Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BOHÈME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 939).

BOHÈME. Pays d’Allemagne, qui a pour bornes au nord la Misnie, la Lusace, & une partie de la Silésie ; au levant une autre partie de la Silésie & la Moravie ; au midi l’Autriche & la Bavière, & au couchant le haut Palatinat. Bohemia. La Bohème est toute environnée de montagnes. Ceux du pays l’appellent en leur langue Cezezkazeme, qu’il faut prononcer Chezhazem, c’est-à-dire, Terre de Czechi leur premier Gouverneur ; & les Allemands Behaim, ou Boehaim. Froissard la nomme Béhaigne. Cosmas, dans les chroniques de Bohème, tire ce nom de je ne sais quel ancien Bohemus ; mais ce qu’il dit es un roman.

Quelques-uns croient que ce nom, Bohème, est sclavon, & qu’il signifie prédiction,prophétie ; que les Sclavons s’étant emparés de ce pays lui donnèrent, parce qu’il y avoit là je ne sais quelle fameuse Prophétie de Lybie. Cela sent encore bien la fable. D’autre prétendent que ce nom s’est fait de celui de Boïens, Boii, peuples de l’ancienne Gaule ; car les uns disent que les Boïens ou habitans du Cap de Buchs, en Gascogne, ayant suivi Segovèse en Germanie, au temps du vieux Tarquin, s’établirent en ce pays, auquel leur nom fut donné. C’est le sentiment de M. Cordemoy dans son Histoire de France, & celui qui paroît le plus vrai. Les autres ne remontent qu’au temps de César, & disent que ces Boïens sont les anciens habitans de ce que nous appelons aujourd’hui le Bourbonnois, qui, chassés par ce Général Romain, passèrent le Rhin, & s’établirent dans la Bohème, qui fut d’abord appelée Bojohème, en latin Bojohemus, c’est-à-dire, demeure, habitation des Boïens, & que de Bojohème s’est fait Bohème. Je trouve cependant encore entre deux Bevehem. Ademar l’appelle ainsi dans sa chronique. Ce sentiment n’a point d’apparence. César ne chassa point les Boïens du bourbonnois ; il les y plaça à la prière des Æduens. Voyez César de Bello Gall. Lib. I. & ci-après au mot Boien, ou au mot Bourbonnois.

Les Boïens établis en bohème par Segovèse, en furent chassés dans la suite par les Marcomans, peuple d’Allemagne, & ceux-ci par les Sclavons, venus de la Croatie, sous la conduite de Zechus, ou Czechus. C’est pour cela que l’on trouve quelquefois la Bohème appelée Esclavonie. Sclavonia. Voyez Acta SS. Bened. Sæc. V. p. 873.

Bohème. Royaume, Bohemiæ Regnum. Les Sclavons établis en Bohème vécurent quelque temps dans l’anarchie après la mort de leur chef ; ensuite ils se choisirent des Ducs : & ce ne fut que l’an 1086, que la bohème fut érigée en Royaume, & que Vratislas I, l’un de ses Ducs, reçut de l’Empereur Henri IV le tire de Roi dans un Concile tenu à Maïence. Ce titre ne passa point à ses successeurs, mais fut redonné à Ladislas II par l’Empereur Frédéric Barberousse : & enfin Primislas, surnomme Ortocare I, obtint de l’Empereur Philippe, que la bohème auroit le droit de s’élire des Rois. Ils en ont joui jusqu’au commencement du XVIIe siècle, que la Maison d’Autriche s’est attribué ce Royaume, & l’a rendu héréditaire. Maty, & Hoffman. C’est depuis 1620, que Ferdinand II vainquit Frédéric, Comte Palatin, élû Roi de Bohème.

Le Royaume de Bohème comprend non-seulement la bohème propre, mais encore la Moravie, la Lusace & la Silésie, qui, dans ces derniers temps, a été cédée au Roi de Prusse. Il parut, il y a quelques années, une Dissertation en forme de lettre, pour montrer que le Royaume de Bohème est électif, ou héréditaire. Goldast a fait un livre exprès pour prouver non-seulement que le Royaume de bohème est héréditaire, mais successif mâle & femelle, avec le droit de primogéniture. Plusieurs filles ont porté la Couronne de Bohème dans des Maisons étrangères. Elisabeth, fille de Sigismond, la porta à Albert d’Autrcieh. Anne, fille d’Uladislas, l’a portée à Ferdinand. Iladislas avoit des freres, & entre autres Sigismond, Roi de Pologne ; cependant Anne est préférée à ces oncles ; la Couronne de Bohème passe par son moyen pour la troisième fois dans la Maison d’Autriche. Le Royaume de Bohème est divisé en douze Provinces qu’on appelle cercles. Hoffman. Maty n’attribue cette division qu’à la Bohème propre ; & il a raison. C’est Charles qui fut élu Roi & Empereur en 1346, qui fit cette division. Nous avons l’Histoire de Bohème par Æneas Sylvius, qui fut depuis, Pie II Pape ; une autre par Dubravius, Evêque d’Olmutz, imprimée à Bâme en 1575 in-fol., Georg. Pontanus a fait Bohemia Pia.