Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARÉOPAGE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 487-488).

ARÉOPAGE. s. m. Tribunal ou Sénat des Athéniens. Aréopagus. Quelques-uns disent que c’étoit une espèce de palais, situé sur une colline dans la ville d’Athènes, & que c’étoit dans ce palais que le Sénat de cette fameuse ville s’assembloit. C’est l’idée qu’Hésychius en donne. D’autres appellent Aréopage, non-seulement le palais où s’assembloient les Aréopagites, mais un fauxbourg tout entier d’Athènes, ou la colline sur laquelle étoit placé ce palais. Le nom Aréopage semble favoriser cette opinion. Car il signifie proprement la colline de Mars, ou le rocher de Mars, πάγος colline, rocher, & Ἄρειος, qui appartient à Mars. On dit qu’il fut ainsi nommé, soit parce que l’Aréopage étoit situé dans un petit bourg où il y avoit un temple de Mars ; soit parce que la première cause qui y fut plaidée, fut celle de ce Dieu, accusé d’avoir tué le fils de Neptune, & renvoyé absous par douze autres Dieux ; ou bien parce qu’il y condamna Mars d’adultère. L’Auteur des Etymologies dit, parce que les Amazones filles de Mars campèrent là ; Æschyle, dans les Euménides, v. 690, parce que les Amazones portées sur cette colline, immolèrent à Mars un grand nombre de victimes. Ce Poëte paroit ignorer, ou ne pas croire tout ce que Pausanias, Liv. I. Libanius, Orat. 22 & 23. Servius, in Virg. Georg. Lib. I, v. 18, rapportent du procès de Mars & de Neptune. Il conte qu’après la guerre de Troye l’Aréopage prononça son premier arrêt contre Oreste. Mais Apollodore, Liv. III, remonte plus haut,& veut que cet illustre Sénat ait banni à perpétuité Céphale, pour avoir tue malheureusement sa femme d’un coup de flèche. Tourr. Cette Justice étoit en grande réputation chez les Grecs. Les Romains eux-mêmes en avoient une si haute opinion, qu’ils renvoyoient beaucoup de causes ambiguës à sa décision. L’Histoire vante en mille endroits l’intégrité de ceux qui composoient cet auguste & fameux tribunal.

Les Auteurs ne conviennent pas du nombre des Juges. Les uns en comptent 31, les autres 51, & d’autres jusqu’à 500. Il paroît que le nombre n’en étoit pas fixé, & qu’il étoit plus ou moins grand chaque année. Une inscription grecque rapportée par Volaterran, marque qu’ils étoient 500, ce qui doit s’entendre de l’année que cette inscription fut faite. D’abord cet auguste tribunal ne fut composé que de neuf Archontes sortis de charge. Leur salaire étoit égal, & payé des deniers de la république. On donnoit à chacun d’eux, trois oboles pour une cause. La Guill. Les Aréopagites étoient Juges perpétuels. Ils ne jugeoient que la nuit, afin d’avoir l’esprit plus recueilli, & plus attentif, & qu’aucun objet de haine, ou de pitié, ne pût surprendre leur religion. ☞ Par la même raison les Avocats étoient obligés d’y exposer leurs causes avec beaucoup de simplicité, sans employer ni exorde ni péroraison. Ils ne jugeoient d’abord que des causes criminelles. Ils eurent ensuite une juridiction plus étendue, cependant ils ne faisoient proprement que de débrouiller les affaires d’Etat.

M. Spon, qui étoit à Athènes en 1676, & qui examina les restes de cette fameuse ville, & en particulier de l’Aréopage, dit dans le second tome de ses voyages, que l’on voit encore les restes de l’Aréopage au midi du temple de Thésée, qui étoit autrefois au milieu de la ville, & qui est aujourd’hui hors des murs. On voit les fondemens de l’Aréopage en demi-cercle, & une esplanade de 140 pas environ, qui étoit proprement la talle de l’Aréopage. Il y a un tribunal taillé au milieu du roc, & des siéges aux deux côtés, sur lesquels les Aréopagites prenoient séance, exposés à l’air. Assez près font des grottes dans le roc, que l’on conjecture avoir servi de prison peur enfermer les criminels. Voyez les voyages de M. Spon, Tom. II, & Meursius, de Senatu Areopag. Tacite, Annal. Liv. II, ch. 55, l’appelle Areum Judicium. Jugement de Mars, & Juvénal, Sat. IX, v. 101, Martis Curia, la Cour de Mars. Voyez sur l’Aréopage & les Aréopagites le P. Salien dans ses Annales à l’année 2538, S. Aug. De Civ. Lib. XVIII. cap. 10, & les Notes de Vivez, Pollux, Liv. VIII. Isid. Pelus, Lib. II, ep. 91. Sam. Petit, Leges Attic, sur tout Liv. III, Tit. 2. Meursius déjà cité, & Vosius, Areopag.

☞ Comme l’Aréopage étoit célèbre par sa réputation de sagesse & d’intégrité, on dit figurément d’une compagnie respectable, que c’est un Aréopage : & généralement on applique ce mot à une assemblée de Juges, de Magistrats, d’Hommes d’état.