Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHENILLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 506-507).
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CHENILLE. s. f. Insecte du genre des vers, qui ronge les feuilles des arbres, & qui à la fin se change en papillon, après avoir passé par l’état de chrysalide. Eruca, campe. Voyez M. De Reaumur, Hist. des Insect. Swammerdam dit que la chenille est le ver du papillon de nuit, qui se forme d’un œuf, dont l’écaille paroît comme d’un œuf de poule, & fragile. Le mâle a des aîles, & la femelle n’en a point. On voit sur le corps de la chenille quatre parties blanches tirant sur le jaune, qui ressemblent assez à ces vergettes dont on nettoie les habits ; elle a aux environs de la tête deux espèces de bouquets de plume noire. De chaque côté elle a deux petits avirons dont les filets ressemblent à ceux des plumes. Sa peau est parsemée de petits poils bruns, séparés les uns des autres, entre lesquels on découvre de petite plumes dont les couleurs sont fort agréables. Elle a seize piés, six au devant, huit au milieu, & deux derrière. D’abord elle est enveloppée du tissu qu’elle a filé, & elle s’y repose comme dans un nid, sans qu’il lui reste le moindre mouvement. A force de se tourner dans cette enveloppe, elle se dépouille de tous ses poils, & ce ver perd tout-à-fait son mouvement avant que de quitter sa peau : alors on lui donne le nom de nymphe dorée, chrysalis ou aurelia. Il y en a qui font des trous dans la terre pour s’y cacher ; d’autres filent autour de l’extrémité de leur corps un tissu qui les tient suspendues en l’air, où elles se dépouillent de leur peau. Dans la nymphe dorée, qui est celle du mâle, on découvre les yeux, la petite trompe & les cornes, les jambes & les aîles, & les petits poils dont son corps est couvert. La femelle a une autre nymphe dorée, qui diffère du mâle dans ses cornes, dans ses aîles, & dans la grandeur de son corps. Ensuite elle se change en papillon, dont le mâle a des aîles extrêmement vîtes, des cornes fort belles, & le corps bien fait. Ces parties manquent à la femelle qui a le corps fort gros & mal fait. Elle n’abandonne jamais ses œufs, & les attache toujours au tissu dont elle est revêtue. Fabius Colonna assure que, quand un chenille mange de plusieurs plantes, c’est une marque qu’elles ont la même qualité. Mais il y a des Naturalistes qui disent que chaque plante a sa chenille particulière, à laquelle elle sert d’aliment. Swammerdam en faisoit voir dans son Cabinet, de cinquante-quatre sortes, entre lesquelles il y en avoit de demi-chenilles & de demi-papillons.

Ménage tient que ce mot vient de canicula, à cause de la ressemblance qu’ont certaines chenilles à de petits chiens.

Chenille en bâton. Lorsqu’elle se trouve sur une branche, & qu’elle a cessé de prendre sa nourriture, son corps s’alonge tout entier, & se tenant d’une grande roideur sur les deux jambes de derrière, il forme avec la branche une angle de quarante-cinq degrés ; c’est-à-dire, que l’animal est là droit comme un bâton posé debout sur un plan, & dans une situation oblique ; ce que nos plus habiles Voltigeurs ne pourroient pas exécuter pendant un moment, avec quelque force qu’ils pussent cramponer leurs piés : cependant c’est dans cet état que la chenille se tranquillise. Hist. nat. des Abeilles, T. I, p. 20.

Les chenilles, qu’on appelle chenilles du Pin, dont parle Dioscoride, font leurs nids au sommet des branches des pins, où on les voit à milliers. Elles sont velues, roussâtres & revêtues de plusieurs petites peaux. Il y en a beaucoup dans les vallées d’Ananie & de Fleme, auprès de Trente. On les a aussi appelées campa, du grec κάμπη, à cause qu’elles font tort aux arbres. M. Ray, dans son Historia Insectorum, décrit plus de deux cens douze espèces de chenilles.

On dit figurément d’une personne maligne, qui fait du mal sans y être excitée, que c’est une méchante chenille. On dit de plusieurs Laquais derrière un carrosse, que c’est un vilain trochet de chenilles.

Chenille, terme de Rubanier. C’est une espèce de bout de passement, ou ornement de soie, qu’on met sur des habits & des baudriers, qui a la figure d’une chenille.

Chenille. s. f. Scorpioides. Plante annuelle à fleurs, légumineuse, & dont le fruit représente une chenille, d’où vient son nom françois, (celui de Scorpioides, queue de scorpion, ne convient qu’aux fruits de quelques espèces.) Sa racine est menue, de couleur de buis : elle donne à son collet quelques brins longs de sept à huit pouces au plus, couchés par terre ; des nœuds naissent des feuilles alternes, charnues, longues de deux pouces, étroites à leur origine, mais beaucoup plus larges vers leur extrémité, qui se terminent en pointe, semblables par leur figure à celles du buplevrum ordinaire, d’un vert un peu plus foncé. De leurs aisselles partent des pédicules longs de trois pouces environ, grêles, & qui soutiennent chacun une ou deux fleurs légumineuses, dont les calices sont des cornets verdâtres dentelés sur leurs bords. Le pistil de ces fleurs devient une gousse verte-pâle, hérissée, semblable à une chenille verte, de la même grosseur, & roulée sur elle-même. Cette gousse, dans sa longueur, est partagée en plusieurs loges qui contiennent chacune une semence couleur de buis, ovale : on éleve cette plante assez aisément. Des Curieux la cultivent, pour mettre dans des salades ses fruits qui trompent ceux qui ne sont pas prévenus.