Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BUTOR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 120).
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BUTOR. s. m. Gros oiseau, espèce de Héron fainéant & poltron, marqué de taches rousses en forme d’étoiles, d’où vient qu’on l’appelle Ardeola asterias. On l’appelle aussi taurus, ou bos-taurus, à cause que quand il crie le bec plonge dans la boue, il fait un bruit qui imité le meuglement du taureau. C’est de-là qu’est dérivé le nom de Butor. Lorsque le butor approche de quelqu’un, il essaye de lui crever les yeux. Belon. Il y a deux espèces de butor. Le grand butor rougeâtre, & le butor hupé.

Grand Butor rougeatre. Ardea stellaris major. Est un oiseau qui approche fort du naturel du Héron ; mais il n’est ni si bon ni si estimé. Il est toujours sur les bords des étangs, & se cache dans les roseaux & les joncs, ne vivant que de poisson, de grenouilles, & des insectes qu’il y rencontre. Cet oiseau a quantité d’amers aussi-bien que le Héron. Quelques-uns font cas de sa chair ; mais elle sent trop la sauvagine. Son bec est très-dangereux ; il s’en défend parfaitement bien. Pour sa figure, il est de la grandeur d’un Héron ; mais ses jambes sont plus courtes. Il a les plumes rouannes, marquetées de taches brunes par le travers : son cou est long d’un pied & demi, bien environné de plumes pâles, marquées de taches noires ; il en est mieux garni dessus que dessous. Les plumes qui couvrent le dessus de sa tête sont noires. Il a les trous des ouïes larges, & environnés de petites plumes fauves. Son bec est droit, plus petit de beaucoup que celui du Héron, n’étant que de cinq ou six doigts de longueur, d’une couleur entre le cendré & le plombé, & tranchant par les bords, gros comme le doigt & pointu par le bout, creux par dedans avec de petites entaillures. Sa partie d’enbas s’emboîte dans celle de dessus, tellement qu’il semble quasi carré avec des canules par dessus. Il est garni de plumes noirâtres, celles de dessus son bec sont blanchâtres ; ses aîles sont grandes, & contiennent vingt-quatre grosses pennes, & quatre en chaque petit aîleron. Sa queue est courte, & composée de huit pennes à gros tuyaux ; il a les yeux rouges é ovales ; ses paupières sont sans poil ; ses jambes ont environ un pied de long ; elles sont d’une couleur entre le jaune & le plombé ; ses doigts sont grands aussi-bien que ses ongles, qui servent de cure-dents ; les curieux les font quelquefois enchâsser richement, principalement celui de l’ergot. On l’appelle Galereau en Bretagne. Il fait son nid sur le haut des branches des hauts arbres, & le construit de bûchettes. Il fait trois ou quatre œufs. quand il veut faire son cri il fourre son bec dans la bourbe, & fait un bruit que l’on entend d’une demi-lieue, comme si c’étoit le mugissement d’un bœuf. C’est à cause de cela que quelques-uns l’ont appelé Tauraus, c’est-à-dire, Taureau ; ou Bos-Taurus, Bœuf-Taureau ; & c’est de ce dernier nom latin qu’est formé le françois butor.

Butor hupé. Ardea stellaris cirrata. Cet oiseau est de tous côtés d’une même couleur ; savoir roussâtre, moins par le devant, & plus par-dessous. Ses jambes & ses pieds sont bruns ; son bec jaunâtre. Aldrovand dit qu’on en prit un dans les marais de Boulogne en Italie ; il avoit le bec long d’une palme, de couleur de corne, doit & pointu : la mandibule de dessus étoit un peu courbée vers la fin, & plus longue que celle d’en)bas, avec quelque noirceur. Il avoit le sommet de la tête noir. Son cou étoit de couleur de rouille, long de deux palmes. Il étoit noirâtre sur le dos. Il paroissoit encore tout jeune. Sa queue étoit pareillement noire ; le bas de son croupion étoit blanc ; sa queue étoit fort courte ; ses ailes étoient en partie de couleur de rouille, & en partie blanches ; ses jambes étoient longues de neuf pouces. Le cercle qui environne la prunelle de ses yeux étoit jaunâtre.

On dit figurément d’un homme stupide & mal-adroit, que c’est un gros butor ; parce que cet oiseau est sot & paresseux. Stupidus, stolidus, plumbeus, stipes. Peste soit du gros butor. ☞ On dit de même d’une femme, que c’est une butorde. Voyez cette mal-adroite, cette bouvière, cette butorde. Mol. L’expression n’est pas noble.