Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONTRAINTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 862).
CONTRAIRE  ►

Contrainte, s. f. atteinte portée à la liberté dans le temps de la délibération, par des oppositions gênantes, qui font qu’on se détermine contre sa propre inclination. Vis. Le cœur s’oppose, & se soulève naturellement contre la contrainte. S. Evr. Il faut accoutumer les enfans au respect par raison, & non par force. Il y a je ne sai quoi de servile dans la contrainte & dans la rigueur. Mont. La force & la contrainte ne servent qu’à endurcir la conscience, & à déraciner la piété du cœur des hommes. Claud. Nous avons tant d’amour pour la liberté, que ce qui nous est aisé, quand nous le faisons sans contrainte, nous devient insupportable si nous y sommes forcés. Ch. de Mer. La confiance qu’il prenoit en moi, me faisoit prendre des résolutions plus austères qu’aucune contrainte n’auroit pû faire. P. de Cl. C’est une nullité à un contrat, d’avoir été fait par contrainte.

Contrainte, terme Dogmatique, violence qui est faite à la liberté par un principe extérieur, ou qui est hors de nous. Coactio. Pour être véritablement libre, il ne suffit pas d’être exempt de contrainte, il faut aussi l’être de nécessité. La volonté ne souffre jamais de contrainte dans ses propres actions, car elle veut toujours ce qu’elle veut. Voyez Liberté.

Contrainte se dit aussi de la retenue que la considération & le respect nous obligent d’avoir. A la table des grands, on est dans une grande contrainte, dans une grande retenue. L’épanchement de cœur que permet l’amitié est d’autant plus sensible, qu’il adoucit la contrainte du monde, où l’on est toujours en spectacle. Sous prétexte d’observer les bienséances, il ne faut pas vivre d’une manière gênante, ni se tenir dans une contrainte mélancolique. Bell. Tout ce qui a l’air de contrainte, est extrêmement opposé à la liberté naturelle des François. Id. La vertu est naturellement austère, par la contrainte qu’elle impose au cœur, en réprimant ses désirs. P. Rap.

L’amour fuit la contrainte
De tous ces noms que suit le respect & la crainte.

Rac.

☞ Ce mot convient encore quand il est question d’exprimer la gêne où l’on est quand on est trop serré dans ses habits. Votre habit, vos souliers vous sont trop étroits, vous devez être dans une grande contrainte, comment pouvez-vous souffrir cette contrainte ? Acad. Fr.

On le dit aussi en parlant du style, du langage. On se dégoûte bientôt d’une certaine contrainte de langage, que l’on tâche de faire ressembler au naturel, tout étudié qu’il est. Val. Un Auteur doit prendre garde à ne pas étouffer son propre génie sous la contrainte de l’imitation. Il lui échappe quelquefois (à M. la Duchesse du Maine) des productions d’un goût savant & délicat, où se font sentir à la fois la finesse & la nouveauté des pensées, le charme de l’expression, & sur tout cet air aisé, libre des contraintes de l’art. Rare présent de la nature, que ne supplée point le plus profond savoir. Mariotte.

Contrainte, en termes de Pratique, exprime toutes les voies que l’on peut employer pour forcer quelqu’un à faire une chose à laquelle il est obligé ou condamné. Il signifie aussi le titre même qui donne le droit d’user de contrainte, jugement, ordonnance. Acte en vertu duquel on peut forcer quelque chose. Potestas cogendi alicujus ad faciendum aliquid per sententiam judicis data. On a mis la contrainte entre les mains des Sergens. On a délivré des contraintes pour le payement de ces taxes. Tous les exécutoires de Justice sont des contraintes. L’Ordonnance de Moulins avoit introduit une contrainte par corps après les quatre mois : elle est abolie à l’égard des dettes civiles par l’Ordonnance de 1667, excepté pour les dépens au dessus de 200 liv. Il a fallu obtenir une contrainte pour faire sortir ce locataire d’une telle maison. Voyez Corps.