Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOUTIQUE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 29).

BOUTIQUE. s. f. Lieu où les Marchands exposent leurs marchandises en vente, qui est ouvert sur la rue, & au rez de chaussée ; & où les artisans travaillent. Taberna, officina. On dit, lever, ouvrir boutique. Tabernam instructam mercibus aperire. Tenir boutique, garder, conduire la boutique. Se mettre en boutique. Garçon de boutique. Fille de boutique. Ce Marchand a ouvert sa boutique. La Police fait fermer les boutiques les Dimanches & Fêtes, & pendant les réjouissances publiques, ou quand il y a une maladie contagieuse. Il y a aussi des boutiques dans les Foires, dans la galerie du Palais, &c.

On appeloit autrefois boutiques, les études des Notaires ; & on les appelle encore ainsi en plusieurs lieux de Province.

Henri Etienne, de Latinit. susp. p. 317. a remarqué que ce mot vient originairement du grec ἀποθήκη, Apotheca, dont même Cicéron s’est servi en latin ; que dans les commancemens on a dit pothèque & ensuite bothèque, puis bouthèque, & enfin boutique. Les Italiens disent bottega, & les Espagnols botica : butica se trouve souvent pour signifier cista, une boîte ; peut-être que d’abord il ne se disoit que des boîtes ou balles de ces petits Merciers qui vont par la campagne, & qu’ensuite on l’a étendu aux lieux où les gros Marchands mettent & étalent leurs marchandises. Les Bollandistes, Mart. T. III. p. 847. tirent butica de butis, qui s’est dit pour un vase à mettre des choses liquides, comme du vin, une bouteille.

On appelle aussi boutiques, certains étaux portatifs, à l’abri desquels se mettent quelques artisans, ou petite Merciers, comme les Savetiers, les Ravandeurs, les Vendeurs de pain d’épice, de poupées, &c.

On appelle encore boutiques, des boîtes ou layettes que quelques petits Merciers ambulans portent au cou ou sur le dos. Capsa.

On appelle aussi boutiques, les bateaux où l’on met & où l’on nourrit du poisson, en attendant qu’on en ait le débit. Ces bateaux sont tous percés au-dessous du niveau de la rivière, & ne sont élevés sur l’eau qu’à cause du vide qui est à l’avant & à l’arrière.

Boutique, se dit aussi du fonds du Marchand. Il a vendu, il a laissé sa boutique à son associé ; pour dire, son fonds & ses marchandises, ou les outils de son métier, s’il est artisan, & les instrumens ou vaisseaux propres pour ses manufactures.

M. Bossuet, dans son histoire des Variations, L. XI. p. 182. a pris ce mot métaphoriquement, comme font les Latins, pour l’auteur, l’origine d’une chose. On peut voir par-là, dit-il, de quelle boutique est sortie la méthode de soutenir la perpétuité de l’Eglise par une suite cachée, &c. Boutique en ce sens n’est pas du bel usage.

En style populaire, ce mot signifie encore une maison où les Domestiques sont mal, pour le payement, la nourriture, ou le travail. Tu ne resteras guère dans cette maison, c’est une boutique. Pierrot dit dans la Fille savante : j’ai demeuré trois ans dans une de ces boutiques.

On dit proverbialement : aidue la boutique, de quelque chose qui tombe, qui se renverse, qu’on entraîne. On dit, qu’un homme fait de son corps une boutique d’Apothicaire, quand il prend souvent, ou par précaution, des lavemens & des médecines. On dit, il fait de sa tête une boutique de grec & de latin ; pour dire, qu’ils s’adonne entièrement à l’étude de ces deux langues. On dit aussi, d’une calomnie, d’une imposture, qu’elle vient de la boutique d’un tel Satyrique, ou scélérat, de la boutique de Sathan. On appelle aussi un Courtaut de boutique, un artisan qui est compagnon & occupé à un travail sédentaire. Cela ne se dit que quand on veut marquer du mépris.

Garde-boutique, est une marchandise de mauvais debit, qui n’est plus de mode, que le Marchand garde depuis long-temps. ☞ On le dit dans le même sens des ouvrages d’esprit qui n’ont point de debit.

Arrière-boutique, est un magasin qui est sur le derrière de la maison, où se mettent les marchandises qu’on veut conserver. Interior officina, taberna.

On dit figurément d’une ruse, d’une chicane qu’on garde pour la fin d’une affaire, d’un procès, que cela vient de l’arrière-boutique.