Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BESTIAIRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 872-873).
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BESTIAIRE. s. m. Celui qui combat contre les bêtes, ou qui y est exposé. Bestiarius. On distinguoit communément deux sortes de bestiaires. Les premiers étoient ceux qui étoient condamnés aux bêtes, ou parce qu’ils avoient été pris en guerre, ou parce qu’ils avoient commis quelques crimes ou parce que c’étoient des esclaves, qui avoient commis quelque faute considérable. Tous ces bestiaires étoient exposés aux bêtes sans armes & sans défenses. Il ne leur servoit de rien de vaincre la bête & de la tuer, on en lâchoit toujours de nouvelles contre eux, jusqu’à ce qu’ils eussent été mis à mort ; mais il étoit rare qu’il fallût en lâcher deux contre un même homme : il étoit bien plus ordinaire qu’une seule bête défit plusieurs hommes. Cicéron, dans l’Oraison pour Sestius, parle d’un lion qui seul avoit suffi contre 200 bestiaires. Ceux qui succédoient aux premiers s’appeloient en grec ἔφεδροι, & les derniers ἔσχατοι, & chez les Romains Meridiani, ceux qui, le combat ayant commencé le matin, n’étoient exposés que l’après midi. Voyez Suétone dans Claude, C. 34, & ceux-ci étoient armés d’une épée. Les Chrétiens étoient bestiaires de cette première espèce ; c’est à-dire, qu’on les condamnoit aux bêtes, même ceux qui étoient citoyens Romains, quiuque ce fût un droit des citoyens Romains de n’y être point condamnés. Voyez Clém. Alex de Const. Apost. S. Irénée, Liv. V, Chap.28. Eusèbe, Hist. Eccles. Liv. III, ch.33.

La seconde espèce de bestiaires étoient, dit Sénèque, ép. 70, des jeunes gens qui, pour s’exercer à bien manier les armes, combattoient tantôt entr’eux, & tantôt contre des bêtes ; ou quelques braves qui par ostentation, & pour faire montre de leur assurance & de leur adresse, s’exposoient à ce dangereux combat. Auguste y produisit quelquefois de jeunes gens de la première noblesse, Suet. In Aug. 43. Néron s’y exposa lui-même. Id. in Nerone, 53. Et c’est pour avoir tué des bêtes dans l’amphithéâtre, que Commode fut appelé l’Hercule Romain, ainsi que Lampridius nous l’apprend. Vigenère, dans ses Annot. sur Tite-Live, Tom. I, p. 1434, & suiv. ajoute encore trois espèces de bestiaires. L’une est de ceux qui faisoient ce métier pour de l’argent. Une autre sorte de combat étoit quand on mettoit plusieurs gens armés tous à la fois contre plusieurs bêtes. Voyez Suétone dans Claude, n. 21. Enfin la dernière de ces sortes de chasses étoit quand on abandonnoit à tout le peuple confusément & en foule un grand nombre de bêtes sauvages, pour courir après & les tuer. ☞ Les premiers furent réputés infames & incapables d’aucun emploi. Ces spectacles se donnoient le matin : l’après midi étoit pour les autres gladiateurs. Il y en avoit qui se hasardoient d’attaquer même des lions sans armes. La manière d’éviter leur fureur étoit différente ; tantôt c’étoit par leur agilité ; tantôt en jetant quelque lambeau d’habit sur la tête de l’animal. D’autres lui tenoient fortement la gueule fermée, ou y enfonçoient leur bras si avant, qu’il étoit hors d’état de se défendre. On a vu des femmes s’exposer à combattre des bêtes féroces. On croit que ce sont les Athéniens qui ont introduit ces sortes de combats.