Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOUCLIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 986).
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BOUCLIER. s. m. Arme défensive que les Anciens portoient au bras gauche, pour se couvrir le corps contre les coups de leurs ennemis. Clypeus, parma, scutum.

Les boucliers d’Achille & d’Enée sont décrits dans l’Iliade & dans l’Enéide, & celui d’Hercule dans Hésiode. Celui d’Ajax étoit couvert de sept peaux de bœuf. Les écus ont succédé aux boucliers. On met encore dans les trophées des casques & des boucliers. Les Coninefates & les François élisoient leurs Rois ou Princes en les élevant sur un bouclier. Voyez Tillemont, Hist. des Emp. Tom. II, pag. 12 & du Tillet, I, p. 18 & 21. Nos anciens François pour armes défensives n’avoient que le bouclier fait d’un bois léger & poli, & couvert d’un bon cuir bouilli. Le Gendre. Perdre, ou se laisser ôter en combattant son bouclier, étoit une grande ignominie chez les anciens Germains. Du Tillet.

Ce mot est dérivé de bucularium, à cause des boucles dont les boucliers des Anciens étoient garnis. Ménage. Il est souvent parlé dans la basse latinité de buccula clypei, la boucle du bouclier. Le P. Thomassin le dérive de bucca, bouche, ou gueule, parce qu’on représentoit sur les boucliers des têtes & des gueules.

Le bouclier sur les médailles signifie, ou des vœux publics rendus aux Dieux pour la conservation du Prince ; ou qu’on le regarde comme le défenseur & le protecteur de ses sujets. On appeloit ces boucliers, clypei votivi, & on les pendoit aux autels & aux colonnes des temples, Philon, de Legat. ad Caium, dit que Pilate, pour faire la cour à Tibère, & plus encore pour faire dépit aux juifs, voulut ériger dans Jérusalem des boucliers dorés en l’honneur de cet Empereur ; mais qu’on s’y opposa comme à une chose contraire à la loi. On remarque deux boucliers sur une médaille d’Antonin, pour exprimer que ce bon Prince étoit le maître de la destinée de l’Empire. C’étoit par allusion au bouclier fatal descendu du ciel sous le règne de Numa Pompilius, à la conservation duquel étoit attachée la grandeur de Rome.

Bouclier, se dit figurément de toute sorte de défense ou de protection. Il y a plusieurs livres intitulés le bouclier de la foi. Hector fut long-temps le bouclier de Troye. Le Seigneur est mon bouclier. Port. R. Celui qui a été le bouclier de la France n’a pu se mettre à couvert de leurs coups. Voit.

Bouclier, dans l’Architecture, est un ornement qui sert pour les frises, les trophées, &c. Umbo. On appelle bouclier naval, un ovale qui est couché avec deux enroulemens.

☞ On se sert aussi en Botanique du terme de bouclier dans la description de certains fruits qui ressemblent à cette arme défensive. Scuti jormis.

Bouclier. Scutum. On entend en Pharmacie par scutum, un stomachique assez solide, mis sous la forme d’un bouclier ou fait en sachet ou en emplâtre. Il est composé en bouclier, de poudres chaudes stomacales & corroboratives ; & en emplâtre, d’un mélange convenable de mastic, de quelques poudres stomacales, de gommes odoriférantes, & d’une quantité convenable de térébenthine. On se sert de cette espèce de topique, après une purgation, pour fortifier l’estomac, corriger une intempérie froide, rétablir la digestion, & prévenir le vomissement. Morelli, de form. Bemed.

Levée de bouclier, c’est, en termes d’Escrime, l’essai que l’on fait avant que d’excrimer tout de bon. Ludicra prolusio. Pomey. On appelle aussi bouclier une sorte de météore ignée. Id.

On dit figurément, faire une grande levée de boucliers, lorsqu’on fait de grands préparatifs pour quelque entreprise qui ne réussit pas.