Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COURAGE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 976-977).

☞ COURAGE. s. m. Animus. Ce mot est regardé comme synonime à valeur, intrépidité, cœur, bravoure. Mais on peut dire que le courage est une ardeur de l’ame qui nous rend impatiens d’attaquer, nous fait entreprendre hardiment & sans craindre la difficulté. Cœur, courage & valeur ont plus de rapport à l’action que les mots bravoure, intrépidité, qui en ont davantage au danger. Le courage fait avancer ; mais il ne faut pas que le courage nous détermine toujours à agir. M. l’Abbé Girard. Syn. Le courage n’est louable que quand il est accompagné de prudence. Ben.

☞ Il se dit des animaux hardis, comme sont les lions, les sangliers, les chiens, les chevaux, les aigles. Ce chien a bien du courage. Le lyon est celui de tous les animaux qui a le plus de courage. Ac. Fr. Du Cange croit que ce mot vient de coragium qui est dit de ce que l’on demande de tout son cœur. Joannes à Janua le dérive de cor & ago. Corragio, en Italien, veut dire la même chose que courage en François.

Courage est aussi une force ou une vertu qui éleve l’ame, & qui la porte à mépriser les périls, à soûtenir les malheurs & les revers de la fortune, ou à souffrir les douleurs avec constance & avec fermeté : c’est cette vigueur nécessaire à l’ame pour exécuter des actions vertueuses, qui, par des obstacles qu’il faut braver, seroient impraticables à des cœurs pusillanimes. Magnanimitas, fortitudo, magnitudo animi, constantia. Quand la fortune se met à persécuter quelqu’un, elle vient à bout du plus ferme courage. S. Evr. La misere & la mauvaise fortune abattent le courage. Port-R. Rien n’a jamais égalé ce courage paisible, qui, sans faire effort pour s’élever, s’est trouvé par sa naturelle situation au dessus des accidens les plus redoutables. Boss. On n’admire rien tant qu’un homme qui sçait être malheureux avec courage. Racine. C’est un spectacle indigne de voir le courage d’un Héros, amolli par des larmes & par des soupirs. S. Evr. Le propre des grands courages est de mépriser la mort, & non pas de haïr la vie. Vaug. La philosophie me doit mettre les armes à la main pour combattre la fortune, & me roidir le courage pour fouler aux piés les adversités humaines. Mont. Son courage mal affermi, & déjà ébranlé par tant de disgrâces, succomba à cette dernière attaque. S. Evr.

Un moment a changé ce courage inflexible. Racine.

☞ Les Poëtes emploient quelquefois ce mot pour esprit. Aigrir les courages pour les esprits, dans Cinna. On peut encore, dit Voltaire, se servir du mot courage dans ce sens.

☞ Le mot de courage est quelquefois déterminé en mauvaise part par les épithètes qui l’accompagnent. Ainsi l’on dit un foible courage, un courage mou, un courage brutal. Animus angustus, demissus, ferox, &c.

Courage se prend quelquefois pour affection. Servir quelqu’un de grand, de bon courage. Il n’a pas fait cela de bon courage. Libenter, libenti animo. Mauvais style.

☞ Quelquefois pour sentiment, passion, dureté, cruauté. Il n’a sçu vaincre son courage. Si j’en croyois mon courage, je t’étranglerois. Ingrat, auras-tu le courage de m’abandonner ? Je fus touché de ses pleurs, & je n’eus pas le courage d’insulter à sa misère. Médée eut le courage de déchirer ses enfans. Atrée eut le courage de faire manger à Thyeste ses propres enfans. Toutes phrases bannies du style noble, grave & sérieux.

☞ On dit familièrement tenir son courage, persister dans son ressentiment, dans son dépit, dans sa haine, dans sa colère. Il avoit juré qu’il ne la versoit jamais, il n’a pas tenu son courage. Acad. Fr. Mauvais jargon, même dans le style familier.

Courage se dit absolument ☞ comme particule ou interjection exhortative. Macte au vocatif singulier, & macti pour le plurier, de l’ancien mactus, pour magis actus. Allons, ferme, courage. Macte virtute, macte virtute esto, macte animi ou animo. Allons, courage, point de foiblesse. Macti este pueri, macti virtute este.