Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARSENIC

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 532-533).

ARSENIC. s. m. Minéral fort caustique, & poison fort violent. Arsenicum. Si tu t’ennuies de vivre, tu t’enverras dans l’autre monde avec un grain d’arsenic. Ablanc. Il y a trois sortes d’arsenic ; le blanc, qui est quelquefois transparent ; le jaune, qui est l’orpiment ; & le rouge, qui est le réalgar, ou réagal ; Voyez ce mot, ou Sandaraque. Ces minéraux sont d’une nature si subtile & si pénétrante, qu’étant alliés avec les métaux, ils les ouvrent, les corrompent, & les transforment presque en une autre nature. Ils blanchissent le cuivre, le laiton, & le plomb, comme l’argent. Ils sont chauds, secs & corrosifs, & dangereux à toute chose ayant vie. Ils se lèvent par feuilles comme du papier. L’arsenic est comme une suie ou un suc minéral, gras & onctueux, qui participe de la nature du soufre. Cette suie s’amasse dans les tuyaux des fourneaux où l’on calcine une pierre minérale qu’on appelle cobalt, cobaltum. De cette pierre on tire encore par différentes fusions le bleu d’azur, le safre & le bismuth. Voyez les ouvrages de M. Sthale Médecin. C’est celui qui a le mieux traité cette matière, qui nous a été si long-temps inconnue. Il y a une lettre de M. Blaio, Médecin Anglois, touchant les effets de l’arsenic sur le corps humain. L’arsenic qu’on apporte ici d’ordinaire, & qu’on appelle cristalin, parce qu’il ressemble à du crystal, est une matière sublimée de parties égales de sel marin & d’orpiment en poudre mêlées ensemble dans des vaisseaux sublimatoires.

Quelques-uns tirent le mot d’arsenic du grec ἄρσην, qui signifie mâle, à cause de sa vertu tout-à-fait mâle pour donner la mort, Martinius.

En termes de Chimie, on appelle Rubis d’arsenic, une préparation de l’arsenic vulgaire, qu’on fait avec du soufre par des sublimations plusieurs fois réitérées qui lui donnent la couleur de rubis. On prétend qu’alors il n’est plus nuisible, mais qu’il sert de remède à plusieurs maladies, quand on le donne dans des confitures, conserves, ou loocs, pour provoquer les sueurs, & guérir les ulcères rebelles. Un tel remède doit être toujours extrêmement suspect ; & on ne doit point s’en servir intérieurement.

Le beurre, qui est d’une nature huileuse & émolliente, & qui lâche le ventre, quand on en prend en quantité, est bon contre l’arsenic. Le lait de vache est encore bon contre l’arsenic, & contre les poisons corrosifs, pourvu qu’on boive de ce lait en quantité, & autant qu’on a soif ; car on est ordinairement fort altéré après qu’on a pris cette sorte de poison. Degori.

Régule d’arsenic, c’est la partie la plus fixe & la plus compacte de l’arsenic, qu’on prépare avec les cendres gravelées & le savon ; faisant fondre le tout, & le jetant tout fondu dans un mortier : par ce moyen la partie la plus pesante tombe au fond. Il y a aussi de l’huile caustique d’arsenic, qui est une liqueur butireuse, semblable au beurre d’antimoine, qu’on prépare avec l’arsenic & le sublimé corrosif. Cette huile sert pour consumer les chairs baveuses des plaies, & à emporter la carie des os. L’esprit qui sort le premier est fort corrosif, & capable de dissoudre tout-à-fait le fer, & plusieurs métaux.

Arsenic des Philosophes. Terme de Science hermétique. C’est le mercure des Philosophes hermétiques : d’autres entendent par ces mots la matière de laquelle on tire le mercure : d’autres, la matière lorsqu’elle est venue au noir ; d’autres, le soufre, ou la semence masculine & agente ; d’autres enfin, le sel qui est le lien du soufre & du mercure. On appelle Arsenic des Philosophes non urent, ou incombustible, la pierre des Hermétiques parfaite au blanc.