Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ATOME

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 598).
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ATOME. s. m. Petit corpuscule de toutes sortes de figures, qui entre dans la composition de tous les autres corps. Atomus. Les atomes ne tombent pas sous les sens, à cause de leur extrême petitesse, qui les dérobe à la vue. Moschus Phénicien, Leucippe, & Démocrite, ont été les premiers Philosophes qui ont établi la doctrine des atomes. Plusieurs Philosophes ont eu la même opinion sous d’autres noms. Empédocle admettoit quatre élémens, composés de fragmens fort déliés : Héraclide supposoit une poussière très-subtile, & indivisible ; & Platon divisoit les quatre élémens en parcelles invisibles, & compréhensibles seulement par l’entendement. Cette opinion si ancienne a été depuis renouvelée par Epicure, & par Lucrèce, & fort bien expliquée par Gassendi, & par Bernier son Traducteur & son Abréviateur. Les atomes sont la matière première & préexistante, & incorruptible, de laquelle toutes choses sont engendrées, & dans laquelle toutes choses se résolvent en dernier lieu. Les atomes ne sont pas censés indivisibles, parce qu’étant dénués de toute grandeur, ils n’ont point de parties mais ils sont indivisibles, parce qu’ils sont si solides, si durs & si impénétrables, qu’ils ne donnent point lieu à la division ; & qu’il n’y a aucun vide qui donne entrée à une force étrangère pour les séparer, & pour en désunir les parties. Comme les atomes sont la matière première, il faut bien qu’ils soient indissolubles, afin qu’elle soit incorruptible. ☞ Epicure suppose un nombre infini de ces atomes, c’est-à-dire, des corpuscules durs, crochus, carrés, oblongs, de toute figure, tous graves, tous en mouvement dans l’espace immense du vide. Mais comme avec le seul mouvement provenant de leur gravité, les atomes n’auroient jamais pu se rapprocher les uns des autres, ni former aucuns composés, Epicure leur en suppose un autre éternel & essentiel comme le premier, qui est un mouvement de côté, de déclinaison, qui les éloigne de la perpendiculaire. Par ce moyen les atomes venant à s’accrocher par leurs angles, ont formé un ciel, un soleil, une mer, une terre, des plantes, des hommes, en un mot les différens assemblages que nous voyons. Ce tout formé par hasard, doit de même se décomposer & se dissoudre par hasard.

☞ Ce système, dit M. Pluche, digne des petites maisons, est plus propre à nous faire éclater de rire, qu’à nous scandaliser. Il est difficile de soutenir que les atomes sont leur propre cause à eux-mêmes, & qu’ils sont éternels. S. Evr. La matière aveugle, & qui s’est formée de l’amas confus des atomes, n’a pu produire un chef-d’œuvre aussi admirable que l’Univers. Id. Les Anciens ont dit que la nature avoit assemblé tous les atomes de la sagesse pour composer Epicure. Mal.

Ce mot vient du grec ἄτομος, qui signifie indivisible, d’α privatif, & τέμνω, seco.

Il y a cette différence entre les Epicuriens & les Gassendistes, que les Epicuriens disoient que les atomes étoient éternels, incréés, & qu’ils avoient en eux un principe de mouvement ; au lieu que les Gassendistes conviennent qu’ils sont créés.

Le sentiment des Epicuriens sur les atomes répugne. 1°. La foi nous apprend que le monde est créé. 2°. Que les atomes qui ne sont que matière, aient en eux mêmes un principe de mouvement, ce qui choque le bon sens. Que l’on raisonne tant que l’on voudra sur la matière ou sur les atomes, jamais on n’y découvrira autre chose qu’étendue, figure, & capacité à être mis en mouvement ; mais jamais on n’y concevra un principe de mouvement actif. Tout corps qui se meut, a reçu son mouvement d’une cause étrangère. Mettez-le en repos, de foi il y demeurera éternellement, & par conséquent il est impossible que d’eux-mêmes les atomes aient formé le monde par leur concours, & en s’entrechoquant les uns les autres.

Atome, se dit figurément pour une chose méprisable, de nul prix, de néant, Res nihili, aspernabilis, e. Qui suis-je, mon Seigneur & mon Dieu, qui suis-je, qu’un orgueilleux atome, & qu’un aveugle qui s’égare, dès que votre lumière cesse de m’éclairer ? Mad. de la Vallière. Réflex. sur la Miséric. de Dieu.

Atome, se prend aussi pour toutes sortes de petits corps qui sont sensibles à la vue ; pour cette petite poussière que l’on voit voltiger en l’air aux rayons du soleil. On donne encore ce nom à une poudre très-subtile, qu’on enferme dans une bouteille, & qui conserve son mouvement pendant dix ans. Elle se fait avec un amalgame de Mercure & de Jupiter, & du sublimé, après qu’ils ont été plusieurs fois dissous, & qu’ils ont passé par le feu de chasse.

Atome, est aussi un nom qu’on a donné au plus petit de tous les animaux, qu’on a découvert avec les plus excellens microscopes. C’est un animal qui ne paroît pas plus gros qu’un grain de sable le plus délié au microscope tel qu’on le voit sans microscope, pendant qu’un de ces grains de sable paroît avec le microscope, gros comme une noix ordinaire. On lui a découvert plusieurs pieds, le dos blanc & plein d’écailles. On ne sauroit trop admirer l’art de l’ouvrier, lequel a construit cette multitude d’insectes, qui sont comme autant d’atomes organisés & animés. Malb.