Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALLEMAGNE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 236-237).
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ALLEMAGNE. Alemannia, Germania. Grand pays d’Europe, qui a titre d’Empire. Au lieu d’Alemannia les médailles de Crispus & de Constantin le jeune, tous deux fils de Constantin le Grand, disent Alamannia. L’Allemagne avoit autrefois pour bornes au septentrion la mer Baltique & la mer Germanique ; au midi le Danube ; à l’occident le Rhin, & à l’orient la Vistule. Elle avoit encore ces bornes du temps de Charlemagne. Aujourd’hui & depuis plusieurs siècles on y comprend encore au midi tout ce qui s’étend depuis le Danube jusqu’à la Suisse, à l’Italie, & à la Dalmatie. Elle a à l’orient la Hongrie, la Pologne & la Prusse. Au nord, la mer Baltique & le Danemarck, & une partie de l’Océan ; & l’occident l’Alsace, & les Pays-Bas. La haute Allemagne est la partie qui est au midi, & dont la Franconie, la Bohème, & la Moravie, font le nord. La basse Allemagne est tout ce qui est compris entre ces trois provinces, & la mer Baltique, le Danemark & l’Océan. ☞ Il y a des Auteurs qui mettent les Pays-Bas au nombre des Etats de la basse Allemagne. Leur erreur vient de ce qu’anciennement une partie des Pays-Bas étoit comprise dans la Germanie inférieure. Or l’Allemagne & la Germanie ne sont pas des noms qui signifient les mêmes peuples, renfermés dans les mêmes bornes ; non plus que la France & la Gaule ne signifient pas la même chose, quoique dans les livres écrits en latin Germania se prenne pour l’ancienne Germanie ; & pour l’Allemagne d’aujourd’hui, & Gallia pour la Gaule de Jules Cesar, & pour la France sous Louis le bien aimé. L’Allemagne s’appela d’abord Teutonie, ensuite Germanie, & enfin Allemagne. Trebells Pollion, qui vivoit sous Constantin Chlorus, est le premier que je sache, qui se soit servi du mot Allemannia. On le trouve ensuite dans Claudien, de Laud. Stilic. Liv. I. Mais celui d’Allemannus se trouve dans Spartien, & il paroît qu’il étoit plus ancien, & que dès le temps d’Antonin Caracalla il étoit en usage ; puisque Spartien dit dans la vie de cet Empereur, qu’il prit le titre d’Allemannique, Allemannicus, parce qu’il avoit vaincu la nation des Allemands. c’est de ce peuple que l’Allemagne a pris son nom. L’Allemagne est entre le 44e & le 55e degré de lat. & entre le 27e & le 41e de longit. Maty.

L’Allemagne est appelée Saint Empire. Un Savant croit que ce titre a été donné à l’Empire germanique, à l’imitation du grec, où tout s’appeloit saint & sacré, même les dignités fort inférieures à celle de l’Empereur ; témoin son Trésorier qui s’appeloit, Comes sacrarum largitionum : Que jusqu’à l’encre de l’Empereur s’appeloit sacrée : Que les Empereurs de Constantinople étoient appelés Saints ; de sorte qu’un Patriarche de Constantinople ayant manqué de donner ce titre dans un acte à l’Empereur Michel Paléologue, cela lui suscita une grosse querelle, comme on le voit dans l’histoire de Pachimere. Ensorte qu’il est très-vraisemblable que les Empereurs d’Occident, voulant jouir des mêmes prérogatives que ceux d’Orient, ont peu à peu pris les mêmes titres, que les Papes leur ont donnés pour leur faire leur cour, comme à nos Rois celui de Très-Chrétiens. Cette conjecture paroît d’autant plus probable, qu’elle est confirmée par quelques exemples, qu’on peut voir dans le Glossaire latin de Du Cange, aux mots sacer & sanctus. M. le P. B.

Allemagne Françoise. Germania Francica. Quelques Auteurs appellent ainsi les terres d’Allemagne, qui ont été cédées à la France par la paix de Munster, ou depuis, comme la haute & la basse Alsace, & le Sundgaw.

La mer d’Allemagne. Mare Germanicum, Germanicus Oceanus. C’est le nom que l’on donne à la partie de l’Océan septentrional, qui est renfermée entre la Grande-Bretagne au couchant, les Pays-bas au levant, avec un bout de l’Allemagne & la Jutie, & qui s’étend depuis le pas de Calais jusqu’aux côtes méridionales de Norwege.

☞ On l’appelle quelquefois l’Empire, parce qu’elle a pour souverain un Prince qui porte le titre d’Empereur d’Occident. Après le renversement de l’Empire Romain sous Augustule, cet Empire fut rétabli par Charlemagne, qui conquit une grande partie de Allemagne ; mais son Empire ayant été affoibli par les partages, & plus encore par la foiblesse de sa postérité, il s’en forma quantité de souverainetés, & les Rois de Germanie s’approprierent enfin le titre impérial, duquel ils sont demeurés en possession. L’Empire d’Allemagne n’a rien de commun ni avec l’Empire Romain, ni avec l’Empire d’Occident sous les Rois de France. Ce ne sont ni les mêmes pays ni les mêmes gouvernemens. C’est un Empire particulier dont le commencement doit se prendre à Conrad I, duc de Franconie, élu par les seigneurs Allemands pour succéder à Louis IV, dernier Empereur de la maison de Charlemagne.

L’Allemagne est une République dont l’Empereur est le Chef, & dont les membres sont les trois Colléges de l’Empire. Le Collége des Electeurs, le Collége des Princes tant ecclésiastiques que séculiers, & le Collége des villes impériales. La souveraineté de l’Allemagne ne réside point dans l’Empereur, mais dans les Etats ou asemblées générales d’Allemagne, de l’Empire, qu’on nomme Diétes, ou Journées Impériales. Dans la vie de Charlemagne composée par Eginard, il est dit que le Leck séparoit la Bavière des Allemands. Walasfidus Strabo, qui écrivoit sous Louis le Débonnaire, dit dans la préface de la vie de S. Galle, qu’il a trouvé que l’Auteur de la vie de ce Saint appelle souvent l’Allemagne Altimannia, Hautemannie. Il ajoute qu’il n’a trouvé ce nom nulle part ailleurs ; qu’il croit qu’il a été forgé par les Modernes à cause de sa situation élevée, parce qu’une partie de l’Allemagne est entre les Alpes Pennines, & le rivage méridional du Danube.