Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONNOISSANCE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 814-815).

☞ CONNOISSANCE. s. f. C’est en général la représentation que l’esprit se fait d’un objet, c’est-à-dire, la perception de la convenance ou disconvenance qui se trouve entre deux de nos idées, cognitio. La connoissance actuelle est la perception présente que l’esprit a de la convenance ou de la disconvenance de quelqu’unes de ses idées, ou du rapport qu’elles ont l’une à l’autre.

Connoissances, (Les) en matière de philosophie, & sur-tout en Algèbre, ne s’acquierent que par trois voies ; l’une qu’on appelle synthétique, ou de composition, lorsque d’une chose connue on descend à une moins connue, dont on tire une conséquence. La seconde analytique, lorsque de la conclusion on remonte aux principes sur lesquels elle est fondée. La troisième s’appelle d’inquisition, lorsque, sans avoir proposé aucune conséquence à démontrer, on examine avec attention les principes, & on regarde quelle conséquence on en peut tirer.

☞ On dit qu’un homme connoît une proposition, lorsque cette proposition ayant été une fois présentée à son esprit, il a apperçû la convenance ou la disconvenance des idées dont elle est composée, & qu’il l’a placée de telle manière dans sa mémoire, que toutes les fois qu’il vient à réfléchir sur cette proposition, il en voit la vérité, ou conserve la souvenir de la conviction, sans en retenir les preuves. C’est ce qu’on appelle connoissance habituelle.

☞ C’est ce précieux dépôt de vérités, confié à la mémoire, qui fait les richesses de l’esprit, auquel on donne le nom de connoissances. Cet homme a acquis plusieurs connoissances dans la physique par des expériences & une étude de trente ans. Démosthène se remplit l’esprit de toutes les connoissances qui pouvoient l’embellir.

☞ On dit qu’un homme à bien des connoissances, qu’il a de grandes connoissances ; pour dire, qu’il sait, qu’il a appris bien des choses ; qu’il a une grande connoissance de certaines choses, comme livres, tableaux ; pour dire, qu’il a une grande pratique, un grand usage de ces choses là, qu’il est en état d’en juger ; parler en connoissance de cause, être au fait de l’affaire dont on parle.

Connoissance se dit aussi de l’étude, & de l’attention qu’on a faite ou sur soi-même, ou sur les autres, pour en pénétrer le fonds, & en connoître les bonnes, ou les mauvaises qualités. Sans la connoissance de soi-même, toutes les vertus qu’on a d’ailleurs sont des occasions de chûte, parce qu’on ne sait pas mesurer ses forces à ses entreprises. Nic.

Connoissance se dit de la fonction, de l’exercice des facultés de l’ame. C’est dans ce sens qu’on dit, dans le langage ordinaire, qu’un homme a perdu connoissance, est sans connoissance. Il s’est donné un coup si violent en tombant, qu’il a perdu toute connoissance. Mens, ratio. On dit qu’un enfant est en âge de connoissance, quand il est en âge de raison, de discrétion. Rationis compos.

Connoissance signifie aussi juridiction, droit qu’on a de juger de quelque chose. Jus cognoscendi de re aliqua. Le Juge d’Eglise ne prend connoissance que des choses purement spirituelles. On a attribué au Parlement la connoissance des duels. Le Conseil a évoqué à lui, & retenu la connoissance de ce procès, & l’a interdit à tous autres Juges.

Connoissance se dit encore des personnes ☞ avec lesquelles l’on a ou l’on a eu des relations, des habitudes, qu’on voit souvent. Familiaritas, amicitia, consuetudo. On trouve bien peu de vrais amis, mais il est aisé de faire bien des connoissances. Faire de nouvelles connoissances, préférer les nouvelles aux anciennes. Je vous veux donner la connoissance de cet homme. Il lui a donné à dîner pour renouveller connoissance Cet homme a bien des connoissances, des amis, des intrigues. J’étois un jeune homme avide de connoissances illustres. Ménage.

☞ Dans ce sens, on dit qu’on est en pays de connoissance, quand on est dans un lieu où l’on connoît ceux qui y sont & où l’on est connu. On le dit au propre de personnes, & au figuré des choses auxquelles ont est accoutumé ; quand on parle à un géometre de figures, il dit qu’il est en pays de connoissance.

Connoissance charnelle, en termes de Palais, & en style de casuiste, signifie habitation charnelle, conjonction de l’homme & de la femme pour la génération. Coitus. L’affinité charnelle est une proximité qui provient d’une connoissance charnelle, sans aucune parenté naturelle. Pontas. L’affinité provient non-seulement de la connoissance charnelle, qui est permise dans le mariage, mais encore de toute autre en général, quelque illégitime & illicite qu’elle doit. Id.

Connoissances, en termes de Chasse. ☞ Certaines marques imprimées par le pié du cerf, & & auxquelles on reconnoît l’âge & la grosseur du cerf que l'on chasse. On le dit aussi des indices de l’âge & de la forme du cerf par les autres parties, par la tête, les fumées. Indicia, vestigia. Ainsi Moliere a fait dire à un Chasseur, dans ses Fâcheux, des pinces de son cerf, & de ses connoissances. On dit qu’un cerf a une connoissance, quand il se peut faire distinguer des autres par quelques marques.

On a aussi sur la mer connoissance des cîtes par les divers signes qui s’y rencontrent, qui font juger du lieu ou l’on est, tant par la description qu’on en trouve dans les Routiers, que par la couleur & hauteur des terres, caps & montagnes qu’on découvre, & par la nature du fond & du sable, les herbes, poissons & oiseaux qu’on y voit, & autres indices. Locorum notitia. Avoir connoissance d’une terre se dit sur mer, pour la voir.