Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUTEAU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 1001-1002).
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COUTEAU. s. m. ustensile servant à la table, fait d’un fer aceré, tranchant d’un côté, qui sert principalement à couper le pain, les viandes. Culter. Cette viande est tendre au couteau. Ce fruit est mûr, il est doux au couteau.

Ce mot, couteau, vient du latin, custellus ; & si l’on en croit le P. Pezron cultellus, un couteau, est tiré du celtique, coutel, ou goutel. Il faudroit qu’il fût bien prouvé que coutel ou goutel est celtique, & qu’il ne vient pas de cultellus.

Il y a plusieurs sortes de couteaux : un couteau de poche, qui a sa gaine : un couteau pliant à une jambette : couteau de cuisine, de boucher, pour couper la grosse viande. Les couteaux pointus, qu’on nomme baïonnettes, sont défendus. En Italie on ne se sert que de couteaux arrondis par le bout.

On appeloit les sacrés couteaux chez les Payens, ceux qui leur servoient à égorger des victimes. Frappe, je tends le sein à tes sacrés couteaux. Dans le temple de la Mort, de Habert.

Ministre, pour qui se prépare
Cet autel, ce fatal bandeau,
Déjà dans une main barbare,
J’apperçois le sacré couteau. Nouv. choix de Vers.

Couteau se dit aussi d’une courte épée de ville, qu’on porte seulement pour parade. Gladius. Lorsqu’il fut attaqué, il n’avoit qu’un petit couteau. Ils se sont battus avec armes inégales, l’un avoit une longue épée, l’autre n’avoit qu’un couteau. On dit qu’un homme est un couteau de Tripière, quand il dit du bien & du mal de la même personne, qu’il flatte les deux partis contraires. ☞ Expression basse & figurée. Le couteau de tripière est un couteau qui tranche des deux côtés.

Couteau de Pié, est un outil de Cordonnier servant à couper le cuir, qui est tranchant & arrondi en demi-cercle, & dont le manche est fait en poignée. Scalprum.

Les Juifs ont fait quelquefois la circoncision de leurs enfans avec un couteau de pierre. Cultellus lapideus. On fait des couteaux d’ivoire, dont les Secrétaires se servent pour plier plus proprement les lettres. Cultellus eburneus.

Dans le Manège, on appelle un couteau de chaleur, un morceau de faulx avec lequel on abat la sueur des chevaux, en le coulant doucement sur leur poil.

Couteau de feu, est un instrument de Maréchal en forme de couteau, fait de fer, ou de cuivre. Cultellus ignitus. Il est long d’un pié, épais par le dos, & mince de l’autre côté. On le fait chauffer dans la forge, & il sert à donner le feu aux parties malades des chevaux qui en ont besoin.

Couteau de Charpentier. Les Charpentiers ont toujours un couteau avec eux, dont ils se servent au lieu de compas, pour tracer les lignes fort fines.

Couteau sourd. C’est un instrument dont se servent les Corroyeurs dans l’apprêt de quelques-uns de leurs cuirs ; on le nomme autrement Boutoir. Il a deux manches, un à chaque bout, & le tranchant en est fort émoussé ; c’est d’où vient son nom.

Couteau à revers, ou Echarnoir. Outil de Corroyeur, dont le tranchant est un peu renversé. On s’en sert pour écharner les peaux de vache.

Couteau à doler, terme de Gantier. C’est un outil d’acier qui sert à doler les étavillons, c’est-à-dire, amincir, ou parer les morceaux de cuir déjà disposés à faire les gants.

Couteau à effleurer ou couteau de rivière, terme de Chamoisseur & de Mégissier.

☞ Morceau d’acier large, aminci par le coupant, avec un manche à l’autre bout, dont les Relieurs se servent pour amincir les couvertures des livres, afin qu’elles se collent mieux sur le carton.

Couteau à hacher. C’est un couteau à lame courte & un peu large, dont se servent les Doreurs sur métal, pour faire des hachures sur le cuivre ou sur le fer, avant de les dorer de ce qu’on appelle Or haché.

Couteau à chapiteau. Les Charpentiers nomment ainsi une espèce de couteau qui sert à éguiser la pierre noire, avec laquelle ils marquent ou tracent leur ouvrage.

Couteau à tailler. Outil de Fourbisseurs, dont ils se servent pour faire les hachures, sur lesquelles ils placent le fil d’or ou d’argent, quand ils veulent damasquiner un ouvrage.

Couteau à refendre. C’est un petit outil de Fourbisseur, du nombre de ceux qu’on appelle Ciselets. On s’en sert à refendre des feuilles qu’on a gravées en relief sur l’or, l’argent, ou l’acier.

Couteau à tracer. C’est un des ciselets des Fourbisseurs, avec lequel ils tracent & enfoncent un peu les endroits où ils veulent passer quelqu’un de leurs ciselets gravés.

Couteau à scie. Espèce de scie à main, dont se servent les Maçons & les Tailleurs de pierre.

Couteau à trancher. Terme de Menuiserie, de placage & de marqueterie.

Couteau à mèche, terme de Chandelier. C’est l’instrument qui sert à couper de longueur le coton, dont on sert la mèche des chandelles.

Couteau à travailler. Outil de Vannier.

Couteau à débiter. Les Boulangers se servent de ce couteau, pour couper en morceaux le gros pain qu’ils vendent en détail & à la livre.

Couteau. Instrument de Chirurgie. Il y en a de quatre sortes. Le couteau courbe & le droit pour les amputations ; le couteau lenticulaire pour le trépan ; le couteau à crochet pour l’extraction du fœtus mort dans la matrice. Voyez le Dict. de M. Col de Villars.

Couteau de chasse. Epée courte que portent les Chasseurs pour couper les branches dans les bois.

☞ On dit figurément, mettre le couteau à la gorge à quelqu’un pour lui faire faire une chose, lui faire violence. Vim inferre. Cette nouvelle lui a mis le couteau dans le cœur, a été un coup de couteau pour lui, l’a sensiblement affligé. Plagam inferre. On dit aussi, que des gens aiguisent leurs couteaux ; pour dire, qu’ils se préparent à se battre, à se quereller, à se disputer. Gladios acuere. Et qu’ils vont jouer des couteaux ; pour dire, qu’ils sont prêts à en venir aux mains. Ad manus, ad arma venire. Je me contente de savoir danser & jouer de la flûte, & quelquefois des couteaux. Ab. J’en suis, & j’y jouerai comme il faut des couteaux. Scar.

On dit aussi au jeu de cartes, quand un homme a voulu couper une carte, & qu’un suivant a coupé au dessus de lui, que son couteau n’étoit pas assez fort.

On dit qu’un homme est le couteau pendant d’un autre ; pour dire, qu’il est toujours à ces côtés, qu’il le suit, l’accompagne par-tout, par allusion aux gens qui portoient autrefois leur couteau pendu à la ceinture, comme le font encore des Cuisiniers, des Charcutiers, des Bouchers, &c.

On dit aussi, que des hommes sont aux épées & aux couteaux, tirés ; pour dire, qu’ils sont ennemis jurés, qu’ils sont prêts à le battre, à se nuire l’un à l’autre. On dit mettre un couteau sur table, pour dire, se préparer à faire grande chère. Epulum apparare. On dit encore d’une pièce de drap dans laquelle on a taillé un habit, & qu’on a entamée, qu’on a mis le couteau dedans.

On dit proverbialement aux enfans qui demandent quelque chose qui n’est pas de leur compétence : on vous en donnera des petits couteaux à perdre. Toutes ces expressions sont familières ou populaires.

Couteau. s. m. terme de Fauconnerie. C’est la première penne des aîles aux oiseaux de poing. Ces plumes n’ont des barbes longues que d’un côté, & des courtes de l’autre ; elles se terminent en pointe, & ainsi ressemblent en quelque sorte à un couteau. Prior alæ penna. Les grandes pennes & les couteaux de la fresaie sont noirs. Les plumes de l’orfraie qui couvrent les grandes pennes & les couteaux ont des taches blanches à leurs extrémités.