Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CANNE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 211-212).
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CANNE. s. f. Terme de Botanique, qui convient à quelques genres de plantes bien différens les uns des autres. Canna, arundo. Il y a la canne ou le roseau ; la canne d’Inde, & la canne odorante. La canne, ou le roseau, est un genre de plante si semblable au chien-dent, qu’il n’y a que la seule grandeur des tiges des feuilles, qui en établisse la différence. Il y en a plusieurs espèces : celle qu’on appelle canne commune, arundo vulgaris, ou vallatoria, a sa racine noueuse, qui s’étend ça & là. La tige croît à la hauteur de douze ou quinze pieds : elle est de la grosseur du doigt, creuse & pleine de nœuds. De chacun de ces nœuds sortent les feuilles qui enveloppent presque la tige, & qui sont roides, un peu âpres, larges de deux doigts, & longues d’un pied & demi, & veineuses. Au bout des tiges naissent les fleurs par paquets, composées de plusieurs filets, qui forment une chevelure molle, de couleur de pourpre, qui devient ensuite cendrée, & que le vent emporte. Elle croît dans les eaux dormantes, & aux bords des rivières. On s’en sert en divers endroits pour couvrir les maisons, pour faire des cloisons, des échalas, & à plusieurs autres usages. Il y a une espèce de canne, qu’on appelle arundo scriptoria, dont les Anciens se servoient pour écrire, & dont se servent encore aujourd’hui les Arabes, les Persans, les Arméniens, les Grecs & les Turcs. Il y en a une autre espèce qui est appelée arundo sagittalis. Les Tartares & les Asiatiques s’en servent pour faire des flèches & des dards. On en porte des Indes d’une sorte qui est souple & flexible, dont on fait des corbeilles, & d’autres beaux ouvrages. On en porte aussi qui sont fermes & plus grosses, qui servent à faire des bâtons pour s’appuyer. Le bambou est une espèce de canne. Voyez Bambou.

La canne qui porte le sucre croît ordinairement de la hauteur de cinq, six, ou sept pieds, & de la grosseur de deux pouces en circonférence : elle est divisée par plusieurs nœuds, qui sont éloignés de quatre ou cinq pouces les uns des autres. La tige pousse de longues feuilles vertes, touffues, du milieu desquelles s’élève la canne, qui est aussi chargée en son sommet de plusieurs feuilles pointues, & d’un pennache dans lequel se forme la semence. Elle est remplie d’une moëlle blanche, & succulente, de laquelle on exprime cette douce liqueur, dont se forme le sucre. Arundo saccharifera.

La Canne d’Inde ou Cannacorus, est une autre sorte de plante, dont il y a aussi plusieurs espèces. Celle que les Botanistes appellent arundo Indica latifolia, ou cannacorus latifolius vulgaris, a une tige noueuse, de la hauteur de deux, de trois, & quelquefois de quatre pieds. Ses feuilles sont grandes, roulées comme des cornets de papier, lorsqu’elles commencent à sortir : elles se développent ensuite, paroissent fort amples, membraneuses, un peu pointues, ayant beaucoup de veines qui les traversent obliquement, Au sommet de la tige sont les fleurs semblables à celles de glayeul, d’une fort belle couleur rouge-brun, attachées à un bouton velu, lequel, après que les fleurs sont tombées, s’augmente, & devient triangulaire, & comme épineux. La semence est contenue dans ce bouton : elle est ronde & de couleur brune, ou noire. Ses racines sont pleines de nœuds & fort chevelues.

Canne (la) odorante, est la même plante que le calamus aromaticus. Voyez Calamus aromaticus.

Canne, signifie aussi, un bâton qu’on porte a la main, fait de ces sortes de bois. Il sert à se soûtenir en marchant, & quelquefois pour marquer le commandement. On les enrichit par des bouts d’argent, d’yvoire, d’agathe, de cristal, &c. Ce vieillard est réduit à porter la canne. Cet Officier a donné cent coups de canne à un soldat insolent.

Canne, signifie encore une mesure Romaine qui revient à six pieds onze pouces de Roi. C’est une mesure de longueur dont on se sert en plusieurs villes de commerce, comme on fait ici de l’aune. Vigenere dit sur Tite-Live page 1513, qu’à Rome la canne contient huit palmes, & que les neuf palmes sont deux aunes de Paris ; & l’aune de Paris étant, selon lui, c’est-à-dire, de son temps, de 5 pieds huit pouces, la canne étoit de 53 pouces 6/9 de pouce ; c’est-à-dire, de 4 pieds 5 pouces & 6/9 de pouces ; ou les deux tiers d’un pouce, qui sont 8 lignes. Les cannes de Provence & du bas Languedoc sont de huit pans, ou empans qui font 6 pieds 2 lignes du pied de France. Les cannes d’Avignon & de Nîmes sont d’un pouce environ plus courtes que celles de Provence & du bas Languedoc. La canne de Toulouse contient une aune & demie de Paris. Il en est à peu près de même des cannes des villes du haut Languedoc & de la haute Guienne. Les cannes de Gênes pour les toiles sont de dix palmes, ou dix fois neuf pouces & deux lignes ; celles pour les draperies sont de neuf palmes. La canne de Sicile est de huit pans & demi. À Naples les mesures s’appellent aussi cannes. Les Hébreux l’appellent keneh, & elle contient chez eux six coudées. Le P. Mersenne soutient que cette mesure comprend huit pieds & un doigt & demi. On l’appelle en plusieurs eux le roseau.

Canne se dit aussi de la chose mesurée avec la canne. Une canne de draps, une canne de toile.

Ce mot est de plusieurs langues, & vient de la première. Nous l’avons pris du Latin canna, qui vient du Grec κάννα ou κάννη qui avoit été fait de l’Hébreu קנה, kaneh & dans toutes ces langues il signifie la même chose, calamus, arundo, un roseau, une canne.

Canne, en termes de Verrerie, est une verge de fer percée d’un bout à l’autre comme un tuyau, dont on se sert pour souffler les bouteilles & autres ouvrages. On appelle le mors de la canne, une épaisseur de fer qui est au bout d’une des extrémités de la canne en forme de mors de cheval. Et bauquin de la canne, le bout opposé au mords, que l’on met sur le bord des lèvres pour souffler le verre.

En Poësie on appelle canne de fer, ou d’acier, le canon d’un fusil ou d’un mousquet.

Quel bruit ! la forêt embrasée
S’offre à mes regards alarmés :
D’une canne d’acier creusée
Cent nouveaux Chasseurs sont armés.
Du souffre bruyant qu’elle cache,
Au gré du doigt, le feu détache
Un plomb qui part avec l’éclair :
On dirait que l’art téméraire
A fait l’homme dépositaire
De la foudre de Jupiter.

Canne à vent. Terme de Physique. Espèce de canne creuse intérieurement, par le moyen de laquelle on peut, sans le secours de la poudre, chasser une balle avec violence. Elle n’a point de crosse ni de détente, comme l’Arquebuse a vent. Voyez ce mot.

Canne. Terme de Monnoyage & de fondeur. C’est une longue tringle de fer, en manière de canne, dont on brasse les métaux, quand ils sont en fusion, à la réserve de l’or.