit couvert de lueur. Ablanc. La rivière étoit couverte d’arbres. Vaug. Je l’ai trouvé couvert d’une affreuse poussière. Rac.

Couvert se dit aussi des teintures fortes & foncées qui tirent sur l’obscur. Color obscurus. Ce bleu est un peu trop couvert, & n’est pas assez clair. Le vin de brie est trop couvert, est d’une couleur trop chargée. Vinum nigrum.

Couvert, en termes de Manufactures de lainerie, se dit des étoffes qui n’ont pas été tondues dassez près.

Couvert, en termes de Guerre, signifie défendu, lieu où on est en sûreté. Tutus, defensus. Ce bastion est couvert d’un ouvrage à corne. Ce camp est couvert d’un marais & d’un bois. Ce rampart est couvert d’un parapet. On appelle par excellence le corridor, le chemin couvert, parce qu’il a pour parapet le glacis de l’esplanade. La frontière est couverte par de fortes places.

Couvert, en termes de Palais, se dit des choses contre lesquelles on a de bonnes défenses. Cette demande est couverte par un compte, par une longue prescription.

En termes de Musique, on appelle parties couvertes ou mitoyennes, celles qui tiennent le milieu entre le dessus & la basse.

Couvert se dit figurément en choses morales. C’est un scélérat qui est tout couvert de crimes, qui est noté en justice, couvert d’infamie. Opertus, coopertus. Il revient couvert de honte & de risée. Boil. Pudore suffusus.

Couvert ou de louange ou d’opprobre éternel.

☞ Vers de Corneille dans Héraclius. Cela n’est pas François, dit Voltaire, il faut d’un opprobre éternel ; d’opprobre est ici absolu & ne souffre point d’épithète & on ne peut dire couvert de louange comme on dit couvert de gloire, de lauriers, d’opprobre, de honte. Pourquoi ? c’est qu’en effet la honte, l’opprobre, la gloire, les lauriers semblent environner un homme, le couvrir. La gloire couvre de ses rayons ; les lauriers couvrent la tête ; la honte, la rougeur couvrent le visage ; mais la louange ne couvre pas.

☞ Corneille a donné au mot couvert une signification qu’il n’a pas dans ce vers de son Héraclius.

☞ Il tient (le ciel) en ma faveur leur naissance couverte, en parlant des deux Princes. Couvert n’est pas le mot propre, dit Voltaire ; il ne veut pas dire incertain, obscur.

On appelle aussi un homme couvert, celui qui n’est pas communicatif, qui est caché. Tectus. Constance étoit d’un esprit couvert & dissimulé. Herman. Les gens qui négocient, doivent être couverts, & ne découvrir pas leurs sentimens. Ce Seigneur, pendant les troubles s’est tenu clos & couvert, il n’a point pris de parti. Il vaut mieux d’être estimé simple pour être sincère, que de se tenir couvert sous les subtilités d’une dangereuse prudence. Ben. Il y a une inimitié couverte, c’est-à-dire, cachée entre ces deux hommes.

Couvert se dit encore figurément en ces phrases, parler en paroles couvertes, c’est-à-dire en paroles ambiguës, qui cachent un autre sens que celui qui se présente d’abord, sans expliquer la chose nettement. Tectis verbis. On appelle mots couverts, des paroles honnêtes qui en font entendre d’obscènes. Ambigua verba & obscænum sensum celantia.

Couvert (a) adv. caché, à l’abri, en sûreté. Tutus, munitus, defensus ab aliquare. In tuto ponere. Cet homme a gagné du bien, il est à couvert de la nécessité. Il s’est retiré dans un monastère pour être à couvert de l’orage. Il a mis à couvert tout son bien sous des noms empruntés, pour dire, l’a caché, il l’a mis en sûreté. Il y a des villes où l’on marche toujours à couvert, où on ne craint pas la pluie. Cette rivière met le camp à couvert des ennemis. Cette éminence le met à couvert de leur canon. Cette pièce nous met à couvert de tout procès. On l’a obligé d’épouser la fille qu’il avoit abusée, pour mettre son honneur à couvert. On dit aussi ironiquement d’un homme qu’on a mis en prison, qu’on l’a mis à couvert. L’envie & l’ambition secrette qui rongent les dévots, vont toujours à couvert de leurs pieuses intentions. Bell. Le faux zèle fait bien mettre ses passions à couvert de la raison. Maleb.

☞ Ce mot à couvert, disent les Encyclopédistes, présente l’idée d’un voile qui dérobe : à l’abri, l’idée d’un rempart qui défend. On se met à couvert du soleil, & à l’abri du mauvais temps.

☞ On a beau s’enfoncer dans l’obscurité, rien ne met à couvert des poursuites de la méchanceté ; rien ne met à l’abri des traits de l’envie.

☞ En termes de Blason, on appelle couvert, un château ou une tour avec un comble.

On dit proverbialement, servir un homme à plats couverts ; pour dire, lui faire un mystère de quelque chose, lui cacher une partie du secret d’une affaire, lui faire une demie ou une fausse confidence, lui rendre secrettement de mauvais offices.