Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 974-976).

☞ COUR. s. f. espace, portion de terrein découvert, enfermé de murs ou entouré de bâtimens, placé ordinairement à l’entrée d’une maison, d’un hôtel, d’un palais, dont il fait partie. Area. Cour de devant, ou avant-cour : cour de derrière, ou intérieure, entourée de corps de logis. Cavædium, ou cavum ædium. Cour des Cuisines du Louvre. Petite cour à fumier. Cette chambre a vûe d’un côté sur la cour, de l’autre sur le jardin. On appelle bassecour à la campagne, celle où l’on nourrit la volaille & les bestiaux. A la ville, c’est le lieu où sont les écuries, les remises, les équipages, & le logement des bas domestiques. Cohors, chors. On appelle nouvelles de la bassecour, des nouvelles qui se débitent par des gens mal instruits, & peu éclairés. Dans les belles maisons de campagne, il y a aussi une avant-cour, qui est un lieu fermé de murailles couvert de gazon, qui est au devant de la principale cour du château.

Nicod dérive ce mot du latin cohors, qui se trouve dans plusieurs Auteurs en la même signification. Et Ménage dit qu’il vient de cortis, & non pas de curia. Ce mot cohors ou chors, signifioit ordinairement ce que nous appelons cour de maison. Elle étoit ronde, & a donné le nom à la troupe des soldats qu’on a depuis appelée cohorte, qui faisoit partie, d’une Légion. En Picardie & en Bassigni on appeloit court, le château du Seigneur ; & on disoit, je m’en vais à la court d’un tel ; pour dire, en sa maison, en son château ; & de-là vient que la plupart des noms des villages se terminent en court. Voyez Court.

Cour de Collège. C’est une grande place qui est dans le Collège, & où les Ecoliers jouent & se divertissent. Area.

Cour, se dit aussi du lieu où est un Souverain, & de sa suite. Dans cette acception la Cour est composée des Princes & Princesses, des Ministres, des Seigneurs & des Officiers attachés par leurs places auprès du Souverain. Aula. Un Courtisan doit être toujours à la Cour, ou aller souvent à la Cour. Les Cours seroient désertes, & les Rois presque seuls, si l’on étoit guéri de la vanité de l’intérêt. La Bruy. C’est à la Cour que les passions s’excitent, & conspirent contre l’innocence. Fléch. La fourberie passe pour une vertu à la Cour. Arn. La Cour est un extrait de tout le Royaume : tout ce qu’il y a de plus fin & de plus pur s’y rencontre. S. Evr. Remarquez qu’il y a bien de la différence entre un homme, ou une femme de Cour, & un homme ou une femme de la Cour. Une femme de Cour est d’ordinaire une femme d’intrigue. Mais une femme de la Cour, est une femme que sa naissance, ou ses emplois attachent à la Cour. Bouh. L’esprit d’une femme de la Cour est plus actif que celui d’une Paysanne. Port\-R. Il a écrit en Cour, il est bien en Cour : ces expressions ont vieilli, & Vaugelas les condamne dans ses remarques. Il faut dire, il a écrit à la Cour, il est bien à la Cour.

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugemens de cour vous rendront blanc ou noir. La Font.

Ne voise au bal qui n’aimera la danse,
Ny au banquet qui ne voudra manger,
Ny sur la mer qui craindra le danger,
Ny à la Cour qui dira ce qu’il pense. Pybrac.

Ne soyez à la Cour, si vous voulez y plaire,
Ni fade adulateur, ni parleur trop sincere. La Font.

Ce nom, en ce sens, vient selon le Jésuite Gretser, Obser. L. II, C. 6, in Codini, C. 5, de cortis ou curtis, κόρτη, qui a signifié une Tente, qui s’est pris aussi pour toute la cour d’un Prince, d’où s’est fait courtoisie, & en Allemand cortesich, qui veut dire courtoisement, poliment. Il y a dans les Loix des Allemands un titre De eo qui in curte Regis furtum commiserit ; un autre, De eo qui in curte Ducis hominem occiderit. Cour s’est dit en France pour le Château d’un Seigneur. Voyez ci-dessus les étymologies. Curtis est un nom Romanesque, ou fait du latin cohors ou chors, par les Gaulois ; & cohors ou chors, viennent du grec κόρτος. Voyez aussi Chiflet, Gloss. Salicum.

Cour céleste, en style de dévotion & de Poësie, synonime de paradis. Aula cælestis.

☞ Le mot de cour se prend particulièrement pour le Roi & son Conseil. C’est dans ce sens qu’on dit, attendre, recevoir des ordres de la Cour. La Cour a dépêché des couriers, &c. un tel est bien à la Cour.

Cour se prend encore pour l’air, la manière de vivre de la Cour. Aulicorum mores.

Cet homme fait bien la Cour ; il a bien pris l’air de la Cour. Il fait toutes les intrigues de la Cour. Cet homme n’est plus à la mode, il est de la vieille Cour. Un homme qui fait la Cour est maître de son geste, de ses yeux, de son visage, sourit à ses ennemis, contraint son humeur, déguise ses passions, dément son cœur, parle & agit contre ses sentimens. La Bruy. Je ne suis point la dupe de ces hypocrites de Cour, qui prêchent les autres sur la retraite. S. Evr. Un homme de Cour, est un homme souple, adroit : mais faux & artificieux, & qui met tout en usage pour parvenir à ses fins. Bouh. Aulicus. Balzac appelle les gens de Cour, des Renards de Cour. N’espérez plus de franchise, ni de candeur d’un homme qui s’est livré à la Cour, & qui secrettement veut faire fortune. La Bruy. Les jurisconsultes de Cour, toujours bien assortis de maximes flatteuses, ne manquèrent pas d’étaler leur éloquence mercenaire. Tour.

On appelle Evêque de Cour, un Evêque attaché à la Cour, qui ne réside point, qui brigue la faveur. L’Auteur de trois volumes intitulés l’Evêque de Cour, oppose un Evêque de Cour, à un Evêque Apostolique.

On appelle, eau bénite de Cour, les vaines promesses, les caresses trompeuses, & les complimens tels qu’en font les gens de Cour. Amis de Cour, des amis sur qui on ne peut guère compter. ☞ Esprit de Cour, expression employée par Corneille dans Rodogune, pour un esprit de Cour, & nourri chez les Grands ; c’est Cléopatre qui parle ainsi. Ce n’est pas là, dit Voltaire, le langage d’une Reine. Esprit de Cour est une expression bourgeoise.

☞ On dit proverbialement d’une maison où chacun veut commander, que c’est la Cour du Roi Pétaut.

☞ Avoir bouche à cour chez le Roi, chez un Prince, c’est avoir droit de manger aux tables entretenues par le Roi, par le Prince. Tel Officier a des appointemens considérables, & bouche à cour.

Cour se prend encore pour la suite d’un Prince, quoiqu’il ne soit pas souverain d’un grand Seigneur : il est de la cour d’un tel Prince. Les petites cours ont leurs intrigues aussi bien que les grandes.

Cour se prend encore souvent pour les respects, les assiduités qu’on rend à quelqu’un, à un Supérieur, à un Seigneur. Obsequium, officiosa sodalitas. Faire sa cour au Roi, aux Ministres, aux Grands.

☞ On dit de même, faire la cour à une femme, pour marquer les soins qu’on prend pour lui plaire. Affectari, blandiri, palpari mulieri. Il y a long temps qu’il fait la cour à cette veuve.

☞ Dans cette acception, faire la cour à une femme, est une expression bannie du style tragique ; Voltaire, dans ses remarques sur Nicomede.

☞ Faire la cour de quelqu’un, lui rendre de bons offices auprès de quelqu’un. Vous avez besoin d’un tel, je lui ai bien fait votre cour.

Cour. (Hist. ancienne.) Curia. Selon Festus, c’étoit le lieu où s’assembloient ceux qui avoient soin des affaires publiques. Mais Curia, chez les Romains, signifioit plutôt les personnes qui composoient le Conseil, que le lieu où se faisoit l’assemblée, parce que ce lieu n’étoit point certain : le Sénat s’assemblant, tantôt dans un Temple, tantôt dans un autre. Il y avoit néanmoins de certains lieux appelés Curia, comme Curia Hostiliia, Curia Calabra, Curia Saliorum, Curia Pompei, Curia Augusti : mais on ne iait pas trop ce que c’étoit. Ces cours étoient de deux sortes ; les unes où les Pontifes s’assembloient pour régler les affaires de la Religion : on les appeloit d’un nom général Curiæ veteres. On en comptoit quatre, Foriensis, Ravia, Vellensis & Velitia, qui étoient dans le dixième quartier de la ville ; les autres où le Sénat s’assembloit pour les affaires de l’Etat. Curiæ ubi sacerdotes res divinas curarent, ut curiæ veteres : & ubi Senatus humanas, ut curia hostilia, dit Varron.

Cour signifie aussi le lieu où les Juges exercent leur Juridiction. Curia, Senatus. Ce procès a été jugé en la Cour de Parlement, en la Cour des Pairs en pleine audience. On prononce dans les Arrêts, hors de Cour.

☞ On donnoit autrefois le nom de Cour à tous les Tribunaux, & l’on disoit Cour du Seigneur, Cour d’Eglise, (nom présentement réservé aux Juridictions Souveraines). C’est dans ce sens qu’un Juge, même inférieur, met les Parties hors de Cour, les renvoie, & les met hors de procès. (Voyez hors de Cour.)

☞ Dans les Coutumes, il est parlé de la Cour féodale, où les vassaux des Seigneurs sont Jugés. Cour foncière, la Basse-Justice pour les droits fonciers. Cour personnelle, celle où les Parties doivent comparoître & procéder en personne.

☞ Ravoir la Cour, c’est obtenir le renvoi d’une cause. Rendre la Cour à ses hommes, c’est renvoyer les Parties en la Justice de ses vassaux.

Cour se dit aussi du pouvoir de juger. Dans les Arrêts de renvoi du Conseil, le Roi dit qu’il attribue aux Juges par lui délégués toute Cour & Juridiction, pour connoître d’une affaire.

Cour, siège de Justice, assemblée de Juges. Curia. Les Cours se distinguent en Cours Souveraines & en Cours Subalternes. Cour Souveraine, est une Cour supérieure, qui, sous l’autorité du Roi, connoît des différens des particuliers souverainement & sans appel, & dont les jugemens ne peuvent être cassés que par le Roi en son Conseil. Superiores Curiæ. Comme sont les Parlemens, le Grand Conseil, les Chambres des Comptes, les Cours des Aides & la Cour des Monnoies de Paris, & Messieurs des Requêtes de l’Hôtel, quand ils jugent au Souverain. Voyez tous ces articles, chacun à sa place.

Les Cours se distinguent en Souveraines : ces Cours Souveraines sont indépendantes les unes des autres, & elles sont également puissantes dans l’étendue de leur ressort. Les autres sont subalternes, ou inférieures, comme celles des Présidiaux & Sièges Royaux, qui ne jugent point souverainement & sans appel. Elles se distinguent aussi en Cours Laïques & en Cours Ecclésiastiques ou d’Eglise. Inferiores Curiæ. On dit aussi, la Cour de Rome, en parlant des lettres qui s’expédient en Chancellerie & en la Pénitencerie de Rome. Romana Curia.

Il y a quatre principales Cours en Angleterre, qui subsistent encore aujourd’hui, & qui ont été établies par l’ancienne coutume du Royaume ; plutôt que par aucun statut ; seulement de temps en temps elles ont tenu leur constitution par les actes de Parlemens. Ces Cours sont celles du Banc du Roi, celle des Plaidoiers communs, celle des Finances ou de l’Echiquier, & celle de la Chancellerie.

Cour de Chrétienté. C’est ainsi qu’on appeloit autrefois la Juridiction des Evêques. Episcopalis Curia. Cette Juridiction embrassoit toutes sortes d’affaires. L’Evêque, par son Official ou par lui-même, quand il vouloit, connoissoit de toutes les choses où l’Eglise avoit intérêt ; il connoissoir de plus, des marchés avec serment, des mariages, des testamens, des sacrilèges, du parjure, de l’adultère, & généralement de toutes les actions où il peut y avoir du péché. Le Gendre. Bien des choses avoient contribué à établir & à étendre la Juridiction des Prélats ; le crédit que donne leur place, le respect qu’on avoit pour eux, leurs vertus extraordinaires, & leur capacité beaucoup plus grande en ce temps-là que n’étoit celle des séculiers, qui ne sçavoient la plûpart ni lire ni écrire. Id. Le crédit des Papes qui soûtenoient cette Juridiction, étant venu à diminuer, les Evêques qui les exerçoient, n’ayant plus la réputation où étoient leurs prédécesseurs ; d’un autre côté, la noblesse s’étant ennuyée d’être soumise, comme le peuple, à la correction des Prêtres ; enfin, les laïques s’étant appliqués à l’étude des loix, pour participer au profit que rapportent ordinairement les affaires litigieuses, la Juridiction séculière a tellement pris le dessus, qu’elle a presque absorbé la Juridiction des Evêques. Ce changement arriva tard. Pendant plus de mille ans, ni Duc, ni Comte, ni Centenier, n’eut osé entreprendre sur la Justice de l’Eglise. Id.

Cour Majour, comme on prononce en Gascogne, ou Cour majeure, comme il faut dire en François. Cour Souveraine de Bearn, qui étoit en usage du temps du Comte Centulle IV, pour juger souverainement les procès des habitans de Bearn. On l’appeloit aussi Cour plénière. Curia suprema Bearnensis. Supremus Bearnensis ditionis Senatus.

Les grandes affaires qui regardoient l’intérêt général du pays y étoient résolues ; & la décision des causes particulières s’y faisoit souverainement par le Seigneur, avec les Evêques & ses Vassaux, ou par ceux d’entr’eux que les parties élisoient, & qui sont appelés les Jurats de la Cour, dans le for de Morlas, & dans les anciens titres latins, Conjuratores & legitimi proceres. L’origine de cette Cour doit être prise des loix Romaines du Code Théodosien, suivant lesquelles les Gouverneurs assembloient les principaux de la Province pour faire les réglemens nécessaires, ce que les Romains appellent agere fora & conventus ; & en ces assemblées, ils rendoient justice avec le conseil de leur Assesseur. Mais plus particulièrement on apprend par l’Edit d’Alaric, Roi des Visigoths, qui confirme ce Code, que la publication en fut arrêtée avec l’avis des Evêques, & des principaux députés du Royaume, de même que les loix Visigotiques furent ordonnées depuis pour l’Espagne, par le Roi Rechesvind, de l’avis des Evêques & des Seigneurs de son Palais ; & en la première & seconde race de nos Rois, les grandes causes furent jugées, & les réglemens faits avec l’avis des Evêques & les premiers Vassaux du Royaume. De Marca, Hist. de Bearn, L. IV, C. 17. L. V, c 3. Cet Auteur décrit l’ordre observé en la tenue de cette Cour, L. VI, c. 23. Elle fut suprimée du temps du Roi Jean, & de la Reine Catherine de Navarre environ l’an 1490, le Conseil souverain lui ayant été substitué. Id.

Cour plénière. On appelle ainsi ces magnifiques assemblées que nos anciens Rois faisoient à Noël & à Pâques, ou à l’occasion d’un mariage ou d’un autre sujet de joie extraordinaire, tantôt dans un de leurs Palais, tantôt dans quelque grande ville, quelquefois en pleine campagne ; toujours en un lieu commode pour y loger les Grands Seigneurs. Tous étoient invités à cette assemblée, & obligés de s’y trouver. Le Gendre. Les Rois portoient dans les Cours plénières un sceptre à la main & une couronne sur la tête, Id. Cet Auteur en décrit les cérémonies dans ses Mœurs des François, p. 23, & suiv. Les Cours plénières furent plus fréquentes sous les Rois de la seconde race, qu’elles ne l’avoient encore été. Elles étoient magnifiques sous Charlemagne. Cette magnificence alla toujours en diminuant depuis le règne de Charles le simple. Son fils & son petit fils avoient si peu de revenu, qu’ils eussent été incommodés de tenir de ces Cours plénières. Hugues Capet les rérablit, Robert continua. Tout modeste qu’étoit S. Louis dans ses meubles, table & habits, il outroit la somptuosité en ces jours de cérémonie. Il s’en falloit néanmoins beaucoup que ces nouvelles Cours plénières eussent la majesté & le lustre des anciennes, parce que les Comtes & les Ducs devenus Princes souverains, en convoquoient d’autres chez eux, & dédaignoient de se trouver à celles qu’indiquoient les Rois. Id. Sous Charles VII, plus de Cours plénieres, les grandes sommes qu’il en coûtoit pour les tenir, furent cause qu’on n’en tint plus. Id.

Cour Royale, c’étoit la même chose que Cour plénière, dont nous venons de parler. Les Rois y paroissoient la courone sur la tête, c’est pourquoi on les appeloit aussi Cours couronnées. On les nommoit encore Cours solennelles, fêtes royales.

Cour Royale, terme de Fleuriste. C’est un œillet brun & blanc, régulièrement panaché : sa fleur est grasse & large, sa plante vigoureuse. Morin.