Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONNOÎTRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 815-816).
CONNOR  ►

CONNOÎTRE, v. a. Novisse, cognoscere. Il a au présent je connois. Corn. & à l’impératif connoi, ou connois, lorsqu’il est suivi du relatif en, connois-en l’importance. Vaug. Appercevoir la convenance ou la disconvenance de ce qui est l’objet actuel de nos pensées, ou les rapports des idées qui ont déjà été présentées à notre esprit. Connoître le bien & le mal. Voyez Connoissance.

☞ Dans l’usage ordinaire, ce mot a plusieurs acceptions différentes, dont quelques-unes même sont fort éloignées de la principale.

☞ Il signifie quelquefois avoir une idée empreinte dans l’esprit, que quelqu’objet présent rappelle. Il me semble que je connois cet homme-là. Je ne le connois que de vue ; je le connois à sa voix, à ses manières. J’étois connu de lui comme on se connoît dans la foule, sans avoir rien de particulier avec lui.

☞ On dit de quelqu’un qu’on le connoissoit mal, quand on se trompe au caractère. Mais quand on ignore quel est l’homme à qui l’on parle, il faut dire, je ne le connoissois pas, & non je le connoissois mal, comme a fait Corneille dans une de ses pièces.

Connoître signifie aussi avoir une grande pratique, un grand usage des choses que l’on a examinées & étudiées, pénétrer jusqu’au fond des choses. Summam habere rei alicujus notitiam. Il connoît cette science à fond. Cet homme connoît les tableaux, se connoît en pierreries.

☞ On le dit également des personnes. On ne connoît presque jamais parfaitement personne : la connoissance des gens qu’on voit le plus souvent, n’est qu’un art de conjecture, où l’on se trompe facilement. Scud. On croit connoître ses amis ; mais dans la suite la fortune ou l’ambition renverse tout ; & votre discernement trouvant toujours une nouvelle occupation, se lasse, & se rebute & cesse de chercher à connoître ce qu’il avoit cru connoître pour toujours. Id. Nous avons plus d’intérêt à jouir du monde qu’à le connoître. S. Evr. Pour bien connoître l’homme, il faut descendre dans son cœur, afin d’y voir les passions se former.

☞ C’est dans ce sens qu’on dit qu’un pilote connoît la mer ; qu’un homme connoît le monde, qu’un courtisan connoît la Cour.

Les Princes sont d’étranges gens,
Heureux qui ne les connoît guère,
Plus heureux qui n’en a que faire.

☞ On dit, dans le même sens, se connoître soi-même. Le précepte de se connoître soi-même, nosce te ipsum, est un principe de conduite, sans lequel on fait bien de faux pas. Nic. On n’est vertueux que par hasard, quand on ne se connoît point. Pour ceux qui commandent aux autres, rien ne leur aide à se connoître, ils sont seuls à juger d’eux-mêmes. La raison pourquoi on connoît mieux les autres qu’on ne se connoît soi-même, est que par le commerce que nous avons avec nos propres inclinations, rien ne nous est nouveau en nous-mêmes, & tout nous est nouveau en autrui. Scud.

Connoître à (Se), ou en quelque chose, c’est y être plus propre que les autres, être en état d’en juger. Les femmes se connoissent plus finement à bien faire les choses, parce que l’avantage de plaire leur est naturel. Le Ch. de M. Se connoître en poësie, en musique, &c.

Connoître, (Se faire) montrer ce qu’on est. Manifestare, probare se. Il s’est fait connoître, il s’est signalé en cette occasion. Quelqu’un reprochant au jeune Scipion, qui briguoit la censure, qu’il ne connoissoit personne, c’est, répondit-il, que j’ai toujours travaillé à me faire connoître, plutôt qu’à connoître les autres.

Connoître se dit quelquefois pour avoir des habitudes, commerce avec quelqu’un. Il connoît tout le monde. Je ne connois point cet homme-là, ni ne le veux connoître.

☞ En style d’Ecriture, connoître une femme, c’est avoir commerce avec elle, cognoscere. L’Ecriture dit que David coucha avec Abigaïl, mais qu’il ne la connut point.

Connoître, paroît quelquefois synonyme à discerner. La nuit étoit si noire, qu’on ne pouvoit connoître personne.

Connoître signifie quelquefois avoir de la considération, des égards pour les autres. Habere rationem. Il se joint avec la particule négative. Un juge doit être impartial, ne connoître personne quand il s’agit de rendre justice. Les gens fiers n’ont jamais d’amis ; dans la prospérité, ils ne connoissent personne ; & dans l’adversité, personne ne les connoît.

☞ Dans une signification plus étendue, il signifie refuser d’admettre, de recevoir. Ne connoître point de supérieur, n’en point avoir, ou prétendre n’en point avoir. Agnoscere, admittere. Les Grecs ne veulent point connoître le Pape, avouer qu’il est chef de l’Eglise Universelle. C’est dans ce Cens qu’on dit qu’un libertin ne connoît ni Dieu ni Diable.

☞ On le dit de même des loix, des coutumes qui ne sont point admises, qui ne sont point reçues en certains pays. On ne connoît point la Communauté des biens en Normandie. En tel endroit on ne connoît point le Droit Romain, en France nous ne connoissons point la Bulle, In cœnâ Domini.

Connoître signifie encore sentir, éprouver. Experire, sentire. Ce climat est si tempéré, qu’on n’y connoît ni le chaud, ni le froid ; pour dire, qu’on n’y en sent point : on n’y connoît point la goutte, la gravelle.

☞ En termes de Manège, on dit qu’un cheval connoît la bride, les éperons, &c. pour dire, qu’il répond avec justesse à ces aides, qu’il sent & exécute ce que le cavalier demande par les aides de la bride, des éperons, &c. Voyez répondre aux aides.

Connoître, construit avec de, ou quelque équivalent, signifie avec droit, pouvoir de juger de certaines matières. Jus habere de se aliqua cognoscendi. Les Prévôts des Marchands connoissent de tous les cas Royaux. Le Parlement connoît des duels, des affaires des Ducs & Pairs en première instance. Le Grand-Conseil connoît des règlemens de Juges, de la contrariété d’Arrêt. Je ne veux point connoître de vos différends ; c’est-à-dire, je ne veux point m’en mêler.

On dit populairement d’un homme que l’on ne connoît en aucune sorte : je ne le connois ni d’Eve ni d’Adam.

On dit qu’un homme ne se connoît point ; pour dire, que l’orgueil lui fait oublier ce qu’il est. Et on dit aussi qu’il ne se connoît point, lorsque quelque passion le met hors de lui. Acad. Fr.

Connoître signifie quelquefois dans l’Ecriture, aimer, approuver, comme au ch. 10 de S. Jean, v. 24, où Jesus-Christ dit : je connois mes brebis, & mes brebis me connoissent ; c’est-à-dire, ; j’aime mes brebis, & mes brebis m’aiment, au ch. 7 de S. Matth. v. 23. Jesus-Christ dit, parlant aux méchans, je ne vous ai jamais connu ; c’est-à-dire, je ne vous ai jamais approuvé. C’est en ce même sens qu’au ch. 25 de S. Matth. v. 12, Jesus-Christ dit aux Vierges folles ; je ne vous connois point. S. Paul, dans son Epitre 2, à Timothée, dit, que le Seigneur connoît ceux qui sont à lui ; c’est-à-dire, aime.

CONNU, UE, part. & adj. Cognitus, notus.

On appelle les terres connues, les terres découvertes par les Voyageurs, ou marquées par les Géographes ; par opposition aux inconnues, où l’on n’a point pénétré.