Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CALIFE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 175-176).
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CALIFE, CALIPHE & KALIFE. s. m. La première dignité Ecclésiastique chez les Sarrasins. C’est le nom d’une dignité souveraine parmi les Mahométans, qui comprend un pouvoir absolu, & une autorité indépendante sur tout ce qui regarde la Religion & le gouvernement politique. D’Herbelot. Calipha, Caliphas, Cairi Princeps. Ce mot est Arabe, & signifie successeur & héritier ; car, en effet, Abubeker étoit successeur de Mahomet, & cette dignité étoit héréditaire. Ainsi le nom de Calife étoit affecté aux successeurs de Mahomet qui s’appeloient Califes de Syrie. Mais depuis il s’éleva divers Califes qui usurpèrent l’autorité souveraine en Perse, en Egypte & en Afrique. Pisafire, qui régnoit en 958, fut le dernier Calife de Syrie. Les Turcs s’en rendirent les maîtres, en sorte que le Calife n’étoit plus que souverain Pontife. La même chose est arrivée en Egypte, où l’on n’a laissé aux Califes que le titre de Grands Prêtres de Mahomet. Vatier dit qu’ils s’appeloient Vicaires de Dieu, & que les Soudans & les Rois Mahométans se prosternoient à leurs pieds pour les baiser ; d’où vieat que Vincent de Beauvais les appelle leurs Papes. Quoique le Calife de Bagdet ne le soit plus que de nom, il retient néanmoins le droit ancien d’adopter & de confirmer les Rois d’Arabie, d’Assyrie & autres : ce qui fut cause que Soiman même, en passant par Babylone, voulut pour la forme prendre les marques de l’Empire de sa main. Selon Nicot les Seigneurs & les Dominateurs du Grand Caire portoient autrefois le nom de Califes.

Il y a eu aussi des Califes à Carvan dans le Royaume de Tunis, &c à Fez. Le Calife d’Espagne prit aussi le titre de Roi. Les Califes de Syrie se divisent en trois branches. La première ne contient que les trois premiers Califes, successeurs de Mahomet qui ont régné depuis l’an 651 de Jésus-Christ jusqu’en 655. La seconde sont les Ommiades, qui ont gouverné depuis 655 jusqu’en 749. Les troisièmes s’appellent les Abbassides, dont le gouvernement a duré depuis 749, jusqu’en 941. Après quoi l’Empire des Musulmans se divisa en plusieurs Royaumes qui s’établirent en Perse, en Syrie, en Arabie, en Afrique, &c. & qui firent tomber toute l’autorité du Calife, qui n’eut plus que l’honneur de porter ce titre.

Le mot Calife est Arabe, il vient de חלף, Hhalapha, c’est-à-dire, succéder, être à la place d’un autre ; & il signifie non-seulement successeur, héritier, comme on l’a dit ci-dessus, mais encore Vicaire, qui tient la place d’un autre, & Mahomet s’en sert dans l’Alcoran en ce sens, pour dire que Jésus-Christ est Vicaire de Dieu. C’est dans ce sens, selon quelques-uns, comme Erpénius, que ce nom a été donné aux Califes ; c’est à-dire, aux Empereurs, & souverains Pontifes des Mahométans, comme étant les Vicaires & les Lieutenans de Dieu ; d’autres disent que c’est dans le sens d’héritiers, & comme successeurs de Mahomet, qu’on les appelle Califes. Au reste, il faut écrire Califes, & non point Calyphes. On ne voit point ce que fait là cet y, si ce n’est pour exprimer que le mot Arabe n’a pas un Kefra simple, mais un Kefra sous un je, chose peu nécessaire à marquer dans le mot François. D’Herbelot écrit Khalie, que quelques-uns écrivent Caliphe, & d’autres Chaliphe. Aujourd’hui tout le monde écrit Calife.

L’origine de ce nom vient de ce qu’Abubcker, après la mort de Mahomet, ayant été élu par les Musulmans pour remplir sa place, il ne voulut pas prendre d’autre titre que celui de Khalifah Resoul allah ; c’est-à-dire, Vicaire du Prophète ou de l’Envoyé de Dieu. Mais Omar ayant succédé à Abubeker, il représenta aux principaux Chefs du Musulmanisme que s’il prenoit la qualité de successeur d’Abubeker successeur du Prophète, la chose par la suite des temps iroit à l’infini : il fut résolu qu’il prendroit le titre d’Elmir Almoumenin, c’est-à-dire, Commandant des Fidèles. Les successeurs de Mahomet n’ont pas laissé de prendre aussi celui de Khalifes sans rien ajouter. D’Herbelot. Voyez cet Auteur au mot Kalifach.