Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/APOLLON

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 411-412).
◄  APOLLINE
APOLLONIA  ►

APOLLON. s. m. Apollo. Nom d’un Dieu, fils de Jupiter & de Latone. Son nom est grec, & vient, selon Platon, ἀπὸ τοῦ πάλλειν τὰς ἀϰτίνας, de ce qu’il darde ses rayons. D’autres prétendent qu’il vient d’ἀπολλύσθαι, perdre, détruire. Ainsi Apollon signifie un destructeur, un exterminateur ; parce qu’avec ses dards il avoit la réputation de tout perdre. Apollon avoit bien des fonctions dans le Paganisme. 1°. Il étoit le soleil. C’est pour cela qu’au rapport de Cicéron, de nat. deor. libr. 2. Chrysippe dérivoit son nom de l’α privatif, & πολλοὶ plusieurs, parce qu’il n’y a qu’un soleil. Hésychius donne cette étymologie, & les Syriens l’appellent, dit-on, חדד, hhadad, qui signifie un, c’est Macrobe qui le dit, Saturn, Liv. 1, ch. 21 & 23. Il dit encore au même endroit, qu’il est appelé par les Egyptiens Horus, qu’on peut tirer de l’hébreu אור, or, qui signifie lumière. Il étoit aussi le Dieu & l’inventeur de la Médecine, & de l’art de la divination ; aussi presque tous les oracles lui étoient attribués. On lui attribue aussi l’invention de l’arc. Peut-être n’est-ce qu’une allusion aux rayons du soleil. Il étoit encore le Dieu de la Musique, de la Poësie, & de la Rhétorique, présidoit aux beaux Arts, & étoit le chef des Muses. On peignoit toujours Apollon jeune & sans barbe, & avec de grands cheveux. Le colosse de Rhodes étoit une figure d’Apollon. La tête est représentée couronnée de rayons sur les médailles de Rhodes, avec une rose au revers, & le mot ΡΟΔΙΩΝ. On dit qu’il prit le luth à Mercure ; car Apollon n’en est point l’inventeur ; Homère en fait l’honneur à Mercure, dans l’hymne qu’il a composée à sa louange. Cependant Polydore Virgile fait Apollon inventeur de la lyre & de la flute, Liv. 1. ch. 5. La cigale, le coq, l’épervier, l’olive, & le laurier, lui étoient consacrés.

Cicéron, de nat. deor. lib. 2, c. 57, distingue quatre Apollons. Le premier & le plus ancien, fut le gardien d’Athènes ; le second fut fils d’une Corybante, & naquit en Crète ; le troisième de Jupiter & de Latone. Eusèbe prétend que celui-ci est le plus ancien. Le quatrième né en Arcadie, donna des loix aux Arcadiens, & ils l’appellerent à cause de cela Nomius, ou législateur.

Apollon a eu bien des surnoms & des épithètes. Apollon Acésien, Acesius, parce qu’il étoit Dieu de la Médecine, d’ἀϰέομαι, medeor ; il eut aussi à Rome le surnom de Médecin, Medicus ; Actiaque, Actiacus, parce qu’il étoit honoré à Actium ; Alexicaque, qui chasse le mal ; à cause qu’il présidoit à la Médecine ; Cœlispex, qui regarde du haut du ciel, parce qu’il étoit le soleil ; Capitolin, Capitolinus ; Chochéen, Chocæus ; Clarien ou de Claros, Clarius ; Délien, ou de Délos, Delius, Deliacus ; Delphique, Delphicus ; de Didyme, Didymæus ; Hebdomagète, Hebdomagetes, parce qu’il étoit venu au monde le septième jour du mois, d’où vient que ce jour lui étoit consacré ; ou parce qu’il étoit venu au monde le septième mois, comme prétend le Scoliaste de Callimaque ; Héliopolitain, Heliopolitanus ; Hyperboréen, Hyperboreus ; Milésien ; Milesius ; Palatin, ou du mont Palatin à Rome, Palatinus ; Parœtonien, Parætonius, Ptous, Sarpedonius, Sofianus, Thustanicus ; ces noms lui furent donnés des lieux où il étoit honoré ; Daphnæus de Daphné, à cause d’une fontaine de ce nom qui rendit des oracles, ou du laurier, en grec δάφνη, qui lui étoit consacré ; Ἐξοϰεστήριος, qui remédie ; Ἀποστρόπαιος, qui tourne mal, parce qu’on lui racontoit les mauvais songes qu’on avoit eus, afin qu’il les détournât ; Προστάτηριος, à cause des statues qu’il avoit ordinairement dans les portiques ; Ἰήιος, Ἰομένος & λεχύνοριος, par rapport à ceux qui commençoient à s’adonner aux sciences, & à se trouver dans les assemblées des Philosophes qu’on appelloit λέχαι, λοίμιος ; pestilentiel, qui donne la peste ; Myricinus, parce qu’à Lesbos il avoit de la fougère en main, & qu’en quelques endroits cette herbe servoit aux divinations ; Navalis, à cause de la victoire d’Actium, dont Auguste lui crut être redevable. Les Scythes le surnommerent Acthosirus. Icadius son fils le surnomma Patrius. Il fut appelle Phaneus, de φαίνω, parce qu’il découvroit, faisoit connoître la vérité ; Pythien, Pythius, parce qu’il tua le serpent Python ; Sandalier, Sandalarius, d’une statue qu’Auguste lui dédia dans Rome, & qui avoit des sandales ; Syntodus, dans une inscription rapportée par Gyraldus, Syntag. 7 p. 217. Θυραῖος, comme qui diroit Portier, parce qu’il présidoit aux portes ; il eut même le surnom de Bourreau dans Rome, Tortor, parce qu’il avoit une statue dans la rue où se vendoient les fouets pour tourmenter les esclaves. Il y a encore dans l’Anthologie, Liv. 1 ch. 38, une épigramme de 25 vers, dont 24. ne sont composés que d’épithétes d’Apollon, rangés selon l’ordre alphabétique des 24 lettres grecques, Voyez aussi les listes des noms d’Apollon, qu’a faites M. Béger.

Apollon étoit un des Dieux de la fable les plus connus, par le soin qu’ont pris les Poëtes de lui attribuer l’enthousiasme ou l’espèce de fureur Poëtique, & de supposer en même-temps qu’il est le Dieu de la Médecine & de la lumière. Comme les payens par ce nom entendoient le soleil, qui fait naître les plantes, & leur donne les propriétés qu’elles ont de guérir plusieurs maladies, ils avoient aussi multiplié ses attributs, dont on trouve le detail & les explications chez les mythologues. Un assez grand nombre de lieux portoient son nom, parce qu’il y avoit un temple, une chapelle, ou quelque culte publiquement établi. Ces lieux se nommoient Apollonia, Apollinis fons, fanum, &c.

Apollon étoit aussi chez les Anciens le nom d’une danse, dans laquelle on représentoit ce Dieu.

Apollon. s. m. Terme de Fleuriste. C’est le nom d’une des espèces des œillets piquetés. C’est un piqueté de brun sur un fin blanc. L’œillet est petit, & sa plante fort sujette au blanc & à la pourriture. Il est à Lille. Cult. de Fl.

Apollon. s. m. Espèce de petite robe de chambre qui ne vient qu’à la moitié des cuisses. On couche avec l’apollon en hiver, & pour lors il est d’étoffe, & même quelquefois fourré. Et en été on le fait de taffetas, de toile des Indes, ou de quelque autre étoffe de soie légère. On en fait même de toile blanche, & les Dames s’en servent pour se peigner & se coëffer, comme elles faisoient autrefois de peignoirs. Ceux qu’elles portent pendant le jour s’appellent encore casaquins, ou pot-en-lair. Les hommes portent aussi des apollons, au lieu de robes de chambre, parce que leur petitesse les rend plus commodes.