Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CENS

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 356-357).
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CENS. s. f. Terme d’Histoire Romaine. Le cens, census, chez les Romains, n’étoit autre chose que la déclaration authentique que faisoient les sujets de l’Empire de tous leurs biens meubles & immeubles, devant les Magistrats commis pour cela. Ils étoient appelés Censeurs dans la ville de Rome, & Censiteurs dans les Provinces. Ces déclarations étoient accompagnées d’un dénombrement par écrie des fonds qu’ils possédoient, de leur qualité & de leur quantité, avec les tenans & les aboutiisans. Chorier, L. IV, p. 193.

☞ Tullus Hostilius institua le cens, & fit le premier le dénombrement du peuple Romain, pour savoir quel nombre il pouvoit avoir de combattans, & quel secours d’argent il en pouroit tirer. Cet usage se perpétua sous le gouvernement républicain. Les Censeurs étoient obligés d’avoir un registre exact de toutes les déclarations, & de veiller à ce qu’aucun étranger ne se fît inscrire par surprise ; ne quis in censorias tabulas irreperet.

☞ Le Cens embrassoit les trois ordres de la république ; les Sénateurs, les Chevaliers & le peuple : lectio & recitatio senætus, censio, recensio & recognitio, & census ou lustrum. Le Censeur assis sur la chaire curule faisoit appeler les sénateurs par l’Huissier chacun par son nom ; legebant ou recitabant senatum. Ils rayoient de la liste ceux qu’ils vouloient déposer, & en substituoient d’autres à leur place tirés du nombre des Chevaliers. In senatum legere.

☞ On appeloit de même les Chevaliers les uns après les autres, & lorsqu’il n’y avoit rien à redire à leur conduite, le Censeur leur disoit, Præteri & traduc equum. Si on avoit des reproches graves à lui faire, on lui ôtoit la pension & le cheval, equus adimebatur.

☞ Ensuite on passoit à la revue du peuple, non-seulement de Rome, mais de toutes les villes municipales qui avoient le droit de bourgeoisie dont on envoyoit les noms aux Censeurs ; & lorsqu’il y avoit à redire à leurs mœurs, on les dégradoit, en les privant du droit de suffrage, & en les mettant à la taille. Ærarios fieri & in ceritum tabulas referri, parce que les habitans de cette petite ville avoient la qualité de citoyens Romains, mais ne jouissoient pas du droit de suffrage.

☞ Le cens achevé, on indiquoit une assemblée générale au champ de Mars, pour assister au sacrifice d’expiation. Le peuple s’y trouvoit en armes, divisé par Centuries, & l’on prioit les Dieux d’avoir pour agréable le cens qu’on venoit de faire, & qu’il leur plût conserver la République dans sa splendeur & dans sa gloire.

☞ Ce sacrifice se célébroit tous les cinq ans, & se nommoit Lustrum, de-même que le cens du peuple. De-là on nomma aussi lustre, la révolution de cinq ans.

☞ L’illustre Auteur de l’Esprit des Loix, prouve qu’il n’y a jamais eu de cens général dans l’ancienne Monarchie Françoise, & que ce que l’on appeloit cens, étoit un droit particulier levé sur les serfs par les maîtres.

Cens. Signifie parmi nous, rente seigneuriale & foncière, dont un héritage est chargé envers le Seigneur de Fief d’où il dépend. Census. Le cens est la marque de la seigneurie que le Seigneur s’est retenue, quand il a baillé à cens & rente une terre dépendante de son fief. ☞ Il est la véritable marque de la directe seigneurie sur les rotures, comme la foi & hommage, est le caractère de la directe sur les fiefs. Le cens est imprescriptible & non rachetable. Le cens emporte droits de lods & vente, & saisine d’amende en cas de vente. Il y a cens mort ou cens truant, qui ne porte aucun droit, dont il est parlé en la Coutume de Soêmes & d’Auvergne.

Le cens est une marque de seigneurie, parce que les Francs donnèrent les terres qu’ils conquirent, ou à charge que ceux à qui ils les donnoient les serviroient à la guerre, ou à charge de cens, & de rente. On dit au Palais que les cens & autres devoirs féodaux sont rendables & non requérables. Les cens & autres devoirs féodaux sont éteints par l’acquisition que font les Seigneurs de nfief des héritages qui sont sujets à ces devoirs. Voyez Bodin, la Coutume de Paris, Bruneau, Chopin, Lhomeau, Chaline, &c. Le cens est imprescriptible ; le tenancier ne peut le prescrire contre son Seigneur, en ce qui regarde le fonds du Droit du Seigneur, & non en ce qui concerne les arrérages qui se peuvent prescrire par un décret faute d’opposition. La quotité de cens se peut prescrire par trente ans, entre majeurs non privilégiés, & par quarante ans contre l’Eglise. Voyez Lange.

Chef-cens, est le premier cens. Primigenius census, primitivum vectigal ; Sur-cens, celui qui a été ajoûté. Secundariæ indictionis census, secundarium vectigal. Le menu cens ne consiste d’ordinaire qu’en tournois, mailles & autres petites monoies, minuti æris census annuus, levior census dominii tantum index. Il est le chef-cens & capital, & plus seigneurial que le gros cens, qui est une espèce de rente dont l’héritage est chargé, & qui se paye en gros & en bloc pour toutes les terres qui ont été données. Multi æris census, gravior census, gravius vectigal. Le premier n’est qu’un signe & reconnoissance de la seigneurie de celui qui le premier a donné l’héritage à cens.

Le sur-cens, est le cens qui a été imposé depuis la première concession. Il y a aussi un cens aqueste, qu’en la Coutume de Melun on appelle rogo, que le Seigneur est tenu de demander ; & on l’appelle autrement cens requérable : au lieu qu’on est obligé de porter les autres cens en la maison du Seigneur ; à cause de cela, on l'appelle cens portable. Census collectitius, vectigal collectaneum.

Cher-cens, on appelle le cens-cher, lorsque l’héritage censuel est chargé de cens annuel à peu-près de ce qu’il peut valoir par an. Cens simple, cens double, qui est double du simple. Cens truant, est celui qui ne porte ni lods, ni ventes, ni aucun profit au Seigneur. Croix de cens, est la monnoie dont on paye le cens, parce qu’autrefois toute la monnoie étoit marquée d’une croix.

Ce mot vient de census ; Nicot. & census vient de censere, qui signifie, priser, estimer, à cause que les Censeurs à Rome, appelés d’abord Censores, & ensuite Censitores, estimoient de temps en temps les biens des particuliers, pour imposer les tributs à proportion.

On dit proverbialement, quitter la terre pour le cens ; pour dire, se défaire d’une chose qu’on possède à des conditions trop onéreuses.

On dit, des Seigneurs & des héritages censables, censifs, censiers, & censuels, selon les divers pays & Coutûmes, en parlant d’un Seigneur qui a droit de lever un cens, ou d’un héritage qui en est chargé envers lui. Cui debitus est census annuus.

Censable se dit du Seigneur qui a droit de cens ; & censéable, de l’héritage qui est chargé de cens : Censier se dit de l’un & de l’autre.