Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CITÉ

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 611).
◄  CITATOIRE
CITEAUX  ►

CITÉ. s. f. Ville fermée de murs. Civitas. Il y a plusieurs grandes cités en ce Royaume. Il ne se dit guère qu’en Poësie, ou en certaines phrases consacrées.

Mais du discours enfin l’harmonieuse adresse,
Rassembla les humains dans les forêts épars ;
Enferma les cités de murs & de remparts. Boil.

☞ Ce mot se prend dans le même sens au figuré. Jérusalem a été appelée la Sainte cité. Le Paradis est la cité céleste.

Autrefois cité, civitas, se disoit des villes où il y avoit Evêché : la Bulle d’érection, de division, & d’assignation des Evêchés de Poitiers, de Maillezais & de Luçon, est remarquable pour cela : le Pape dit, dans cet acte, qu’il érige en cités les villes de Maillezais & de Luçon. Maliasensein & de Lucioni villas in civitates erigimus ; & civitatum vocabulo decoramus. ☞ Si le siège Episcopal d’une ville étoit hors les murs, l’endroit où il étoit, s’appeloit cité, & la ville retenoit le nom de ville. Et encore aujourd’hui on appelle à Arras du nom de cité, & la ville retenoir le nom de ville. Et encore aujourd’hui on appelle à Arras du nom de cité, cette partie de la ville où est la cathédrale ; & l’autre partie qui est séparée de la première par des murailles, s’appelle la ville. On pourroit ajouter plusieurs autres exemples à celui-ci. Celui de Couserans, celui de Limoges, &c.

Cité s’est dit autrefois du territoire dépendant d’un siège épiscopal, c’est-à-dire du Diocèse. La cité de Soissons renfermoit sous Chilperic à peu près ce qui en fait aujourd’hui le Diocèse. Le mot cité dans ce sens conservoit quelque chose du mot latin civitas dont nous parlerons plus bas.

Cité se dit encore particulièrement du cœur de la ville, du lieu où est la cathédrale, le Palais du Prince, quoique ces lieux ne soient pas séparés par des murs. À Paris il y a cité, ville & université. Il y en a même qui prétendent qu’il ne se dit ordinairement que des places où il y a deux villes, l’une vieille, & l’autre bâtie depuis peu, & que la vieille porte le nom de cité.

☞ En Angleterre on appelle cité, l’enceinte de la ville de Londres, par opposition aux faubourgs qui sont d’une plus grande étendue que la cité.

Cité se prend figurément pour les habitans. Cives. Il y a de beaux privilèges accordés à cette cité ; pour dire, à ceux qui l’habitent.

☞ Le droit de cité est la qualité de citoyen ou Bourgeois d’une ville, & le droit de participer aux privilèges qui sont communs à tous les citoyens de cette ville. Le droit de cité chez les Romains étoit la même chose que la qualité de Citoyen Romain. Chez nous il n’y a que la naissance ou les lettres du Prince qui donnent les droits de cité. Le droit de cité est plus étendu que celui de bourgeoisie. Il comprend quelquefois l’incolat & même tous les effets civils.

Cité, quand il s’agit de l’antiquité, signifie un Etat, un peuple avec toutes ses dépendances, une République particulière, comme sont encore plusieurs villes de l’Empire ou d’Allemagne, ou comme les villes Suisses. Civitas ☞ C’est ainsi que César dit : Civitas Helvetia, in quatuor partes divisa. Le pays des Suisses divisé en quatre Cantons. civitatibus in reliquis urbes incenduntur. Quoique les Gaulois ne fussent en effet qu’une même nation, ils étoient divisés en plusieurs peuples, qui faisoient presque autant d’Etats séparés, ou pour parler comme César, autant de cités différentes, qu’ils étoient de différens peuples. Outre que chaque cité avoit ses assemblées, elle envoyoit de temps en temps des députés aux assemblées générales qui se faisoient pour résoudre des affaires de plusieurs peuples unis. Cor. Demoy. Cependant, parce que communément cité n’a plus ce sens en notre langue, il est bon, au moins la première fois qu’on s’en sert, d’ajouter une explication, comme fait ici M. Cordemoy. On appeloit autrefois villes tous les bourgs fermés ; & ce que nous appelons proprement ville, avoit le nom de cité. Chorier.

Civitas est tiré du Celtique Giveythas, qui chez les Gaulois veut dire société & commerce, parce que c’est dans les villes que l’on trouve l’un & l’autre. Pezron. Si Civeythas a été en usage dans les Gaules, il y a plus d’apparence qu’il fut pris des Romains depuis qu’ils furent maîtres des Gaules, qu’il s’étoit fait de civitas, & même qu’il ne signifioit que la même chose d’abord. du même mot civitas s’est fait cité.

La Cité de Dieu est un livre composé par S. Augustin contre les Payens. Liber D. Augustini de Civitate Dei. Il a été traduit en partie par M. Giri de l’Académie Françoise. Un des premiers ouvrages qu’on mit sous presse dès qu’on eut inventé l’Imprimerie, ce fut la Cité de Dieu. S. Augustin y trace une histoire des deux Cités, l’une céleste & l’autre terrestre. M. Du Pin admire plus la variété & l’assemblage des choses, que la force & l’érudition de cet ouvrage.

Cité notable. Nom de la Capitale de l’Île de Malte. Elle est au milieu des terres. Civitas notabilis.

Cité victorieuse. Nom d’une ville de l’Île de Malte. Civitas victoriosa. C’est celle qu’on appeloit autrefois le grand Bourg. Ce fut sous le Grand-Maître De la Vallere, que cette place ayant été assiégée par les Turcs, & la valeur des Chevaliers ayant obligé les ennemis de se retirer après une perte de trente mille hommes ; pour conserver la mémoire des grandes actions qui s’y étoient passées, on donna au grand Bourg, qui en avoit été le principale théâtre, le nom de Cité victorieuse, qu’il a conservé jusqu’à ce jour. Vertot, Hist. de Malte, Tom. XIII.