Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BLASPHÈME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 925-926).

BLASPHÈME. s. m. Crime énorme qui se commet contre la divinité par des paroles, ou des sentimens qui choquent sa Majesté, ou les mystères de la vraie Religion. C’est proprement une injure que l’on fait à Dieu, en lui attribuant ce qui ne lui convient point, ou en lui ôtant ce qui lui convient, comme sa sagesse, sa bonté, sa puissance, &c. C’est une blasphème de dire que Dieu commande des choses impossibles. Vox in Deum, contumeliosa verborum impietas, blasphemia. Blasphème horrible, exécrable, détestable. ☞ Les blasphémateurs étoient punis de mort chez les Juifs. Cette peine est rarement infligée chez nous. La punition la plus ordinaire du blasphème, est aujourd’hui l’amende honorable & le bannissement, ou les galères. On perce aussi la langue aux Blasphémateurs avec un fer chaud.

Une traduction d’une épitaphe de l’Arétin, dit :

Son encre noircit la mémoire
Des Monarques, de qui la gloire
Est vivante après le trépas ;
Et s’il n’a pas contre Dieu même
Vomi quelqu’horrible blasphème,
C’est qu’il ne le connoissoit pas.

L’Italien est plus serré, & d’un style plus badin & plus enjoué :

Qui giace l’Aretin Poëta Tosco,
Che d’ognun disse malo, for che di Dio
Scusando si col dir io n’ol conosco.

Blasphème. Comme il y a une parole intérieure, & une extérieure, il y a deux sortes de blasphème, l’un intérieur, qu’on appelle blasphème de cœur ; & l’autre extérieur qu’on appelle blasphème de bouche. On peut aussi donner le nom de blasphème extérieur au mépris qu’on fait de Dieu par des mouvemens de tête, & par des gestes outrageans & injurieux. Conf. d’Angers.

On peut être coupable du blasphème extérieur en trois manières. La première s’appelle énonciation ; c’est quand en affirmant ou niant quelque chose, on fait injure à Dieu, comme lorsqu’on lui attribue ce qui ne lui convient pas, ou qu’on s’efforce de lui ôter ce qui lui convient. La seconde manière est quand on blasphème avec imprécation & exécration contre Dieu, lui souhaitant du mal & le maudissant, qui est le péché des démons & des désespérés. La troisième manière, quand on parle de Dieu & de ses attributs d’une manière outrageante, ou avec mépris, ou par moquerie. Confér. d’Angers.

On appelle blasphème contre le Saint-Esprit, quand on résiste à la vérité, comme en attribuant ses œuvres au démon, ainsi que faisoient les Juifs, qui disoient que les miracles que faisoit J. C. Venoient de la puissance de Béelzébuth.

C’est aussi un blasphème que d’attribuer à la créature ce qui ne peut convenir qu’à Dieu, par exemple, ceux qui disent qu’une chose qu’ils affirment, est aussi vraie, qu’il est vrai qu’il y a un Dieu, que Dieu est au Ciel, &c. font véritablement un blasphème, parce qu’ils égalent la créature à Dieu.

Blasphème, se dit aussi des paroles impies & injurieuses que l’on dit des Saints, des choses saintes, des mystères de la Religion. ☞ Il peut avoir les mêmes espèces & les mêmes qualités que celui qui se fait directement contre Dieu. Voyez saint Augustin, saint Thomas, les Théologiens Scholastiques, & les Casuistes. Voyez sur les blasphèmes & les Blasphémateurs, le VIe titre du Liv. III, du Traité de la Police de M. de la Mare.

Blasphème, se prend quelquefois, en style bas & burlesque, pour un adjectif, & signifie Blême, pâle.

Voyant Damon blême
Je dis à l’instant,
Tu changes biens promptement
En ta mine blasphème
Ton teint de safran.