Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOHÈME ou BOHÉMIEN

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 939-940).
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☞ BOHÈME, ou BOHÉMIEN, ENNE. adj. & subst. Qui est du Royaume de Bohème. Bohemus, ou Bohëmus. tous les Ecrivains se servent indifféremment de ces deux mots pour désigner les peuples de Bohème. Le P. Bouhours voudroit, malgré cela, qu’on dît les peuples de Bohème, en parlant des habitans, parce que les noms de Bohème & de Bohémiens lui paroissent attachés aux coureurs de profession, dont nous allons parler : je crois qu’on feroit bien de suivre le sentiment du P. Bouhours, pour éviter l’équivoque.

Sur la Bohème & sur les Bohèmes, ou Bohémiens, Voyez Æneas Sylvius, l’Historia Bohemica de Le Mire, Cluvier, Liv. III, Geogr. ch. 13. Cromer, Liv I. Rerum Polonicarum. Nous avons une Histoire de Bohème par Dubravius. Nous avons encore en latin des mélanges historiques du Royaume de Bohème, Miscellanea historica, &c. par le Pere Bohuslas Balbin, Jésuite, imprimés à Prague en 1680, qui contiennent beaucoup de choses touchant l’histoire naturelle & civille du Royaume. Voyez aussi Imhoff. Natit. Imp. Procer. L. I, c. 6.

Bohème, Bohémien, enne. Noms par lesquels on désigne certains gueux, errans & vagabonds, qu’on appelle autrement Egyptiens, qui courent le pays, disant la bonne aventure, & dérobant adroitement. Balatrones mendici. On voit souvent, principalement dans les campagnes, des troupes de Bohèmes ou de Bohémiens.

Borel dérive ce mot de boëm, vieux mot françois, qui signifie ensorcelés. Baume, en provençal, signifie retraite, endroit propre à se chacher. On dit encore en ce pays-là la sainte Baume de l’endroit dans lequel se retira la Magdeleine, selon la tradition du pays. C’est de ce mot de Baume, que quelques-uns font venir celui de Bohémiens, qu’il faudroit écrire Baumiens, si cette étymologie étoit véritable. Mais Pasquier, Rech. Liv. IV, ch. 19, en rapporte l’origine, & dit que le 17 Avril 1427, vinrent à Paris douze Pénanciers, c’est-à-dire, Pénitens, comme ils disoient, un Duc, un Comte, & dix hommes à cheval, qui se qualifoient Chrétiens de la basse Egypte chassés par les Sarrasins, qui étant venus vers le Pape confesser leurs péchés, reçurent pour pénitence d’aller sept ans par le monde sans coucher en lit. Leur suite étoit d’environ 120 personnes, tant hommes que femmes, & enfans restans de douze cens qu’ils étoient à leur part. On les logea à la Chapelle, où on les alloit voir en foule. Ils avoient les oreilles percées, où pendoit une boucle d’argent. Leurs cheveux étoient très-noirs & crêpés, leurs femmes très-laides, sorcières, latronnesses, & diseuses de bonne aventure. L’Evêque les obligea à se retirer, & excommunia ceux qui leur avoient montré leurs mains. Par l’Ordonnance des Etats d’Orléans de l’an 1560, il fut enjoint à tous ces imposteurs, sous le nom de Bohémiens, ou Egyptiens, de vider du Royaume à peine de galères. Raphaël Volaterran en fait mention, & dit que cette sorte de gens étoit extraite des Euxiens, peuples de la Perside, qui se mêloient de dire la bonne aventure. Par un Edit de 1666, le Roi ordinne que les nommés vulgairement Egyptiens ou Bohémiens, ou autres de leur bande & suivante, soient arrêtés prisonniers, attachés à la chaîne, & conduits aux galères, pour servir comme forçats, sans autre forme ni figure de procès ; & à l’égard des femmes & filles qui les accompagnent, qu’elles soient fouettées, flétries, & bannies hors du Royaume. Rochefort dit au mot bohèmes, Nous appelons en Bresse les Bohèmes, Sarrasins, du mot Sarac, qui veut dire un larron en arabe. Voyez Scaligeriana, verbo Sarrasins.

On dit d’une maison où il n’y a ni ordre ni règle, que c’est une maison de Bohème.

On dit proverbialement, qu’un homme vit comme un Bohème ; pour dire, qu’il vit comme un homme qui n’a ni feu ni lieu.

Les Protestans ou Evangéliques de Bohème, s’appellent les freres Bohémiens ou bohème, fratres Bohemici. Jean Lasicius a écrit de Gestis fratrum Bohemicorum ; & Camerarius l’Histoire des freres Bohémiens.