Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BIGAME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 898).
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☞ BIGAME. adj. Souvent employé substantivement. C’est un terme de Jurisprudence, qui signifie qui est marié à deux personnes en même-temps. Il est Bigame. Bigamus, ou Digamus. On le dit également d’une femme. Elle est Bigame. A Rome celui qui avoit contracté deux mariages en même temps, étoit noté d’infamie par l’Edit du Préteur. On punissoit ci-devant les bigames de mort, mais par erreur, car il n’y a pas d’Ordonnance qui les condamnent à ce supplice ; maintenant on leur impose d’autres punitions.

☞ Les hommes sont ordinairement condamnés au Carcan & aux Galères, les femmes au bannissement.

Bigame, en Droit canonique, se dit de celui qui a épousé deux femmes successivement, ou qui ne s’étant marié qu’une fois, a épousé une veuve. En l’un & l’autre cas on est irrégulier, & l’on ne peut être promu aux Ordres sacrés sans dispense. Ce point de discipline est fondé sur ce que saint Paul dit dans son Epître à Tire, chap. 1. Mari d’une seule femme. C’est pourquoi les Bigames n’étoient point admis aux Ordres sacrés ; soit que la bigamie fût réelle pour avoir épousé deux femmes, soit qu’elle fût interprétative, pour avoir épousé une veuve, ou une fille qui a été corrompue avant son mariage. Ceux-là même passoient pour bigames, qui avoient fait vœu de virginité avant leur mariage ; & l’Eglise observoit une si grande rigueur à l’égard des bigames, que le Pape Léon I, ne voulut jamais permettre à un Evêque de Mauritanie de les ordonner. Le P. Doucin, dans son Histoire du Nestorianisme, dit qu’Irénée étant bigame, en ce qu’il avoit été marié deux fois, avoit été élu Evêque de Tyr contre les Canons. S. Jérôme, Gennadius & les Grecs, ne regardoient comme bigames que ceux qui avoient épousé deux femmes successivement, depuis qu’ils avoient épousé deux femmes successivement, depuis qu’ils avoient reçu le baptême ; mais saint Ambroise, saint Innocent & saint Augustin, ont regardé avec l’Eglise latine, comme bigames, ceux qui avoient épousé deux femmes, quand même ils auroient épousé la première avant que d’être baptisés. Voyez le P. Thomassin. Saint Epiphane dit, hær. 59, n. 4, que l’Eglise observe exactement de ne point ordonner les bigames, quoiqu’ils n’aient épousé la seconde femme qu’après la mort de la première. Dans le 6, 7 & 8e siècles, les bigames n’étoient exclus, tant en Orient qu’en Occident, que de l’Episcopat, la Prêtrise & le Diaconat : ils pouvoient recevoir les Ordre intérieurs avec dispense de leur Evêque, selon plusieurs Théologiens, & plusieurs Canonistes, qui citent pour eux saint Thomas ; mais le P. Thomassin dit que les Cardinaux interprètes du Concile de Trente, & Sixte IV, ont déclaré qu’il falloit, même en ce cas, avoir recours au Pape.