Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APPRÉHENDER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 435).

APPRÉHENDER. v. a. Terme de Palais, signifie, prendre, saisir. Apprehendere, comprehendere. Un tel sera pris & appréhendé au corps, & constitué prisonnier.

Appréhender, en termes de Palais, signifie aussi accepter. Adire hæreditatem ou apprehendere, capescere. Appréhender une succession, la prendre & l’accepter. Une succession à laquelle un tuteur a renoncé, peut être appréhendée par son pupille, quand il est parvenu à sa majorité. On peut instituer plusieurs héritiers avec subordination les uns aux autres, afin que si les premiers nommés ne veulent ou ne peuvent pas appréhender la succession, elle puisse être recueillie par les derniers, chacun suivant l’ordre & le degré dans lequel il est institué.

APPRÉHENDER. v. a. Craindre, avoir peur. Metuere, vereri, reformidare. Ce mot se construit de plusieurs manières. 1.o Il veut tous les noms qui suivent à l’accusatif, ainsi que tous les autres verbes actifs : un brave homme ne doit point appréhender la mort. On doit appréhender la pauvreté, comme quelque chose d’affreux. Il appréhendoit une paix fourrée. 2.o Il veut quelquefois la particule de & le verbe qui suit à l’infinitif : on doit sur toutes choses appréhender d’offenser Dieu. Les mondains & les voluptueux appréhendent extrêmement de mourir. 3.o Il veut quelquefois la particule que, & le verbe qui suit au subjonctif. J’appréhende que quelqu’un ne vous dresse des embûches. Vos amis appréhendent que vous ne vous perdiez vous même. Nous devons appréhender que la mort ne nous surprenne. 4.o Il veut quelquefois la préposition pour ; j’appréhende pour sa vie, pour sa liberté, pour son salut. Dans un si grand malheur chacun appréhenda pour soi. Il n’appréhendait rien ni pour lui, ni pour sa religion.

☞ M. l’Abbé Girard distingue ainsi les mots craindre, appréhender, redouter, avoir peur qui paroissent se ressembler, & fixe leur vraie signification. On craint par un mouvement d’aversion pour le mal, dans l’idée qu’il peut arriver. On appréhende, par un mouvement de désir pour le bien, dans l’idée qu’il peut manquer. On redoute par un sentiment d’estime pour l’adversaire, dans l’idée qu’il est supérieur. On a peur par un foible d’esprit pour le soin de sa conservation, dans l’idée qu’il y a du danger. Le défaut de courage fait craindre. L’incertitude du succès fait appréhender. La défiance des forces fait redouter. Les peintures de l’imagination font avoir peur. Le commun des hommes craint la mort au-dessus de tout. Les gens d’honneur pensent que l’infamie est ce qu’il y a de plus à craindre. Plus on souhaite ardemment une chose, plus on appréhende de ne la pas obtenir. Un Auteur doit toujours redouter le jugement public. Les femmes ont peur de tout.

APPRÉHENDÉ, ÉE. part. Il a les significations de son verbe en latin comme en françois.