Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMBAT

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 702-703).
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☞ COMBAT. s. m. Certamen, pugna. C’est, disent les Vocabulistes, l’action par laquelle on combat contre quelqu’un avec qui l’on a une querelle, un différent. Un combat d’infanterie, de cavalerie. N’insistons pas sur cette définition, c’est assez de la lire. Le combat est une action par laquelle on en vient aux mains avec quelqu’un, on se bat avec quelqu’un, par la voie des armes. Combat d’homme à homme. Combat singulier, combat à outrance. En parlant des combats entre les gens de guerre, c’est une action moins générale que la bataille, souvent imprévue ; une action d’une partie des troupes seulement. Les actions qui se sont passées à Cannes entre les Carthaginois & les Romains, à Pharsale entre César & Pompée, sont des batailles. Mais l’action où les Horaces & les Curiaces décidèrent du sort de Rome & d’Albe, celle du passage du Rhin, la défaite d’un convoi ou d’un parti sont des combats. Syn. Fr. La bataille de Nerwinde, le combat de Leuse, où 18 ou 20 escadrons de la maison du Roi en battirent 72 des ennemis. Combat de cavalerie, equestris pugna, d’infanterie, pedestris. Combat naval, rencontre d’un ou de plusieurs vaisseaux ennemis ou d’escadres qui se battent. Navale prælium.

☞ On dit attirer l’ennemi au combat, livrer combat, tenter la fortune du combat, soûtenir le combat ; donner, hasarder un combat ; présenter, accepter le combat ; éviter, rétablir, finir le combat.

☞ Les Vocabulistes ajoutent une remarque qui ne vaux guère mieux que leur définition : la voici. Quoique combat dise régulièrement moins que bataille, il se prend néanmoins quelquefois pour bataille. Il y eut un combat sanglant entre les deux armées. Il est vrai que le mot de combat dit moins que bataille ; mais il n’est pas vrai que dans l’exemple même qu’ils apportent, ce mot soit synonyme de bataille. Le mot de combat a un rapport particulier à l’action même de se battre, que n’a pas le mot de bataille, & voilà l’idée qu’il présente dans l’exemple qu’ils apportent. Je parlerois très-bien en disant avec M. l’Abbé Girard, qu’à la bataille de Fleurus le combat fut opiniâtre & fort chaud. N’est-il pas évident que dans ces occasions le mot combat ne se prend nullement pour bataille, mais exprime seulement l’action de se battre ?

☞ Il y a encore une autre différence entre ces deux mots. Les batailles se donnent seulement entre des armées d’hommes, on les gagne ou on les perd. Les combats se donnent entre les hommes, & se font entre toutes les autres choses qui cherchent ou à se détruire ou à se surmonter : on en sort victorieux, ou l’on y est vaincu. Voyez plus bas les différentes acceptions de ce mot.

Combat singulier, est un combat d’un seul contre un seul ; c’est un duel. Voy. Duel. Singulare certamen. Anciennement les procès se décidoient par le combat. On étoit persuadé que Dieu n’accordoit la victoire qu’à celui qui avoit le meilleur droit. Cela arrivoit en matière civile, aussi bien qu’en matière criminelle. On rapporte que la question, si la représentation a lieu en ligne directe, s’étant présentée devant le Grand Othon, la décision en fut renvoyée à un combat, & au sort des armes. On le pratiquoit particulièrement dans les matières criminelles. On trouve la forme de ces sortes de combat, & les cérémonies qui s’y observoient, dans l’ancien Coutumier de Normandie. L’accusateur juroit sur la vérité de son accusation, & l’accusé lui donnoit le démenti : sur quoi chacun jetoit son gage de bataille en justice. Alors on constituoit les deux champions prisonniers jusqu’au jour du combat. Voyez au mot Champion comment cela se pratiquoit. Philippe le Bel défendit ces combats en 1303, cependant le Parlement de Paris ordonna un pareil combat entre deux Seigneurs par Arrêt de l’an 1386. Et en 1547, Henri II permit que Jarnac & la Chataigneraye combatissent en sa présence. Le défenseur avoit le choix des armes, & s’il n’étoit point vaincu avant le coucher du Soleil, il étoit absous, & censé victorieux. Cet abus étoit autrefois tellement autorisé, que les Evêques & les Juges ecclésistiques ordonnoient le combat dans les choses obscures & douteuses. Pasq. On rapporte qu’Alfonse, Roi de Castille, ayant voulu abolir le rit Mozarabique, pour introduire l’office Romain, & le peuple s’y étant opposé, on convint de terminer le différent par un combat.

On dit qu’un homme est hors de combat, lorsqu’il est blessé ou estropié, & qu’il n’est plus en état de combattre. On le dit aussi, dans un sens moral, d’un homme qui ne peut plus se défendre par paroles, qui ne peut répliquer à son adversaire.

Combat signifie quelquefois le choc, l’action de ceux qui combattent. Conflictus. En cette bataille le combat fut rude, fut sanglant, fut opiniâtre. Dans les premiers temps de la République Romaine, la vaillance avoit je ne sai quoi de féroce, & l’opiniâtreté des combats tenoit lieu de science dans la guerre. Saint Evr. Le naturel ardent de M. le Prince l’a fait croire impétueux dans les combats. Id. On appelle un assaut sans artillerie, un combat de mains.

Combat à la barrière. C’est un exercice de Noblesse, où elle faisoit autrefois des imitations de vrais combats dans les joutes & tournois. Ludicrum certamen, pugna imbratilis.

Combat se dit aussi des jeux solennels des Grecs & des Romains à l’honneur des Dieux, tels qu’étoient les jeux Olympiques, les Pythiens, les Néméens, les Isthmiens, les combats du Cirque, les Actiaques, & les autres dont nous parlerons à leur place. Les combats qui s’y faisoient étoient la course, la lutte, les coups de poing, le palet, &c. Les combattans, qui se nommoient Athlètes, s’y préparoient dès la jeunesse par des exercices continuels, & un régime très-exact. Ils ne mangeoient que de certaines viandes, & à certaines heures ; ils ne buvoient point de vin, & n’avoient point de commerce avec les femmes ; leur travail & leur repos étoit réglé : c’est par l’exemple de ces combattans que S. Paul exhorte les Chrétiens à s’abstenir de tout. Cor. IX, 25.

Combat se dit aussi des animaux. Pugna. Un combat de taureaux, de bêtes farouches.

Combat se dit aussi de toutes les actions par lesquelles une chose en détruit ou cherche à en détruire ou surmonter une autre. Certatio, conflictus, pugna. Il y a un combat perpétuel entre les qualités élémentaires, du chaud contre le froid, de l’humide contre le sec. Il se fait un grand combat dans la séparation de l’ame & du corps.

Combat se dit encore, dans un sens figuré, de toutes sortes de contestations & de disputes, de certains états d’agitation & de trouble, & des contrariétés & oppositions qu’on éprouve. Certamen, pugna. Toute cette dispute n’est qu’un combat d’esprit. C’est un combat perpétuel que celui des sens contre la raison. Il y a des gens si cérémonieux, qu’ils livrent un combat de civilités à chaque passage. M. Scud. On n’est pas tranquillement scélérat, ni exempt de combats intérieurs, & d’agitations secrettes dans le crime. S. Evr. Que je redoute ces durs combats où il faut soûtenir la révolte des sens, & s’armer contre son propre cœur ! S. Evr.

Mais l’on s’efforce en vain par d’assidus combats
A disposer d’un cœur qui ne se donne pas. Corn.

Crois, qu’il m’en a coûté, pour vaincre tant d’amour,
Des combats dont mon cœur saignera plus d’un jour,

Racine.

On appelle combat de fief, en terme de Droit, quand deux Seigneurs qui prétendent la même mouvance d’un fief servant, ou dont l’un prétend la Seigneurie, l’autre la censive, ou tous deux la censive, le font saisir chacun de leur côté, & ont un procès ensemble à ce sujet. Argou. Dans ce cas le Vassal doit se faire recevoir par main Souveraine. Voyez ce mot.