Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/BEAUCOUP

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 823).
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BEAUCOUP. ☞ Multùm. Adverbe relatif à la quantité des choses, soit qu’il s’agisse de calcul, de mesure ou d’estimation. Plusieurs n’est jamais employé que pour les choses qui se calculent. Il y a dans le monde beaucoup de fous qu’on estime, beaucoup de terrain qu’on néglige, & beaucoup de mérite qu’on ne connoît pas. Syn. Fr.

☞ L’opposé de beaucoup est peu. L’opposé de plusieurs est un, parce que plusieurs n’a rapport qu’à la quantité qui se compte.

☞ Pour qu’un état soit bien gouverné, il faut beaucoup de subalternes pour l’exécution, peu de chefs pour le commandement, plusieurs Ministres pour le détail, & un seul Prince pour le Général, Voyez Plusieurs.

☞ Quand beaucoup est employé pour signifier plusieurs, il faut ajouter personnes ou gens, ou quelque substantif. On diroit mal : il donnoit peu à beaucoup, il faut dire, à beaucoup de personnes ou de gens.

☞ On dit pourtant bien, nous sommes, ils sont beaucoup ; mais cela n’a lieu que dans les cas où le pronom personnel qui précède, fait voir que ce beaucoup qui suit, se rapporte au même pronom. De même quand on dit, il y en a beaucoup, cet en emporte avec soi la signification de gens, comme on le voit par cette phrase, il y en a, qui signifie, il y a des gens.

☞ Nous sommes beaucoup, & nous sommes plusieurs ne signifient pas précisément la même chose. Beaucoup désigne un plus grand nombre que plusieurs.

Beaucoup, sert aussi à marquer quelque chose d’avantageux, & alors il s’emploie comme un substantif. C’est beaucoup que de savoir commander. Acad. Fr.

Ménage dérive ce mot de beau & coup. D’autres le dérivent de bella copia. Ce mot ne vient pas de bella copia, qui n’est qu’une allusion, mais simplement de beau & de coup, en prenant coup pour fois, parce que ramasser en un seul coup une grande quantité de quelque chose qu’on souhaite, c’est un beau coup. Ainsi le pêcheur, qui du coup qu’il jette son filet, prend quantité de poissons, fait, dit-on, un beau coup de filet, ce qui a même passé en proverbe pour la capture qu’un Prévôt fait d’une compagnie de voleurs. A Dijon, en voici une bellefois, est la même chose qu’en voici beaucoup, ce qui ne sert pas peu à confirmer l’étymologie que j’ai donnée. Ménage qui l’avoit d’abord proposée dans la première édition de ses Origines Françoises, s’en est assez mal-à-propos rétracté dans la seconde, où il a mieux aimé dire qu’il ne savoit d’où venoit ce mot. Glossaire Bourguignon.

Beaucoup. Quand ce mot est mis après un comparatif, il veut être immédiatement précédé de la particule de. L’esprit de qui la promptitude est plus diligente de beaucoup que celle des autres. Vaug. Rem. ☞ Quand beaucoup est devant le comparatif, on peut mettre la particule de ou la supprimer. Gassendi & Descartes sont beaucoup, ou sont de beaucoup plus éclairés que les autres Philosophes. Il y a plusieurs autres façons de parler analogues à ces deux exemples, & qui suivent la même règle.

☞ On dit il s’en faut beaucoup, pour dire, qu’il y a une grande différence. Le cadet n’est pas si sage que l’aîné, il s’en faut beaucoup. Et on dit, il s’en faut de beaucoup, pour dire, que la quantité qui devroit y être, n’y est pas. Vous croyez m’avoir tout vendu, il s’en faut de beaucoup. Ac. Fr.