Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ANIMAL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 359-361).

ANIMAL. s. m. Corps animé qui a du sentiment, & du mouvement. ☞ C’est, dit M. de Buffon, la matière vivante & organisée, qui sent, agit, se meut, se nourrit & se reproduit. Animal, Animans. Les Philosophes comprennent l’homme sous le genre d’animal, & le définissent, animal raisonnable. Ils y comprennent aussi les oiseaux, les poissons, & les insectes. Tous les êtres en un mot, composés d’un corps organisé, & d’une ame sensitive. Il y avoit dans l’arche toutes sortes d’animaux. S. Augustin rapporte que beaucoup de personnes scrupuleuses étendoient jusqu’aux animaux la défense de la loi, tu ne tueras point. Ils se fondoient sur quelques passages de l’Ecriture, où Dieu à égard aux animaux, comme s’ils avoient quelque principe de raison. Il dit qu’il redemandera le sang de la main des animaux. Gen. c. 9. Et dans le même endroit, il contracte alliance tant avec Noé, qu’avec tout animal vivant, & toutes les bêtes de la terre. C’est l’orgueil de l’homme qui lui fait croire que tous les animaux ont été créés pour lui, & qu’il a sur eux un empire despotique, Mote Vay. Nous avons un pouvoir royal sur les animaux ; mais il ne doit pas être tyrannique. Id. Descartes a dépouillé les animaux de toute intelligence, & les a mis au rang des machines, qui ne sont mues que par ressorts. Le Pere Daniel a réfuté l’hypothèse de Descartes. Il fait voir que les animaux ne sont point destitués de connoissance, & qu’il est impossible d’expliquer tous leurs mouvemens, & toutes leurs sensations, par les lois de la Mécanique. Les animaux, avec leur seul instinct, sont souvent plus sages que l’homme avec la raison. S. Evr. Aristote, Pline, Solin & Ælian, ont écrit de l’Histoire des animaux, chez les Anciens. Aldrovrandus, Gesner, Jonston, en ont écrit plusieurs volumes entre les modernes.

☞ Les plantes viennent d’une graine qui est elle-même une plantule qui ne fait que se développer en naissant. La première plante de chaque espèce, suivant plusieurs Physiciens, a renfermé dans son sein toutes celles qui sont nées & qui naîtront d’elle. Voyez Plante. Tous les animaux viennent de même de germes ou d’œufs renfermés dans les premiers de chaque espèce qui ne font qu’éclore & se développer.

☞ Le germe des animaux vivipares, dit M. Duhamel, de quelque façon qu’il soit formé, prend son accroissement dans le sein de sa mere, d’où le jeune animal sort pourvû de tous ses organes. Au moment de sa naissance il prend, pour ainsi dire, une nouvelle façon de vivre. Le fœtus qui recevoit continuellement de la nourriture de sa mere par les vaisseaux ombilicaux, qui ne respiroit point, & dont le sang circuloit par des routes qui se ferment après la naissance ; ce fœtus devenu enfant, au sortir du sein de sa mere, respire ; son sang suit une nouvelle route par les poumons, où il reçoit les avantages que l’air peut lui procurer.

☞ Privé du secours des vaisseaux ombilicaux, il prend sa nourriture par la bouche : néanmoins après cette métamorphose, il n’est point encore en état de se passer du secours de sa mere : les dents lui manquent, & son estomac trop délicat ne s’accommoderoit pas d’alimens solides. Il a besoin de sucer les mamelles de sa mere, pour en tirer une espèce de chyle qui n’exige presqu’aucune digestion : peu-à-peu ses parties se fortifient, son estomac devient capable de recevoir & de digérer des alimens plus solides & plus nourrissans : ainsi on peut dire qu’il acheve de se former après sa naissance.

☞ A l’égard des animaux ovipares, voici ce qui se passe. L’œuf est composé d’une coque, du blanc enveloppé de sa membrane, du jaune enveloppé de la sienne, & du germe renfermé dans une petite vessie qui paroît comme une tache obscure.

☞ Les poules peuvent pondre sans le ministère d’un coq : mais ces œufs, très-bien formés d’ailleurs, ne produisent rien, s’ils n’ont été fécondés par le mâle. Après cette fécondation on n’apperçoit aucune différence entre cet œuf & celui qui est infécond. Sans doute qu’il y existe un germe capable de devenir poulet, mais ce poulet n’existe pas, dit M. Duhamel, au moins sensiblement. Pour que son existence devienne sensible, il ne faut qu’un certain degré de chaleur. Que cette chaleur soit produite artificiellement dans les fours de M. de Réaumur, ou qu’elle résulte du corps même de la poule qui couve, cela est indifférent. Cette chaleur qui doit durer tout le temps de l’incubation, agite le blanc & le jaune, divise, atténue cette matière. Atténuée, elle coule par le nombril dans le corps du petit animal. On apperçoit sur le jaune, vers l’endroit qu’on nomme la cicatricule, de petits points qui palpitent, de petits vaisseaux sanguins : peu-à-peu le poulet se forme & se développe par degrés. Pendant tout le temps de l’incubation il se nourrit par les vaisseaux ombilicaux, aux dépens du jaune de l’œuf qui est continuellement réparé par le blanc, dont toute la substance passe dans le jaune par des vaisseaux de communication que le vulgaire prend mal-à-propos pour le germe. Quand la nourriture vient à lui manquer, il se remue, il s’agite, il se dégage des membranes qui le retiennent, il perce la coquille avec son bec, ou la poule la brise elle-même. Voilà le poussin éclos, pourvû d’une suffisante quantité d’alimens pour pouvoir se passer de nourriture pendant 36 ou 48 heures. Mais après ce temps là il périroit, si on ne lui en fournissoit pas. Mais la mere a soin de lui fournir des alimens faciles à digérer. Au reste, au moment qu’il sort de sa coquille, instant qu’on peut regarder comme celui de sa naissance, il commence à respirer, ainsi que les animaux vivipares. Voyez semences, graines, germinations.

☞ Quelques Philosophes ont attribué la naissance des insectes à la corruption. C’est une erreur. Si la corruption les fait éclore, c’est que les œufs y avoient été déposés. Aussi, suivant les Observations de MM. LeClerc & Redi, si un corps vient à se corrompre dans un endroit inaccessible aux mouches, il ne fait naître aucun insecte.

Les animaux se divisent en animaux terrestres, animalia terrestria ; aquatiques, aquatica ; oiseaux, volucres ; amphibies, ancipites bestiæ ; insectes, insecta. Les animaux terrestres, ou sont animaux à quatre pieds, quadrupedia ; ou animaux reptiles, reptilia. Ceux qui sont à quatre pieds, ou bien ils ont le pied fourchu, comme les bœufs ; ou ils l’ont solide, comme les chevaux ; ou ils l’ont divisé en plusieurs doigts, comme les chiens, les loups, les lions. Les autres divisions des animaux se trouveront dans les mots d’oiseau, poisson, reptile, &c.

Diodore de Sicile a donné pour cause du culte des animaux chez les Egyptiens, la doctrine de la Métempsycose. Voici comment il s’explique en parlant du Dieu Apis. Le principe de ce culte, selon quelques-uns, est qu’à la mort d’Osiris son ame passa dans le corps d’un taureau nommé Apis ; & que depuis ce temps elle est entrée successivement, & s’est manifestée dans tous ceux qu’on a substitués à la place de celui-là. Mais cette doctrine ne peut pas être l’origine d’un pareil culte. 1.o Cette opinion a été commune chez tous les peuples, & le culte des animaux a été particulier à l’Egypte. 2.o Les anciens Egyptiens n’ont jamais cru que les âmes héroïques & démoniques fussent assujetties à la loi commune de la métempsycose. Or les anciens Egyptiens n’ont déifié que les âmes héroïques & démoniques. 3.o Suivant la doctrine de la métempsycose, on regardoit comme une punition des crimes commis la demeure des ames dans le corps des animaux. Leur prison ne pouvoit donc jamais devenir un objet d’adoration, mais devoit plutôt être un objet d’aversion & d’horreur, comme tout feu souterrain l’étoit chez les anciens Romains. 4.o Enfin, la doctrine de la métempsycose est bien postérieure au premier culte des animaux. Elle a été observée pour résoudre toute objection contre la Providence. Essai sur les Hiéroglyph. p.270.

Le même animal à qui l’on accordoit les honneurs divins dans un endroit de l’Egypte, étoit chargé d’exécrations dans un autre. A Arsinoé, par exemple, ils adoroient le crocodile, parce qu’ils le regardoient comme le symbole de la divinité, à cause qu’il n’a point de langue, & dans d’autres villes on l’avoit en horreur, parce qu’elles en avoient fait un symbole de Typhon. Essai sur les Hiéroglyph.

On appelle par injure, animal, un homme lourdaut, grossier, stupide. Stupidus, bardus, stolidus. Celui qui vous a dit cela est un animal. Elle aime le plus sot animal qui jamais eut la forme d’homme. Gom. Dans certaines terres nouvellement découvertes, à peine sont-ce des hommes que les habitans, ce sont des animaux à figure humaine. Fonten.

Il n’est point nécessaire d’avertir que ce mot vient d’animal, formé d’anima, ame, & qu’il signifie, ce qui a une ame. Le P. Pezron prétend qu’il est formé de l’aneral des Celtes, qui vient de ane ou ene, qui, dans cette langue signifie Ame.

Animal, en termes de Blason, reçoit plusieurs épithètes différentes. Quand les animaux sont représentés en leur assiette naturelle, on les appelle passans, animal gradiens. On appelle la brebis, paissante, pascens ; & le lion, rampant, erectus. Quand ils sont en une autre assiette, il la faut exprimer, comme debout, stans ; couché, stratus ; courant, currens ; en pied, erectus in pedes, le cheval se cabrant est appelé poulain gai, arrectus ; ou effrayé, forcené, efferatus ; le loup, ravissant, rapiens ; le taureau, furieux, furens ; la licorne, saillante, saltens ; le chat, effarouché, ou hérissonné, pilis horrentibus ; le bélier & le bouc, sautans, exiliens. Quand l’Ecu en contient au-delà de seize, on dit, qu’ils sont semés, ou sans nombre.

Animal, ale. adj. Qui appartient à l’animal. Animalis. Les Philosophes admettent des esprits naturels, vitaux & animaux, pour faire toutes les fonctions animales. Duncan, Médecin de Montpellier, a expliqué toutes les fonctions animales par une voie nouvelle & mécanique, après Willis Anglois. Les esprits animaux ne sont autre chose que les parties les plus subtiles, & les plus agitées du sang. Si le sang est subtil, il y aura beaucoup d’esprits animaux ; & s’il est grossier, il y en aura peu. Malb. Le vin est si spiritueux, que les esprits du vin sont des esprits animaux tout formés. Id. En Morale on oppose la partie animale, qui est la partie sensuelle & charnelle, à la partie raisonnable, qui est l’intelligence. Leurs connoissances ne changent point cette manière animale de ne concevoir les choses que par les sens. Nicol. Ce sont les défiances & l’incrédulité naturelle de l’homme animal, qui vous séparent de nous. Peliss. L’homme animal ; c’est-à-dire, sensuel, charnel, ne comprend pas ce qui est de Dieu. Acad. Franç.

☞ En termes d’histoire, on appelle règne animal la classe des animaux. Règne animal, règne végétal, règne minéral. Les animaux, les végétaux & les minéraux.

☞ En Chimie, huiles animales, celles qui ont été tirées des animaux.