Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORPORAL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 926-927).
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CORPORAL. s. m. terme de Liturgie, linge sacré, fin & délié, qu’on étend sous le calice en disant la Messe, pour recevoir les fragmens de l’hostie, s’il en tomboit quelques-uns. Corporale. Le Corporal étoit autrefois une grande nappe qui couvroit tout l’Autel. Le Corporal doit être de toile de lin, ou de chanvre sans aucun ornement, si ce n’est vers les bords. Il y en a qui disent que le Pape Eusèbe a le premier ordonné l’usage du Corporal ; d’autres disent que c’est Saint Silvestre. Voyez Alcuin, Burchard, Gavantus, Polidore Virgile. Philippe de Comines dit que le Pape envoya au Roi Louis XI le Corporal sur lequel chantoit Monseigneur Saint Pierre. C’étoit la coutume de porter un Corporal aux incendies, & de l’élever contre le feu, pour l’éteindre. Voyez D. Mabillon, Acta Sanct. Ben. sæc. VI, p. I, præf. §. V, n. 46, & Aimoin, LI, de Mirac. S. Benedicti, C. 9.

Ce mot vient de corpus, corps, dont on a fait corporale, comme de pectus, pectorale, & humerale de humerus. On a donné ce nom à ce linge, parce que c’est sur ce linge que se met, que repose le Corps de Notre Seigneur pendant le sacrifice de la Messe. Au reste, ce mot est très-ancien. On le trouve dans tous les Ordres Romains, dans le Sacramentaire de S. Grégoire, dans Saint Isidore, Epist. penult. dans les Capitulaires de nos Rois de l’an 810, n. 431 du Livre VIII, dans Amalaris, L. III, C. 19. Dans le Rit Ambrosien on l’appelle le linceul, Syndon, parce qu’on le regarde comme le linceul dans lequel N. S. fut enseveli.

☞ Le peuple appelle Corporal un bas Officier de guerre qu’on appelle plus communément Caporal. Corporal est constamment l’ancien nom qui a été formé de celui de corps de garde, parce que ce bas Officier y commande au défaut d’autres Officiers. Ce mot est tiré du françois, au lieu que celui de Caporal qu’on y a substitué, & qui est seul en usage parmi les honnêtes gens, est pris de la langue italienne. Voyez les Dial. sur le nouveau langage, pag. 271