Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/ALLELUIA

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(1p. 236).
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ALLELUIA. s. m. Petite plante, dont les racines sont longues, menues, fibreuses, comme écailleuses dans quelques endroits, & d’un blanc tirant sur le rouge. Elles donnent des feuilles portées sur des pédicules grêles. Chaque pédicule soutient trois feuilles à son sommet, comme le trefle, taillées en cœur. D’entre ces feuilles, qui sont d’un vert tirant sur le jaune lorsqu’elles passent, s’élèvent quelques pédicules, qui pour l’ordinaire ne soutiennent qu’une seule fleur en forme de cloche, découpée en cinq parties jusque vers son centre. Le pistil qui sort du fond du calice, s’emboîte avec la fleur, & devient ensuite un fruit membraneux, semblable en quelque manière à une lanterne, & divisé le plus souvent en cinq loges, qui s’ouvre chacune en dehors par une fente étendue de la base du fruit jusqu’à sa pointe. Chaque loge contient quelques semences enveloppées dans une coiffe, qui par sa contraction pousse ordinairement la graine assez loin du fruit. Il y a plusieurs espèces d’alléluia : les plus communes en France, & celles auxquelles cette description convient, ont les fleurs, ou blanches, ou jaunes, ou purpurines. Elles ont un goût aigrelet dans presque toutes leurs parties. Elles sont bonnes dans les fièvres malignes. Francus, Médecin Allemand, a ramassé dans un traité toutes les propriétés de cette plante. Les autres espèces qui sont étrangères different de celles-ci, parce qu’elles sont, ou branchues, ou parce qu’elles ont de fort grosses racines. On l’appelle autrement, Pain de Cocu, & en latin, Trifolium acetosum, oxys, oxytriphillum, acetosella, & lujula. Selon Dodonée on l’appela alleluia, parce qu’elle fleurit dans le temps qu’on chante alleluia dans les Eglises, vers le temps de Pâque ; & selon Scaliger, son nom vient de l’italien juliola par corruption.

Alleluia, est un mot de réjouissance, que l’Eglise chante au temps de Pâque à la fin des traits ou versets. C’est S. Jérôme qui l’avoit introduit dans l’Eglise du temps du Pape Damase. Somozène se trompe, quand il dit qu’il ne se chantoit qu’une fois l’année, & S. Jérôme au contraire témoigne qu’on le disoit même dans l’enterrement des morts. God. Il semble néanmoins que dans l’Eglise romaine, on ne le disoit plus hors le temps de Pâque avant S. Grégoire le Grand ; mais qu’on le disoit dans l’Eglise grecque. Car ce saint Pape ayant ordonné qu’on le dit pendant tout le cours de l’année ; & quelques gens l’ayant trouvé mauvais, parce qu’il introduisoit, disoient-ils, à Rome les coutumes de l’Eglise de Constantinople, il répondit qu’il n’avoit eu égard en cela à la coutume d’aucune Eglise ; que ç’avoit été l’ancien usage de Rome, & que sous le Pape Damase cette coutume avoit été apportée de Jérusalem. Ainsi S. Grégoire ne fit que la rétablir. Les Grecs disent encore aujourd’hui souvent l’alleluia durant le carême, & même dans les cérémonies funèbres. Goar. S. Jérôme dans la vie de Sainte Paule, & dans son épitre 23e à Marcelle, fait entendre qu’on appeloit & qu’on assembloit les religieuses pour l’office, ou la prière, au chant d’alleluia, au lieu des cloches. Dans la Liturgie ambroisienne, alleluia signifie ce que nous appelons le Graduel.

☞ Il y avoit en Ethiopie un Monastère qu’on appeloit alleluia, parce que son premier Abbé faisoit souvent chanter alleluia.

Ce mot est hébreu, ou plutôt ce sont deux mots hébreux, dont l’un est הללו, hallelu, & l’autre יה, Ja, nom abrégé du nom propre de Dieu, יהוה, Jehova. L’un signifie, Laudate, louez ; & l’autre, selon l’interprétation commune, Dominum, le Seigneur. Louez le Seigneur. Ç’a été aussi autrefois un cri militaire, comme on voit dans Ado Viennensis.