Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ARÉOMÈTRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 486-487).
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☞ ARÉOMÈTRE. s. m. Aræometrum. Ce mot est formé du grec avalas , tenuis, subtilis, & μετρον, mensura. Instrument propre à peser des esprits, des liqueurs spiritueuses : instrument dont on se sert pour connoître le degré de pesanteur des fluides , autrement pese-liqueur. On s’en sert en Physique & en Chimie. Celui dont on se sert dans l’Académie des Sciences est presque le même que celui qui est décrit dans les Essais de l’Académie de Florence. C’est une ampoule de verre lestée de vif-argent, ayant un cou fort étroit, divisé en parties égales selon toute sa longueur. On abandonne cet instrument en le plongeant dans les liqueurs qu’on veut comparer, & on juge de leur pesanteur par le degré jusqu’auquel cet instrument s’y enfonce.

☞ C’est une loi constante qu’un corps s’enfonce dans un fluide, jusqu’à ce qu’il occupe dans ce fluide la place d’un volume qui lui soit égal en pesanteur. On estimera donc la pesanteur de la liqueur où l’on plonge l’aréomètre, par le plus ou moins de profondeur à laquelle il descendra, laquelle est indiquée par les degrés marqués sur le cou de l’instrument. La liqueur où il descendra plus bas, sera la plus légère, & celle où il s’enfoncera moins, sera la plus pesante.

Dans les Mémoires de l’Académie des Sciences 1699, M. Homberg donne un nouvel aréomètre, préférable en plusieurs choses à l’ancien. La construction de ce nouvel aréomètre consiste en un vaisseau de verre semblable à un petit matras, dont le cou est si menu qu’une goutte d’eau y occupe l’espace de cinq à six lignes. A côté de ce cou, il sort de la panse du vaisseau un petit tuyau de la même capacité que le cou, & de la longueur d’environ six lignes, parallèle au cou. Ce petit tuyau sert pour donner une sortie à l’air qui est dans le vaisseau, à mesure qu’on le remplit d’une liqueur. La raison pour laquelle le cou est si menu, est que par-là on peut plus aisément connoitre le vrai volume de la liqueur qui est entrée dans le vaisseau. L’on fait une marque sur son cou pour connoitre jusqu’où il doit être rempli. Il est bon de faire un peu évaser en entonnoir l’extrémité du cou, pour y verser plus facilement la liqueur.

L’usage de cet aréomètre est de le remplir d’un esprit acide jusqu’à la marque de son cou, de le peser ensuite avec un bon trébuchet, & de comparer le poids de cet esprit au poids d’un autre esprit. L’on y connoitra très-exactement de combien l’un pèsera plus que l’autre, parce qu’une goutte occupant l’espace de cinq ou six lignes dans le cou de cet aréomètre, si on y avoit versé la hauteur d’une ligne de trop ou trop peu, l’erreur ne seroit que d’un cinquième ou sixième de goutte sur toute la quantité qu’on auroit mesurée, ce qui est très-peu de chose, & cependant cela sera très sensible dans l’aréomètre, & très facile à corriger, en y ajoutant un peu de liqueur, s’il y en a trop peu, ou en frappant avec le doigt sur l’entonnoir du cou, s’il y en trop, ce qui fera sortir un peu de la liqueur par le petit bout du tuyau.

On peut avec cet instrument examiner non-seulement les esprits acides, mais aussi les sulfureux, & toutes sortes d’autres liqueurs; & comme les liqueurs sont sujètes à se dilater dans le chaud, & à se resserrer dans le froid, il entrera en hiver plus de liqueur dans l’aréomètre, qu’il n’en entrera en été. Pour remédier à cet inconvénient, M. Homberg a donné une table des liqueurs les plus considérables dont on se sert en Chimie, & il y marque combien ces liqueurs ont pesé dans la plus grande chaleur de l’été, & combien dans un temps où il geloit, afin que par-là on puisse savoir la différence de ces deux extrémités au temps dans lequel on veut se servir de l’aréomètre. Voici cette table.

L’aréomètre plein de mercure a pesé en été onze onces & sept grains, en hiver onze onces & trente-deux grains.

Plein d’huile de tartre, en été, 1 once, 3 drachmes, 8 gr.
En hiver, 1 once, 3. dr. 32 gr.
Plein d’esprit d’urine, en été, 1 once, 32 gr.
En hiver, 1 once, 43 gr.
Plein d’huile de vitriol, en été, 1 once, 3 dr. 58 gr.
En hiver, 1 once, 4 dr. 3 gr.
Plein d’esprit de nitre, en été, 1 once, 1 dr. 40 gr.
En hiver, 1 once, 1 dr. 70 gr.
Plein d’esprit de sel, en été, 1 once, 39 gr.
En hiver, 1 once, 47 gr.
Plein d’eau-forte, en été, 1 once, 1 dr. 38 gr.
En hiver, 1 once, 1 dr. 55 gr.
Plein de vinaigre distillé, en été, 7 dr. 55 gr.
En hiver, 7 dr. 60 gr.
Plein d’esprit de vin, en été, 6 dr. 47 gr.
En hiver, 6 dr. 61 gr.
Plein d’eau de rivière, en été, 7 dr. 53 gr.
En hiver, 7 dr. 57 gr.
Plein d’eau distillée, en été, 7 dr. 50 gr.
En hiver, 7 dr. 59 gr.

L’aréomètre vide pesoit une drachme vingt-huit grains.

Cette table marque le poids exact de ces liqueurs, en hiver & en été, & la vraie différence des unes aux autres ; mais elle ne marque pas la quantité de sel volatil acide, & la quantité de flegme dont ces esprits sont composés. Voyez la table que nous avons mise au mot Esprit, elle vous l’enseignera.