Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIRQUE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 606-607).
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CIRQUE. s. m. Grand bâtiment de figure ronde, ou ovale, qu’on faisoit chez les anciens pour donner des spectacles au peuple. Circus. C’étoit à Rome une grande place, longue & cintrée par un bout, entourée de portiques, & de plusieurs rangs de sièges par degrés. Il y avoit au milieu une espèce de banquette avec des obélisques, des statues, & des bornes à chaque bout. On célébroit dans le cirque différens jeux. Il y avoit jusqu’à dix Cirques à Rome, sans compter quelques-uns qui étoient moins considérables. Le plus grand fut fait par le vieux Tarquin. Il s’étendoit entre le mont Aventin & le Palatin. Pline dit qu’il fut tellement acrû par Jules César, qu’il avoit trois stades de long & une de large. Les plus magnifiques étoient le grand Cirque d’Auguste, & celui de Néron à Rome. Voyez la Roma vetus du P. Alex. Donat Jésuite, édit. d’Amsterd. 1695. Il y a encore des vestiges des Cirques, tant à Rome qu’à Nîmes, & autres lieux. Les Romains étoient fort passionnés pour les jeux du Cirque, témoin ce vers de Juvénal :

.....Atque duas tantùm res anxiut optat,
Panem & Circenses.

Quelques-uns veulent que ce nom vienne de Circé, à qui Tertullien en attribue l’invention. Cassiodore dit que circus vient a circuiti. Les Romains au commencement n’eurent point d’autre Cirque pour leurs courses, que le bord du Tibre d’un côté, & une palissade d’épées droites de l’autre, ce qui rendoit ces courses dangereuses, comme remarque Servius : d’où vient qu’Isidore dit, que c’étoit à cause de cette palissade d’épées que ces jeux avoient été nommés Circenses, quasi circum enses. Voyez Circense. Scaliger se moque de cette interprétation.

Ce mot vient du Latin Circus.

Les Jeux du Cirque, Circenses Ludi, que quelques Auteurs appellent Jeux Circenses étoient des combats que les Romains célébroient dans le Cirque, d’où ils avoient pris leur nom, & non pas de Circé, comme l’a cru le Traducteur d’une oraison de Cicéron contre Verrès, qui traduit Circences Ludi, Jeux de Circé. Ils se faisoient à l’honneur de Consus, Dieu des Conseils. On les appeloit aussi Jeux Romains, en Latin, Ludi Romani, parce qu’ils étoient aussi anciens que Rome, ou qu’ils avoient été institués, ou plutôt rétablis par Romulus ; & Grands Jeux, en Latin, Ludi Magni, parce qu’ils se célébroient avec plus de dépense & de magnificence qu’aucuns autres, & parce qu’ils se faisoient à l’honneur du Grand Dieu Neptune, qui étoit leur Dieu Consus. Ceux qui disent qu’ils furent institués à l’honneur du soleil, confondent la pompe du Cirque avec les jeux ou ces courses du Cirque. Les jeux du Cirque furent institués par Evandre à l’honneur de Neptune, & rétablis par Romulus ; parce que ce fut par le conseil de ce Dieu qu’il fit faire l’enlévement des Sabines. La pompe du Cirque n’étoit qu’une partie & le prélude des jeux du Cirque, & par où on les commençoit. C’étoit une simple Cavalcade à l’honneur du soleil, au lieu que dans les jeux du Cirque, c’étoient des courses de chevaux. Jusqu’à Tarquin le vieux, on les fit dans l’Île du Tibre, & ils ne s’appeloient que les Jeux Romains ; depuis que ce Prince eut bâti le Cirque, ils en prirent le nom, parce qu’ils s’y firent toujours. Il y avoit sept sortes d’exercices. Le premier étoit la lutte, des combats avec l’épée, des bâtons, des piques : le second étoit la course : le troisième la danse : le quatrième le palet, ou le disque, les flèches, les dards, & toute autre sorte d’armes semblables. Tous ceux-ci se faisoient à pié : le cinquième étoit la course à cheval : le sixième la course des chars, soit à deux, soit à quatre chevaux ; dans cet exercice on divisoit les combattans d’abord en deux quadrilles, & puis en quatre, & elles portoient les noms des couleurs dont elles étoient vêtues. Il n’y avoit d’abord que la blanche & la rouge ; on y ajouta ensuite la verte & la bleue. Ce fut un certain Oenemaüs qui inventa la distinction des couleurs pour les divers quadrilles des combattans au Jeux du Cirque ; le vert pour ceux qui représentoient la terre ; & le bleu pour ceux qui représentoient la mer. Domitien ajouta encore deux nouvelles couleurs à ces quatre, le jaune & le violet ; mais elles n’ont pas duré. Dion, Liv. LXVII, dit le jaune & le blanc ; mais le blanc étoit plus ancien, & étoit encore une des couleurs du Cirque au cinquième siècle, comme on le peut voir dans Cassiodore. Liv. III, ép. 51.

Quel supplice affreux se prépare ?
De regards le Cirque entouré,
Repait d’un spectacle barbare
Un peuple de sang altéré.

Nouv. choix de Vers.

Voyez Varron dans Aulugelle, Liv. III, c. 10. Denis d’Halicarnasse, Liv. VII. Solin, c. 45 & les notes de Saumaise sur cet endroit. Casaubon avoit fait un Livre sur les Jeux du Cirque, qu’il cite assez souvent dans ses notes sur Suétone, & sur Athénée, mais il n’a point vû le jour. Godwin Antol. Rom. L. V., c. 4. 5. & Dempster dans ses Paralipomena, parlent aussi des jeux du Cirque. Les Chrétiens, & entre autres Lact. Liv. VI, c. 20 de ses Institutions, & Tertullien des Spectacles, c. 15, montrent la vanité, la folie des Jeux du Cirque. Voyez Onuphrius de Circo, & Vigenere, sur Tite Live, De la Pise dans son Hist. d’Orange, p. 15 & suiv.